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L'Oeil électrique #15 | Métier / Gwendal Le Corre est luthier

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Par Muriel Bernardin.
Photos : Muriel Bernardin.

Comment as-tu découvert ce métier ?
En seconde, j'ai fait un voyage dont la thématique était Rabelais. Quelqu'un est venu faire des animations sur la musique moyenâgeuse. Et en même temps, je suivais des cours de musique, d'histoire de la musique… ça m'intéressait, et c'est comme ça que c'est arrivé. Je ne voulais pas poursuivre mes études : ce qui m'intéressait, c'était de fabriquer des choses et puis la musique, ça réunissait les deux.

Quelles études as-tu suivi ?
J'ai fait une demande à Mirecourt en France, la seule école qu'il y a. Ils n'ont pas voulu de moi parce que j'avais plus de dix-sept ans. La sélection est rude, il faut être vachement bon à l'école. Il y a plusieurs écoles, en Allemagne, en Suisse, en Angleterre, en Italie aussi. J'ai téléphoné à plusieurs d'entre elles, j'ai été bouté d'office. Puis une école anglaise, la Guildhall University, qui fonctionne selon le système universitaire m'a pris deux mois à l'essai. Et puis je suis resté.

Mais tu n'avais pas le bac ?
Je pense que c'est pour ça qu'il m'ont d'abord pris à l'essai. J'avais mon brevet, je pense que ça les a bluffés. Au vu du niveau scolaire anglais… les cours de maths, c'était du niveau sixième. Moi, j'étais scié parce que j'était nul en maths en France, et là, la grosse bête, "attends, je vais t'expliquer…"

De quoi étaient composés les cours ?
C'était assez varié, il y avait de l'atelier et des cours. Musique, solfège, histoire de la musique, acoustique, maths. Les maths, ça sert pour l'acoustique.

Maintenant, quel type d'instrument fabriques-tu ?
Ma spécialité, c'est l'instrument ancien à cordes pincées : luth, guitare, guitare baroque, guitare Renaissance. Je fais aussi des instruments médiévaux à archet : les vielles et les crwths (sic), un instrument médiéval qui a survécu au Pays de Galles : une sorte de lyre avec un archet. Je fabrique aussi des rebecs, un instrument à archet de même origine que le luth.
Ce que je fais est très varié, ça commence au Moyen âge, avec le luth à quatre chœurs. Un chœur, c'est deux cordes qui sont jouées en même temps. Les cordes peuvent être accordées à l'unisson ou à l'octave. Quand on est dans les basses, le son n'est pas très joli ; en rajoutant une corde accordée à l'octave supérieure, ça donne un son plus clair. Ça commence comme ça, avec quatre chœurs. C'est un instrument assez simple qui se joue au plectre (une sorte de médiator). A la Renaissance, le plectre a été laissé de côté. Les luths arrivent à six chœurs, et à la fin de la Renaissance, on en est à dix. Les cordes sont en boyau de mouton. On en utilise toujours aujourd'hui, mais pour des raisons pratiques, on utilise plutôt des matériaux synthétiques.

Comment était utilisé le luth ?
Ça dépend de l'époque. Il servait essentiellement à accompagner le chant. Il pouvait y avoir aussi des orchestres composés de luths de tailles différentes. Globalement, le luth a partout été considéré comme le roi des instruments pendant quatre siècles. On peut tout faire : la mélodie et un accompagnement à la basse en même temps. Il y a quand même des évolutions différentes selon

les pays. En Espagne et en Italie, il y a eu à la Renaissance la vihuela, qui ressemble à une guitare, a le même accord qu'un luth, le même cordage et qui aurait donné la viole.

En dehors de l'iconographie qu'est-ce qui permet de savoir comment étaient fabriqués les instruments ?
Des luths médiévaux, il ne reste rien. Les luths les plus anciens sont des luths Renaissance à six chœurs. Ils sont exposés dans des musées.

Qui jouait du luth ? Les troubadours ?
Ils utilisaient des instruments plus simples. A la Renaissance et à la période baroque, il y avait beaucoup d'amateurs. Un peu comme la guitare maintenant. Les femmes en jouaient aussi. On le voit sur des peintures.

Comment est née la profession de luthier ?
Ce qui se dit, c'est qu'au début, les musiciens faisaient leurs instruments eux-mêmes. Le terme de luthier est né probablement parce que le luth est un instrument compliqué à faire. C'est peut-être le premier instrument qui a été fait par des professionnels, d'où le nom du métier.
Mais il y a eu un moment où le luth a vraiment disparu. De l'époque baroque au début du vingtième siècle, il a été totalement abandonné. Aujourd'hui, on doit être une quarantaine de personnes à faire des instruments anciens en France.

Qui sont les personnes qui achètent des luths ?
Ce sont des amateurs éclairés ou des professionnels qui jouent le répertoire baroque ou Renaissance surtout. Le luth médiéval, c'est très marginal.

Tu travailles à partir de quels bois ?
Je travaille avec beaucoup d'essences différentes. Pour les instruments de manière générale, l'érable est l'essence qui prédomine. Pour le luth, l'if est employé pour faire le dos. Les arbres fruitiers peuvent être utilisés aussi. Pour la table d'harmonie, la pièce de bois qui supporte le chevalet (qui lui-même supporte les cordes), on prend de l'épicéa.

Comment fais-tu pour t'approvisionner ?
Ce que j'essaie de faire pour que ça me coûte moins cher, c'est d'acheter du bois qui n'est pas encore sec. J'achète des troncs. Je les découpe, je les laisse de côté et dans quelques années, je pourrai les utiliser parce que ça met plusieurs années à sécher. Pour les cordes, il y a des manufactures spécialisées dans la fabrication de cordes pour instruments anciens. La colle, c'est de la colle d'animaux, faite à partir de peaux ou d'os. Il n'y a que pour les instruments modernes que l'on utilise de la colle synthétique. La colle animale est réversible : si on rajoute de l'eau, on peut décoller les pièces sans les abîmer. C'est très important pour la restauration et la réparation.

Ça coûte combien un luth "de base" ?
Un luth à six chœurs, ça coûte entre 10 et 20 000 francs. Pour que ce soit rentable, il ne faut pas que sa fabrication dépasse deux mois de travail.