Warning: mysql_num_rows(): supplied argument is not a valid MySQL result resource in /mnt/153/sda/7/9/oeil.electrique/php/en-tetes.php on line 170
L'Oeil électrique #13 | Société / Précis périssable de sujets fâcheux

> C’EST BEAU LA VIE
+ C’est beau la guerre

> SOCIÉTÉ
+ L’oeil du douanier
+ Précis périssable de sujets fâcheux
+ Robert Fleck
+ Michel Steiner

> BANDE DESSINÉE
+ Emmanuel Guibert

> LITTÉRATURE
+ L’Enfer de la bibliothèque nationale

> VOYAGE
+ Albanie, année zéro

> PHOTO
+ Michel Bousquet: une jeunesse à Beyrouth

> CINÉMA
+ René Vautier

> MUSIQUE
+ Scanner

> NOUVELLE
+ Pour l’avenir d’un soldat

> 4 LIVRES : "CENSURE"
+ François Rabelais : Oeuvres complètes
+ Mikhaïl Boulgakof : Le Maître et Marguerite
+ Alexandre Soljenitsyne : Une journée d'Ivan Dénissovitch
+ Louis Calaferte : Septentrion
+ Amine Zaoui : La Razzia

> BOUQUINERIE
+ Yves Pagès : Petites natures mortes au travail
+ Antonio Lobo Antunes : L’ordre naturel des choses
+ François Ayroles : Notes Mésopotamiennes
+ Howard Fast : Mémoires d'un rouge
+ SH Fernando Junior : The New Beats
+ Fabrice Neaud : Journal (III)

> NOUVEAUX SONS
+ Djeli Moussa Diawara et Bob Brozman : Ocean Blues (from Africa to Hawaï)
+ The Creators : The Weight
+ St Germain : Tourist
+ Divine Styler : Word Power 2 : Directrix
+ Chips & Cheers : Blue Note Mix Tape Vol 1
+ Quickspace : The Death of Quickspace
+ Dupain : L’Usina
+ Gonzalez : Gonzales über alles
+ Improvisators Dub meets The Disciples : Dub & Mixture

> HTTP
+ Le Monde diplomatique
+ Amon Tobin

> PLATES-FORMES
+ Le dilletante

> REVUES
+ Terminal
+ Dada

> ACTION
+ GlobeNet

Par Thomas Sonnefraud.

" L'obscénité n'est qu'un mode de l'esprit de celui qui lit ou qui regarde. "
T. Schroeder

Aujourd'hui on clame à hue et à dia que la censure n'existe plus ; il reste que se souvenir du siècle abouti, y retrouver les fruits infects de ce pouvoir fumeux, c'est se rendre compte que d'une censure institutionnalisée, régie par des codes, des morales et des desseins, nous sommes passés à une censure invisible, implacable aussi, qui prévaut a posteriori comme a priori, puisqu'elle joue, presse, taille les budgets, arrose ou n'arrose pas tel sujet et que l'individu, face au règne impalpable du Dollar, se trouve n'être qu'une impulsion - un élan qui durera s'il induit un rapport spéculatif juteux entre production et exploitation. Alors taisons cette sentence bien hâtive et si le jeu vous mobilise, tentez (seul ou à plusieurs) de retrouver dans l'actualité cinématographique ce que le dieu nouveau a pourvu de ses mannes et ce qu'au contraire il a méprisé : aux poltrons, les poltronneries !

Les affaires
Parmi le hasard des situations, surgissent aux yeux de quelques caméras fortuitement présentes à ce moment-là, quelques bijoux scandaleux dont les autorités voulurent taire les implications : Octobre à Paris de Jacques Panijel, 1961, relate les répressions policières à l'encontre des Algériens de Paris qui firent des centaines de morts (du côté des Algériens).
Le fol été (1965) d'Yves Boisset, un superbe projet jamais emmené à la bobine : Boisset souhaitait réaliser un sujet sur la collusion mafia locale et Gestapo, en France. Son producteur fut expressément sollicité par quelque autorité (la précensure, sur lecture du scénario) de ne pas confirmer ce projet. Silence avait-on intimé.
Le meurtre du juge Renaud fut encore pour le libertaire Boisset une raison de filmer : Le juge Fayard dit "le shérif" (1976) met en cause le SAC (service d'action civique) nid de truands, de criminels, qui se cachent derrière une vitrine honorifique (ça évoque un tas de chose…). Boisset, trop impudent là encore, se voit astreint par la justice à retirer toute allusion à cette noble association qu'elle condamnera 4 ans plus tard comme association de malfaiteurs. Boisset est mitraillé dans sa voiture tandis qu'un de ses témoins est assassiné, encore une fois la police s'en prend au cinéaste… durant des mois Yves Boisset sera harcelé funestement jusque dans sa vie privée.
Lumières noires (1994) de Med Hondo (d'après Daeninckx), réalisateur Mauritanien, retrace l'expulsion sauvage de cent Maliens par les autorités françaises version Pasqua-Pandraud : le réalisateur se verra successivement refuser de tourner les fameuses scènes à Charles-de-Gaulle puis à Orly, même refus poli d'Air France ; avant tout, propreté de l'image de marque.

La connerie militaire

De la patrie
Le petit soldat (1960) de J.L. Godard décrit le parcours erratique d'un déserteur pendant la guerre d'Algérie. Le ministre Terrenoire (nom idéal) interdit la diffusion pour manque de patriotisme et conjoncture explosive. Le film sort 3 ans plus tard avec moult balafres. Le Pen (décidément dans les bons plans) demande l'expulsion (rien que ça) du cinéaste quand d'autres le menacent de mort ! Ah… la guerre d'Algérie.
La question (1977) de L. Heynemann traite de tortures commises par des soldats français durant la guerre d'Algérie, d'abord interdit aux moins de 18 ans par Michel d'Ornano alors ministre de la Culture, La question sera retirée des salles par Gaumont suite aux intimidations du FN, dans le sud, qui, au nom de la patrie sainte-nitouche-qui-ne-fait-jamais-rien-de-répréhensible, menace de mort les exploitants (un journaliste du Midi Libre sera même averti de son exécution prochaine !).
Quant à René Vautier, bannière libre du cinéma engagé, son long métrage Avoir vingt ans dans les Aurès (1971) demeure un classique de la censure puisque aujourd'hui encore, il est l'objet privilégié des haros de la droite, du FN en première ligne, comme en témoignent, lors de sa programmation en 1997 pour un festival contre le racisme, les assauts des frontistes ligués à quelques vergetures du RPR qui, ne reculant devant rien, assénèrent en public une logorrhée d'injures au sujet du film. Rappelons que M. Vautier fut emprisonné deux ans pour avoir soutenu le FLN, durant la guerre. On ne rit pas avec l'iconographie patriotique (démocratie oblige) !

L'ancien combattant
Les sentiers de la gloire de Stanley Kubrick est resté interdit en France durant 18 ans. Sorti en 1958, il dénonce les horreurs de 14-18 du côté de l'armée française, l'aveuglement des officiers, les ordres iniques qu'ils donnaient aux troupes congelées, malades et trempées. Surprise ! les anciens combattants se dressent contre le film, au cours d'une projection une bagarre éclate, prouvant à quel point l'icône reste sensible…

Contextes et parodies démocratiques
Le film Bel ami(roman de Maupassant) réalisé par L. Daquin se heurte immédiatement à la censure : anticolonialiste, il tombe bien mal. La guerre d'Algérie fait rage, et l'état français décide de l'interdire sauf modifications. On procède alors à ces changements : 26 au total ; cependant le ministre refuse toujours, appuyé par l'Assemblée Nationale. Le film ne sort qu'en 1957, gruyèré par cette horrible mite. Les modifications de dialogues sont atterrantes, en voici une radieuse : "Et qu'en pensent les Marocains ? -Les Marocains, Madame, ne pensent pas." devenu "Et qu'en pensent les plantes exotiques ? -Les plantes exotiques, madame, ne pensent pas."…

L' ordre moral

Les mœurs de l'Ombre
Nous sommes tous en liberté provisoire de D. Damiani (1971), frappé d'une interdiction aux moins de 18 ans car il relatait un soulèvement de détenus (le ministre d'alors jugea que la réalité semblait trop… proche), population dont On doit prévenir l'audience auprès du Français moyen - dont On sait par ailleurs qu'il ne va pas ou peu voir les films interdits aux moins de 18 ans. Des taulards et puis quoi encore !
Les circonstances locales… elles offrent aux municipalités (entendez le maire) d'interdire un film s'il est susceptible de piquer un programme, une institution ou une population ancrés dans le paysage : il s'agit en gros d'un fourre-tout déconcentré qui octroie aux municipalités le pouvoir d'évincer ce qu'elles décrètent dangereux. Vertigineux. Rappelez-vous, en 1996, Vitrolles, Régine Juin est licenciée suite à la programmation d'un film sur les homos et le sida. Encore, Je vous salue Marie (1984) de Godard est interdit à Versailles (sans que personne, à la mairie, n'ait vu auparavant le film) pour pornographie et obscénité ; le tribunal administratif annulera ces décisions sans fondement. Les exemples sont innombrables et l'on retrouve des types comme Médecin (de moralité irréprochable) qui interdisent à tout va, pour toutes sortes de raisons, invoquant le caractère érotique ou violent de ces films, exemple : l'affiche de Harcèlements (1995) est interdite à Aix, à Versailles, M. Douglas caressant le fessier de Demi Moore, sans blague nous voilà envahis par les dépravés, Monika (1952) de Bergman, luxure et femmes faciles ne plaisent pas à Jacques M, maire intègre de Nice, Avant le déluge (1953) de Cayatte, même caillou.

Junkies !
L'homme aux bras d'or (1955) d'Otto Preminger, où l'on voit Sinatra pris dans les affres de la morphine, se heurte à la censure institutionnelle américaine… cachée derrière le satirique code Hays. Celle-ci estime que la meilleure solution contre la drogue reste la politique de l'autruche "22, v'là les junkies ! on coupe tout" : le fameux code, qui définit les règles de censure aux USA, interdit que le mot "drogué" soit dit. L'homme aux bras d'or emmena Preminger tout droit devant la Cour Suprême… Pour le premier consommateur au monde, ça fait un peu gnangnan ! Implacable spécimen de surveillance qui affiche le calvaire du cinéma face à la censure quand la littérature, elle, se débauche à tout va, débridée par les montées de LSD et les rêves sahariens.

Nous et la vulgarité
Dans Barbarella (1967) de R. Vadim, Jane Fonda se livre intégralement au spectateur ; que ne vient-elle de faire, cette Eve inconséquente et licencieuse ? ! ! Truffaut le pudibond écrit dans la revue Arts qu'il s'agit là de pornographie, Barbarella est interdit aux moins de 18 ans (mort clinique du film !)… Brigitte Bardot, entre autres, a durant quelques années été l'étendard de la France gouailleuse. Dans La lumière d'en face (1955), Et dieu créa la femme (1956), BB montre sa fraîcheur de jeunette. Aux USA, c'est une véritable chasse aux sorcières qui est ouverte : créature de Satan, danger mortel pour les hommes, trop excitante pour les gens de couleur, bref les fesses de BB devenaient en peu de temps le symbole de toute la vulgarité d'un certain cinéma. Il est à noter que les USA dès 1910 s'initiaient au stag-movie, court-métrage porno clandestin particulièrement hot…
L'affiche du film de Milos Forman, Larry Flint, exhibant le magnat du porno US crucifié sur un pubis féminin, fut l'objet en 1997, en France, d'une campagne sournoise d'asso catho parmi lesquelles on retrouve l'Agrif, asso contre le racisme et pour l'identité française, sympathisante FN. L'avocat de ce conclave papelard, Me Varaut (futur champion de Papon) fera le plein de signatures des monarques de la spiritualité à la française et obtiendra l'interdiction de l'affiche, du moins l'acquiescement de la justice française : c'est le réalisateur qui décidera du retrait de cette affiche, histoire de ne pas envenimer la situation (financière) du film…
La pilosité a un rôle social incurable : celui de la bête, de l'animal voire du monstre. Au cinéma, les Américains, les Japonais s'en donnèrent à cœur joie, L'empire des sens (1975) d'Oshima se voit frustré de ses pubis universels (au Japon, le poil au ciné est légalement interdit… pas le sexe, le poil, oui, le poil) ; pour Orange mécanique (1971), même salade, à poil sans poil, quant aux aisselles, sur les berges du pacifique, elles ne plaisent pas aux censeurs (on imagine le cinéma allemand refoulé impitoyablement). En aparté, il est à savoir que le film de Kubrick vient d'être autorisé il y a quelques mois en terre anglaise, à la diffusion.
Le film de Sj?öman Je suis curieuse demeure l'une des plus somptueuses réactions épidermiques aux poils. En 1968, si proche de l'année érotique, en France, on supprime, allègrement, une vingtaine de minutes d'ébats libres ainsi que toutes les scènes où l'on aperçoit les poils de madame et de monsieur… c'est dire toute l'audace de cette époque que beaucoup vénèrent pour ses libéralités.

La chose publique

Actualité oblige
50,81% de Depardon réalisé durant la campagne électorale 1974 reste un des mystères cinématographiques car censuré par l'ex-prez VGE. Selon Depardon, Giscard aurait trouvé "très violent" le portrait dressé par le documentariste. C'est dommage, voyez-vous.
Philippe de Broca, réalisateur, reporter au Sca (service ciné des armées) en pleine guerre d'Algérie, est systématiquement censuré dès qu'il montre des soldats français perpétrant toutes sortes de forfaits (les violences en premier lieu).

Surveiller la contestation
L'agression de F. Cassenti, 1974, interdit pour réalisme "terriblement suggestif" ; ce court-métrage raconte le meurtre d'un immigré par trois ados petits-bourgeois, sortant du bal. Tiens, tiens…
Coup pour coup (1971) de Marin Karmitz retrace une grève d'ouvrières qui avait entraîné la réclusion du directeur dans son usine. Problème ! Karmitz s'attaque à une institution : l'imagerie patron-ouvrier. Très vite, la diffusion du film sera stoppée en province, et il ne sera jusque lors jamais programmé sur les chaînes TV. Véritable censure des réseaux de distribution qui marquera ainsi, dans l'histoire du cinéma, plusieurs réalisateurs et films voulant évoquer quelque étalon intouchable (Pasolini, Boisset, Godard, Vautier, Cayatte, parmi bien d'autres auront des films étouffés par les diffuseurs) !
Le chagrin et la pitié (1969, sorti en 1971) documentaire de Marcel Ophuls, évoquant Clermont-Ferrand sous l'occupation, l'antisémitisme, l'anticommunisme ainsi que la profusion des délations au cœur de la routine de cette ville, n'est distribué, après une rude bataille avec la censure, que dans une salle parisienne. En 1981, Le chagrin et la pitié est diffusé sur FR3.
Ailleurs, aux Philippines, Bayan Ko (1984) de Lino Brocka, fouille les viscères du régime Marcos et dénonce la dictature ainsi que la désagrégation du corps social. Il prend pour personnage central un ouvrier pris entre deux feux : la contestation, la résistance à la dictature ou la soumission aveugle afin de préserver sa famille, qui finalement cède à la pression du régime. Le film est interdit. En 1985, le réalisateur est emprisonné. Il reste que Brocka, mort en 1991, incarne la figure libre et intransigeante du cinéma philippin puisqu'il continua, après la chute des Marcos, à lutter contre la corruption politique et l'infiltration du pouvoir légal par l'extrême droite.

Religion

Tronches de dieu et compagnie
Et dieu créa la femme, bien évidemment, fut l'objet d'une houle mémorable de pudibonderie où se mêlaient pêle-mêle des catho, des témoins de Jéhovah, des féministes, des enseignants, des parents d'élèves d'un bon nombre de pays occidentaux, avec en tête les USA. Pourquoi ? simplement Bardot se montrait à poil, elle aguichait et devait en même temps symboliser Eve ou Marie, bref, un personnage légendaire, icône de la Femme. Le prude François Truffaut s'y colle à nouveau, dénonçant BB et sa manie naturiste. On cisaille le film à grands coups, nous sommes en 1956, la censure caractérise.

Tu n'affronteras pas les dogmes !
L'âge d'or (1930) de Luis Bu?nuel, éclatant cinéaste censuré, provoqua un scandale si énorme que le pape en activité, Pie XI, menaça le producteur d'excommunication ! Bu?nuel évoquait le Christ par l'entremise d'artifices : un personnage en blanc, une croix, un ostensoir… rien de véritablement choquant, mais l'Eglise ne voulut rien savoir et ces chrétiens de France non plus qui insultèrent et détruisirent des œuvres de Mir?, de Dali en criant mort aux juifs… le film resta censuré jusqu'en 1981, pas moins ! Peut-être le chef-d'œuvre de la censure française. De même pour Viridiana (1961), toujours de l'Espagnol, qui "blasphème les saintes huiles" aux dires d'un prêtre espagnol (l'inoubliable orgie des mendiants parodiant la Cène avec en fond sonore l'Alléluia d'Haendel, le crucifix-couteau…), sera interdit en Espagne, en Italie où le cinéaste est condamné à un an de prison s'il met les pieds au-delà des Alpes, en Suisse où on l'insulte ouvertement…
1988 :La dernière tentation du Christ, on s'en souvient tous, les bombes, les fanatiques de Jésus, Martin Scorsese et ses Goodfellas (Les Affranchis), un prêtre exhorte ses troupes : "Ils disent des atrocités sur Notre Seigneur, des mensonges lamentables. Alors nous, les soldats du Christ, il nous faut faire taire les insultes dont est victime celui que nous vénérons." En un mois sur 17 salles il n'en reste que 2 à oser telle programmation ! Ces chrétiens-là vont jusqu'à la menace de mort, cocktail Molotov, une dizaine de personnes sont blessées au Gaumont-Opéra, suite à un incendie criminel… les autorités religieuses en plein délire, n'ayant même pas vu le film, scandent leur haine tout en se réclamant de l'humanité toute entière, ben tiens. Lustiger de dire "…ce film est une agression contre ce qui est sacré au cœur de l'homme," et mon cœur d'athée à moi, monseigneur ? bref montrer Jésus en homme qui désire ça craint, car lui n'a pas le droit, le pauvre gars, d'aimer charnellement quelqu'un, juste spirituellement.
Je vous salue Marie (1983), de Godard figure lui aussi parmi le panthéon des films haïs par l'Eglise : l'histoire d'un taxi (Joseph), de la fille d'un pompiste (Marie) et d'un passager (l'ange Gabriel) ; elle est vierge et il lui annonce qu'elle va être mère pourtant… un peu d'humour, de la naïveté, de l'art et hop les intégristes (à Versailles où ils sont en nombre) montent au créneau, "blasphème" hurle-t-on… la même rengaine. Aux USA, en Italie, au Brésil certains pontifes s'efforcent de dissuader la foule de voir ce film en le dénonçant sans l'avoir vu la plupart du temps.
La religieuse (1966) de Rivette, enfin, bel acmé de la censure religieuse en France, le film interdit par le ministre de l'information Y. Bourges (à citer l'humour des habitants de Bourges qui voulurent rebaptiser leur ville Rivette), entraîne une formidable vague de protestation, qui s'attaque à Malraux alors "ministre de la kultur" (bon mot de Jean-Luc G), et réclame la révision de la décision (derrière l'officiel qu'était Malraux se planquait madame le général de Gaulle). Godard adresse à l'écrivain ministre une lettre ouverte publiée dans le Nouvel Obs qui s'achève ainsi : "Si ce n'était prodigieusement sinistre, ce serait prodigieusement beau et émouvant de voir un ministre UNR en 1966 avoir peur d'un encyclopédiste de 1789." La commission de censure autorise la diffusion… réservée aux personnes majeures.

Le sexe

L'Homosexualité
Aux USA, l'être homo a du mal à se faire apprécier : "Les Américains sont un peuple sain, il ne veulent pas voir de situations sexuelles dégradantes," proclame Joe Green directeur de la censure. En 1989, pour la sortie US de Sleep with the Devil, le terrible Yves Boisset se voit censurer une scène de baiser entre deux hommes ; on lui explique rapidement : "Les personnages antipathiques peuvent être homosexuels, pas les personnages sympathiques." T'as compris Yves…
Un chant d'amour (1950) de l'écrivain J. Genet, homo statutaire, est totalement interdit en France tandis qu'aux USA, en 1996, il reçoit l'étiquette <>hardcore pornography. Tout ça pour ce film muet qui retrace les fantasmes d'un détenu pour un autre… ah, le mythe du pédé-taulard-romantique ne fonctionne pas aussi bien que celui du pédé-maton-sadique…

La bête humaine
Dernier tango à Paris (1972) de Bertolucci contient une scène mémorable et détonante de sodomie beurrée ; oh ! que n'a-t-il montré là ? Aussitôt, la censure italienne le rattrape violemment et saisit les bobines originales en ordonnant la destruction de toutes les autres. Non mais, dès fois que des adultes verraient que la sodomie n'est pas, par principe, douloureuse !
Bien sûr, Andy Warhol devait trouver sa place ici, parmi tant de déviances : Chelsea Girl (1966) est refusé au festival de Cannes en raison de son attentatoire contenu : des lesbiennes en folie, des colères domestiques d'homos, quelques scènes de défonce, effervescences des années 70. En France, la commission de censure s'interroge sur une scène de Heat, du même dandy, qui montre une branlette suivie d'une pipe, elle renonce devant le peu de crédibilité d'une telle stigmatisation, faudrait pas trop déconner !

La pornographie
Une loi de finances du 12 décembre 1974 (conséquence d'un impair du nouveau prez d'alors, VGE, qui voulut une totale liberté de diffusion, vous imaginez ce qui arriva, la déferlante porno) détermine le cadre de diffusion des films porno : classé X, interdit aux moins de 18 ans, TVA proportionnelle aux entrées, prélèvements de 20% sur les bénéfices pour les films français, et pour les films étrangers taxes de 300 000 F, plus une taxe additionnelle de 50% sur la place et un droit de timbres… sympa, mais ça ne suffit pas, les tenants de l'ordre moral, ligues catho, scouts, associations familiales, le tout enrobé de quelques politiques tentent de diaboliser paire de fesses et verges ludiques en déposant des plaintes visant l'exploitation de films tels L'essayeuse de S. Korber. Et ça marche, le film en question sera le seul depuis la dernière guerre mondiale à finir en cendres…
En 1986, Spike Lee dans son film She's gotta have it montre des Noirs en train de faire l'amour… quoi de plus banal dans le cinéma d'aujourd'hui ! Eh bien, pas pour Hollywood, la vieille pudibonde, qui le prohibe vertement… La MPAA (comité de censure US) classe automatiquement X tout film exhibant la sexualité des Noirs…
Reste Pasolini, le sublime Pier Paolo, l'auteur de L'évangile selon Saint Mathieu (1964), du Décaméron (1971) et bien sûr de Salo ou les 120 jours de Sodome, film culte, voué à l'horreur, intégralement censuré en Italie pour obscénité, il sort en 1975 dans une seule salle à Paris. Mais cela ne suffit pas encore ! L'intolérable censure morale, cette garde qui tente d'administrer gestes et idées communs, décide du destin du poète, écrivain et cinéaste, à l'œuvre mille fois outragée. Il faut un exemple dut-on entendre lors d'une de ces séances d'émulation moralolugubre, dans une crypte fétide en deçà de Roma : quoique l'association reste libre entre le déchaînement de haine à l'égard de l'artiste et ce qui s'ensuit, il subsiste une inquiétante vraisemblance : on retrouve le corps atrocement mutilé de Pasolini sur une plage d'Ostie quelques temps après la sortie de Salo.

Bibliographie non exhaustive :
Dictionnaire de la censure au cinéma de J-L Douin - PUF
La censure cinématographique de P. J Maarek - Librairies Techniques
Ces films que nous ne verrons jamais de A. Weber - L'Harmattan