Warning: mysql_num_rows(): supplied argument is not a valid MySQL result resource in /mnt/153/sda/7/9/oeil.electrique/php/en-tetes.php on line 170
L'Oeil électrique #3 | Bande dessinée / Olivier Josso et Laure Del Pino

> C’EST BEAU LA VIE
+ Comment devenir riche

> SOCIÉTÉ
+ Benoît Delépine
+ S’informer sur l’information
+ L’abandon en France
+ Corps et contraintes
+ Le nain de jardin, agitateur?

> BANDE DESSINÉE
+ Olivier Josso et Laure Del Pino

> VOYAGE
+ Une autre Tunisie

> CINÉMA
+ Pierrick Sorin

> MUSIQUE
+ Asian Dub Foundation
+ Psychanalyse et paroles

> MÉTIER
+ Educatrice spécialisée

> NOUVELLE
+ Portrait de lectrices en marche
+ La peau de la vieille

> 4 LIVRES : INDIENS
+ Vikram Seth : Un garçon convenable
+ R.K. Narayan : Le Guide
+ Anita Desai : Le feu sur la montagne
+ Salman Rushdie : Les Versets Sataniques

> NOUVEAUX SONS
+ Dirty Three : Ocean Songs
+ Tortoise : TNT
+ Kreidler : Appareance and The Park
+ Chris & Carla : Swinger 500
+ The little Rabbits : Yeah!
+ Fun’da’mental : Erotic Terrorism
+ Badmarsh & Shri : Dancing Drums
+ Jay-Jay Johanson : Tatoo
+ Fajt/Meneses : Songs for the Drums

> JAMAIS TROP TARD
+ Eloge de la marâtre
+ Paris le jour, Paris la nuit
+ Le principe de Peter
+ Thomas Ott, Exit
+ De Crécy-Chomet, Priez pour nous
+ Blutch, Péplum

BANDE DESSINÉE / OLIVIER JOSSO ET LAURE DEL PINO

Par Morvandiau.

Préférant le chaud soleil des bords de Méditerranée au crachin venteux du grand ouest, où naquit cependant leur lumineuse autopublication " Brulos le Zarzi ", Laure Del Pino et Olivier Josso sont deux auteurs de bande dessinée dont le travail reflète tout à la fois les doutes et la sage persévérance. Onirisme et bestioles polymorphes, rock ’n’roll et poésie, leurs histoires sont aujourd’hui publiées par différentes structures indépendantes. Questions sur la narration et la réalité.

Vous développez respectivement des univers graphiques plutôt différents tout en partageant une forme d’onirisme introspectif. Qu’est-ce qui vous intéresse dans cette manière de raconter des histoires ?
Laure :
Cela permet de rester proche des sentiments qui sont à la base des histoires, tout en conservant une grande liberté quant au dessin. J’essaie de transcrire un univers intérieur sous des formes un peu éloignées de la BD traditionnelle. Il s’agit pour moi d’être sincère, de ne pas tricher, et de faire part des malaises et décalages qui parsèment le quotidien ; tenter d’approfondir sa petite musique afin d’avancer dans le travail, et aussi dans la vie.
Olivier : Personnellement, je tente de faire passer dans mes bandes dessinées ce que je n’arrive pas à exprimer dans le langage courant. Cette frustration se transforme alors en moteur créatif, c’est un processus artistique vieux comme le monde. Autant dans l’écriture que dans la lecture, je trouve que la bande dessinée invite tout particulièrement à l’immersion. On peut y plonger à sa guise, et s’en servir pour explorer les abysses du ventre et de l’esprit. Après, chacun choisit ce qu’il visite, et ce qu’il ramène à la surface. Onirisme, fiction, autobiographie ou reportage, peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse des profondeurs et la justesse des émotions.

Votre travail d’autopublication réalisé avec " Brulos le Zarzi "(avec Jean-Pierre Marquet et Éric Blouin) est-il en suspens ou l’énergie exigée vous a-t-elle définitivement fait passer l’envie d’être vos propres rédacteurs en chef ?
Laure :
Réaliser une revue de A à Z, des planches jusqu’à l’impression et la diffusion, représente un boulot phénoménal. Par l’investissement affectif, on demeure aussi beaucoup plus vulnérable aux écueils extérieurs. On attend alors beaucoup trop d’écho au travail et à l’énergie dépensée, et dans le cas de Brulos, les contraintes et le manque de réponse du public ont progressivement émoussé l’enthousiasme de départ. Ce fut cependant une expérience magique et auto-constructrice, qu’on aimerait poursuivre à l’avenir.
Olivier : On laisse tranquillement germer l’idée d’un Brulos le Zarzi seconde période, à l’éclosion indéterminée. Pour l’instant on préfère encore se reposer sur d’autres structures, mais on sait qu’on se remettra un jour à l’édition afin de retrouver une intime liberté et concrétiser plus profondément nos envies personnelles.

Que pensez-vous justement des éditeurs indépendants ?
Olivier :
Selon moi, la richesse de la bande dessinée indépendante passe par le brassage des auteurs, et donc par la complémentarité des structures éditoriales. Papillonnage et pluralisme font voir du pays, des gens différents et encouragent les échanges, par opposition aux guerres de chapelles.
Laure : Sans vouloir noircir le tableau, j’ai pu constater que les exigences des personnes qui dirigent ces revues ne correspondent pas toujours à mes désirs de liberté. La frilosité existe aussi chez les indépendants, au détriment d’une certaine fraîcheur, ce qui me décourage parfois. Heureusement des gens comme Mattt Konture avec son " Jambon blindé " ou le comix " La table ", privilégient encore confiance et totale liberté avant de se soucier des contingences éditoriales.

Vous vivez ensemble, vous êtes tous deux auteurs de bande dessinée. Dans quelle mesure est-ce un frein, une motivation ou ni l’un ni l’autre pour votre travail ?
Olivier :
Cette situation offre à chacun l’opportunité d’un regard extérieur et immédiat sur le travail en cours. On se soumet mutuellement les trucs sur lesquels on doute, car l’oeil de l’autre voit toujours mieux où ça coince. Outre ce recours salutaire, on se pousse au cul pour bosser, la complicité et l’émulation aidant. Dans le dernier " Jambon blindé ", à la demande de Mattt, nous avons même réalisé une histoire à quatre mains, intitulée " Nous deux ".
Laure : Nous partageons le même désintérêt pour la compétition . Aussi je ne jalouse aucunement le succès plus évident d’Olivier. Car malgré notre vie commune, nos travaux restent relativement distincts. Je ne sais d’ailleurs pas si j’ai un quelconque avenir dans la bande dessinée et je m’en fous un peu. Ce qui me préoccupe, c’est d’abord d’arriver à sortir des choses, par ce biais ou un autre, comme par exemple la peinture, et de trouver le temps de m’y consacrer.

L’Astérix de l’an 2000 vous semble-t-il à votre portée et, si oui, pouvez-vous nous parler du premier album de la série ?
Olivier : Je n’ai rien contre Astérix, c’est avec Lucky Luke une des premières BD dont je me sois gavé. Quant à savoir si nous toucherons un jour le grand public, je n’y compte guère. Par contre, certains auteurs prolifiques issus du vivier indépendant, comme Lewis Trondheim ou Joan SFAR, percent des brèches très intéressantes en publiant des boulots de qualité chez des gros éditeurs. Encore une fois, j’apprécie cette démarche ouverte qui dresse des ponts entre différents lectorats. Lapinot (personnage de Lewis Trondheim, Ndlr) est en chemin pour prendre la relève d’Astérix, et son succès éclaire déjà la voie publique afin que d’autres s’y installent aussi.

Sans donc compter sur la reconnaissance du grand public, pensez-vous possible de vivre aujourd’hui du neuvième art ?
Olivier :
On pourrait d’ores et déjà officialiser le grand club des auteurs RMIstes… Il faut constamment jongler avec les boulots alimentaires, rarement proches du dessin, pour s’octroyer le temps et l’énergie nécessaires au travail créatif qui n’est lui quasiment pas rémunéré. Les participations aux revues sont bénévoles, seuls les albums ouvrent l’accès aux droits d’auteur.
Laure : Dans la BD indépendante, ce bénévolat forcé est devenu une habitude, presque une marque de fabrique. Bien que le travail circule de mieux en mieux, les éditeurs préfèrent réinjecter l’argent dans la production de livres plutôt que dans la rémunération des auteurs. C’est un choix, mais je ne sais pas si ce calcul jouera en leur faveur à long terme. Déjà, non seulement les gros éditeurs copient les collections des petits, mais ils signent de plus en plus d’auteurs estampillés " indépendant "…

Vous avez un goût prononcé pour le rock’n’roll. Écoutez-vous cette musique du Diable en travaillant ?
Olivier :
Pour sûr ! C’est un vrai bonheur de dessiner en adéquation avec ses disques favoris. Le rock’n’roll procure une excitation souvent profitable au travail. Il a cette particularité d’outrepasser le cadre musical pour toucher droit au ventre, et y distiller de lancinantes et énergiques ondulations. Les trucs que je préfère sont d’ailleurs plus reptiliens que bastonneurs, et canalisent des sensations que j’essaie aussi de véhiculer ; des courbes de tension, tantôt sombres, tantôt lumineuses, qui extériorisent des frustrations et des confusions internes (et Olivier de citer en vrac : Cramps, Dum Dum Boys, Jesus and Mary Chain, Nick Cave, Calexico, Beat Happening et autres Halo Benders).
Laure : Chez moi ça dépend. Parfois le silence me semble plus intéressant et plus stimulant pour bosser. Musicalement, je suis moins monomaniaque qu’Olivier mais je cultive aussi mes jardins de prédilection : Tom Waits, Billie Holiday, Marianne Faithful, Gainsbourg, certaines musiques du monde…

Et alors la suite ?
Laure :
Outre les histoires prévues pour les revues collectives, nous bossons chacun sur des projets d’albums. J’ai commencé un récit d’une trentaine de pages, " La punition ", qui devrait sortir l’année prochaine en petit format chez Ego Comme X.
Olivier : Il faut que je me remette sérieusement à la série autobiographique intitulée " Au creux du sillon voyageur ", qui paraît sporadiquement dans Jade. Si tout va bien, ça fera une " Éperluette " (collection de l’éditeur indépendant L’Association, Ndlr) vers juin 1999. Suivra chez Ego Comme X un recueil compilant les histoires éparpillées ça et là, auxquelles j’ajouterai du matériel inédit.