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L'Oeil électrique #13 | Plates-formes / Le dilletante

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PLATES-FORMES / LE DILLETANTE

Par Delphine Descaves.

dilettante n. (mot ital.). Personne qui s'adonne à une occupation, à un art en amateur, pour son seul plaisir. Personne qui ne se fie qu 'aux impulsions de ses goûts. (Le Petit Larousse.)

Le Dilettante, maison d'édition et librairie, se situe dans le treizième arrondissement de Paris, rue du Champ de l'alouette. Me voici devant une devanture en bois peint bleu foncé, un peu "à l'ancienne". J'ai rendez-vous dans la maison d'édition, au numéro suivant ; passée la lourde porte, une petite cour intérieure et là, à droite, une pièce - qui est aussi l'arrière-boutique de la librairie - aux dimensions moyennes : trois bureaux, un éclairage en clair-obscur, des rayonnages remplis de livres et de manuscrits qui s'entassent dans l'attente d'être lus. Le directeur et libraire, Dominique Gaultier, est dans son magasin. Il arrive au bout de quelques minutes : grand, la quarantaine un peu voûtée, l'œil bleu. Sa veste de tweed un peu usée au chic désinvolte, son court fume-cigarette et son phrasé nonchalant, discrètement ironique, lui donnent cette allure du "libraire parisien" tel que je me l'imaginais, tel que lui se l'imagine aussi, qui sait ? D'où vient ce nom un rien provocateur de Dilettante ? La ; création de la maison en 1984 s'est faite à partir d'une scission entre Gaultier et son acolyte de l'époque, cofondateurs de la structure Le Tout pour le tout. Au moment de la rupture, Gaultier s'est vu taxé de "dilettantisme"... Aujourd'hui, il reconnaît en souriant la dette envers son ex-comparse. L'histoire ne dit d'ailleurs pas ce qu'est devenu l'ancien compagnon de route ! Au-delà de l'anecdote, Gaultier revendique avec instance de ne fonctionner essentiellement qu'au plaisir. Vous trouverez d'ailleurs à l'intérieur de chaque jaquette de bouquin définition du mot "dilettante", issue du Larousse. Une profession de foi en quelque sorte... Aujourd'hui, la structure repose seulement sur trois personnes fixes (et actuellement deux stagiaires). Paradoxalement ce côté un peu artisanal rassure : ici on œuvre par amour de la littérature et du livre. La maquettiste, toujours la même, réalise les couvertures et affiches, volontiers un peu désuètes, humoristiques, voire kitsch.
Le Dilettante a d'abord pour vocation de promouvoir des "premiers romans" (ou des "deuxièmes" !) qui parfois tiennent leurs promesses : Vincent Ravalée ou Eric Holder ont publié leur premier roman ici. Actuellement, la maison est un peu débordée par le succès de la jeune auteur Anna Gavalda et son Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part. La sélection est pourtant drastique : sur 3000 manuscrits lus - par lui, par une stagiaire, par ses amis - seuls 3 dans cette catégorie "jeunes auteurs" seront édités, le tirage moyen pour un roman étant de 2000 exemplaires.
Gaultier compare cette façon de juger, goûter une œuvre, à la démarche de l'œnologue : " On ne demande pas à un œnologue de boire toute la bouteille pour juger d'un crû ; pour nous c'est pareil. " En quelques pages ou chapitres, on sent si ça plaît. Il évoque aussi, non sans une certaine lassitude mêlée d'agacement, les stratagèmes des jeunes prétendants, visant à vérifier que leur manuscrit a été lu jusqu'au bout : le fin cheveu scotché entre les pages, la page à l'envers au milieu du manuscrit. Plus durement, il raconte la flagornerie de certains à son encontre, leur susceptibilité, leur manque de modestie parfois. Mais leur renvoie la balle en évoquant l'indifférence souvent mal cachée qu'ils montrent face au Dilettante. Ainsi à leur susceptibilité répond la sienne, d'éditeur.
L'autre versant du travail consiste à ressusciter des auteurs oubliés, méconnus. Qui se souvient encore de George Hyvernaud, de Jacques Chauviré, et comment s'y prendre pour exhumer ces morts ? Gaultier puise dans ses souvenirs de lecteur adolescent, qui lisait "sans hiérarchie". Il écoute également ce que lui proposent des amis grands lecteurs, des clients fidèles de la librairie ; enfin il achète des bouquins dont le tirage est épuisé et leur offre une seconde vie au Dilettante : la jonction se fait là, entre le libraire/bouquiniste et l'éditeur. Mais il rêve de développer un troisième volet à ces activités : publier des textes d'auteurs connus, dans lesquels ceux-ci aborderaient un genre différent de celui qu'ils affectionnent habituellement, là où on ne les attend pas. C'est déjà fait avec Thierry Jonquet et ses 37 annuités et demi. Ainsi Le Dilettante se veut ouvert et refuse de se cantonner à un seul type d'écrits.
Nous évoquons l'avenir du livre dans notre société-fascinée-par-les-nouveaux-médias ; il n'est pas inquiet, car le livre lui apparaît "indépassable" ne serait-ce que par son autonomie. Il craint davantage pour le métier de libraire, concurrencé par les réseaux de grande distribution. Quand on pense que Leclerc est le premier libraire de France, il est vrai qu'il y a de quoi avoir le cafard... L'appui des médias ? P. Assouline, de la revue Lire, J. Garcin du Masque et la Plume sur France Inter, Le matricule des anges soutiennent régulièrement le travail de la petite maison, par goût et respect de ce qui s'y fait ; ainsi on ne dira pas qu'ils (je parle des deux premiers) ne soutiennent que les grandes maisons : Le Dilettante entre dans leur " quota de vertu " en quelque sorte et ça, Gaultier le sait… Envers les émissions télévisées, dites " culturelles ", le jugement se durcit :
"Les gens en viennent à confondre "écrivains" et "gens qui écrivent", ce qui les encourage à penser qu'il n'est pas si difficile d'écrire." En l'écoutant je pense évidemment à Pivot, et son Bouillon de culture. . .
Avant de partir, je traîne un peu côté librairie : ici pas de mesquine répartition entre livres neufs et d'occasion. On est dans une librairie, point. C'est cette conception non mercantile de l'art qu'on aime, qui ne brade pour autant pas ses exigences. J'entends des rires dans l'arrière-boutique : Dilettante on vous dit...