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L'Oeil électrique #18 | Musique / The Ex

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Par Arno Guillou, Romain Guillou.
Photos : Arno Guillou.

The Ex, groupe rock d'origine hollandaise de stature internationale et des plus respectés accumule d'étonnantes particularités : celle d'être totalement inconnu d'un large public, de ne rien faire pour changer cette situation tout en créant une musique novatrice d'une sincérité étonnante, d'avoir une discographie extrêmement riche et variée après plus de 20 ans d'existence, d'innover et de surprendre encore, et de donner des concerts parmi les plus intenses qui soient. Celle enfin d'avoir une démarche, un mode de fonctionnement loin de l'habituel individualisme du rock : The Ex suit une démarche interne où la notion de collectif est primordiale.
Parmi les 5 membres qui forment ce groupe, c'est avec Luc, le bassiste, que nous nous entretiendrons. Son français est quasi parfait (certains membres de sa famille sont originaires de notre beau pays) et compense les quelques imperfections de notre maniement de la langue hollandaise.

Vous vous définissez et vous êtes perçus comme un groupe engagé. Quels sont vos idéaux ?
Cet engagement, il arrive en fait en deuxième place. Parce que nous sommes d'abord un groupe de musique. La musique est la chose la plus importante, et avec la musique, on essaye d'exprimer nos observations, nos idées. ?a ne fonctionne pas dans le sens contraire : avoir des idées et les transmettre aux gens via la musique. Nous n'aimons pas ce qui semble pourtant normal dans le rock, c'est-à-dire ne parler de rien, ou d'émotions personnelles ou de la tristesse ou d'autres choses comme : "ma femme m'a quitté…" Certaines personnes le font très bien, mais ça ne nous intéresse pas tellement. Donc, nous sommes perçus comme engagés par rapport à la normalité du rock. Or ce que nous faisons est assez normal, et c'est de ne rien dire dans une chanson qui me semble bizarre. Mais on n'a pas d'agenda politique pour dire telle ou telle chose. On existe depuis 22 ans et ce n'est pas possible de raconter toujours la même chose, donc on cherche d'autres manières de s'exprimer ; les temps changent, notre environnement change, on vieillit… La seule chose constante dans nos textes, c'est qu'ils correspondent à ce que nous disons entre nous en dehors du contexte musical. Bien sûr qu'il y a beaucoup de problèmes partout, avec ton voisin ou à des milliers de kilomètres plus loin, mais on ne peut pas parler de tous ces problèmes, c'est impossible. Si on a fait des disques sur la guerre civile en Espagne, l'Anarchie, etc., c'est beaucoup par des coïncidences, parce qu'on a rencontré des gens enthousiastes qui travaillaient sur ces thèmes, et on a sorti un projet. Mais ce n'est pas prévu à l'avance. Le seul engagement qui marche avec The Ex, c'est la manière dont on travaille, qui est nettement un choix. On travaille avec des gens qui nous font confiance, de manière égale, et pas avec un patron qui nous dit quoi faire. Et ça avec le groupe, en dehors du groupe… c'est un choix. Nous n'avons pas de manager, nous ne sommes pas sur une grande maison de disque, et dans ce sens-là nous sommes engagés.

Pourtant les photos et les titres de vos disques, leurs thématiques, les paroles laissent à penser que le fond prime sur la forme, malgré une musique de qualité... Disons que le fond est beaucoup mis en avant.
Je comprends. Pour l'album Dignity of Labour (1983) par exemple, Terrie (un des deux guitaristes) habitait dans un squat. C'était la maison du directeur d'une grande usine de papier. Cette usine a été achetée par les Américains et vidée. C'était dans son village, ce sont ses oncles qui ont vécu ça. A cette époque la musique rock était assez industrielle, on sortait du punk ; alors la combinaison a été vite faite (The Ex enregistre cet album dans l'usine de papier désaffectée et utilise des bruits de machines de la papeterie sur sa musique, démarche propre au rock dit industriel. Les paroles et le livret du disque racontent l'histoire de l'usine). C'était logique que ça se passe comme ça. Ce n'était pas un programme de parti politique, comme : "il faut défendre les ouvriers, trouvons une idée..."

Est-ce que le fait d'être perçu comme un groupe engagé t'énerve, alors ?
Non, en fait je m'en fous un peu. Mais je ne veux pas que ce soit trop noir et blanc. De temps en temps j'ai l'idée que les gens nous voient plus comme un groupe politique que comme un groupe de musique, et cela me met mal à l'aise.

Justement, l'avant-dernier album en date, Starters Alternators (1998), semble plus privilégier l'esthétique de la musique, le travail graphique de la pochette, qu'un concept ou une grande idée présente au long du disque. Est-ce un changement dans votre démarche ?
Ce n'est pas tellement vrai. Il ne faut pas croire que c'est le texte qui définit le niveau d'engagement. C'est la musique elle-même qui le fait. Un morceau de musique folklorique des Balkans, dans un système répressif peut être très politique, pourtant la musique peut sembler très conservatrice. En Europe de l'Ouest, où la musique est essentiellement de la pop à 4 temps, faire quelque chose d'atonal et bruyant, ça peut devenir politique sans dire quelque chose : c'est donner un commentaire sur la musique qui existe. Je préfère définir la musique de The Ex comme ça : un commentaire sur la musique que l'on trouve autour de nous. Etre perçu comme un groupe engagé ne me gêne pas vraiment, mais c'est souvent trop simple. C'est comme être perçu comme un groupe punk : ça aussi je l'ai rejeté. Je n'ai rien contre le fait que The Ex soit ressenti comme tel, mais je n'ai jamais entendu deux fois la même définition du mot "punk".

Peux-tu nous parler de la situation de la Hollande actuellement, ainsi que de votre démarche qui a été pendant longtemps d'habiter dans des squats ? Un squat a-t-il la même définition en Hollande qu'en France ?
Un squat, ce sont des gens qui rentrent dans une maison dont personne ne se sert. Il y a 15 ou 20 ans, c'était aussi un geste politique. On ne laisse pas des maisons vides juste pour gagner un peu plus d'argent, pour investir dans un bâtiment, pour le vendre très cher, alors qu'il y a tellement de gens qui cherchent un lieu à habiter !

A l'époque, les gens faisaient-ils délibérément ce choix ou ils étaient obligés de squatter par manque d'argent ?
Les deux. C'était une culture. Certains y ouvraient des magasins, des restaurants… L'image des squats qui sont dégueulasses, il y en a partout, en France comme en Hollande. Mais tu peux installer l'électricité, rendre tout agréable, avoir l'eau, les toilettes… J'ai personnellement vécu 12 ans en squat, tout était agréable. Le mouvement avait sa propre vitesse de développement autonome. Mais la culture underground en Hollande n'est pas plus importante qu'en France.

Y a-t-il encore des squatters ?
Maintenant, presque plus. Avant, le gouvernement était plus tolérant : lorsque quelqu'un squattait et que personne n'objectait au bout de 24 heures, il pouvait rester. Or la loi est devenue plus stricte, et tu peux être évacué.

Le gouvernement en Hollande, c'est quoi ?
C'est social-démocrate. On a une reine aussi, mais elle n'a officiellement pas le droit de se mêler des affaires. Un peu comme en Grande-Bretagne.

Comment y est la vie au quotidien ?
A part le climat, c'est assez agréable. On nous donne assez de liberté pour bouger. Mais il y a du monde, surtout à l'Est, on se croirait en banlieue parisienne. Il y a environ 16 millions d'habitants alors que c'est un tout petit pays. C'est aussi la raison pour laquelle les Hollandais partent toujours en vacances, en camping en France par exemple ! Besoin d'espace !

Y a-t-il eu un événement particulier là-bas qui a motivé votre engagement ?
Non… Je ne crois pas. On peut être d'accord ou non avec ce qui se passe dans le monde, et dire : "J'ai ma propre vie", ou s'intéresser aux problèmes sociaux, etc. L'opinion générale du petit bourgeois français ou hollandais ne me plaît pas du tout, il s'en fout de ce qu'il y a en dehors de son petit jardin.

Qu'est-ce qui vous a donné envie de faire de la musique ?
Ah, ça, personne ne peut le dire… Tu es inspiré par des musiques, tu commences à faire de la musique toi-même, à un moment tu arrives à t'exprimer et puis le public à qui tu t'adresses comprend ce que tu veux dire. Il y a un processus qui est lancé. Tu peux jouer des milliers de styles de musique, du West Coast jazz par exemple, et arriver au même résultat que nous. C'est une langue fantastique. Maintenant, jouer de la musique, c'est une nécessité. Je ne peux pas m'imaginer une vie sans jouer de la musique… Enfin, bien sûr que je peux, mais de l'un vient l'autre. Si avec la même inspiration, je faisais une musique que personne ne venait écouter, je ne la ferais plus maintenant.

Fais-tu autre chose que de la musique ?
Oui. Il y a 20 ans j'ai commencé aussi la distribution de disques, créé une structure qui s'appelle De Konkurrent. C'est essentiellement de l'importation de disques comme ceux de Shellac, Fugazi, etc., qu'on distribue en Hollande. Il y a sept personnes qui travaillent dans cette organisation. Mais principalement, nous jouons de la musique. Andy (l'autre guitariste), moi et Terrie jouons dans d'autres groupes : Moi, je joue avec Four Walls, un groupe qui succède à The Roof (rock expérimental), auquel je participais déjà. Andy joue de la guitare avec Kletka Red (rock indé et musique traditionnelle russe).

Vous avez enregistré avec Steve Albini parce que tu t'occupais de la distribution de ses disques ? (Steve Albini est producteur ainsi que guitariste et chanteur de Shellac)
Non. Nous sommes allés à Touch & Go (prestigieux label de rock indépendant de Chicago) pour Starters Alternators. Et le patron nous a demandé : "Pourquoi ne demandez-vous pas à Steve de vous enregistrer ?" Nous nous étions déjà plus ou moins croisés depuis quinze ans et d'autres personnes nous avaient conseillé de travailler avec lui.

Allez-vous continuer cette collaboration ?
Oui, nous venons d'enregistrer notre nouvel album ensemble, au Black Box Studio à Angers. On était très content de travailler avec lui sur le précédent disque, nous avons beaucoup de respect pour son travail. Il est très professionnel : il est lui-même musicien et sait quand un instrument sonne bien ou non. De plus, il connaît notre musique depuis longtemps - quand on lui a téléphoné la première fois il y a deux ans, il nous a répondu : "Oui, bien sûr ! Je savais qu'un jour on allait travailler ensemble !" - et sait donc exactement ce que nous voulons obtenir. Pour le moment, c'est le meilleur !

Avez-vous déjà joué aux USA ?
Oui. Nos disques sont distribués aux Etats-Unis via Touch & Go, et nous sommes populaires. Populaires à notre niveau, bien sûr.

Pourquoi ne pas signer sur une major, alors ?
On nous a posé cette question souvent… D'abord ça ne sert à rien, puis ce que nous faisons est invendable !

Invendable… Depuis l'effet Nirvana, les choses ont changé pour le rock. Une musique extrême peut vendre.
Oui, oui ! Mais ça ne sert à rien, nous ne sommes pas intéressés du tout. Honnêtement, je préfère vendre moins mais travailler avec des gens en qui j'ai confiance, plutôt qu'autre chose.

Ca fait plus de 20 ans que vous poursuivez cette démarche. N'y a-t-il pas un moment où vous vous dites que vous commencez à prendre "de l'âge", que jouer du rock, qui plus est dans un état d'esprit volontairement en marge du système, peut vous amener à douter, à changer ?
De temps en temps, on trouve le volume un peu fort ! Mais à part les limitations physiques… On est moins flexible qu'à 20 ans. C'est tout. Jeunes ou vieux… Le chanteur de The Roof dont on parlait tout à l'heure, il a presque 60 ans, et c'est toujours un bébé ! Moi je vis de manière plus confortable qu'il y a quelques années mais ça n'a pas d'influences sur la musique. Si notre public vieillissait, alors là… On a tous environ quarante ans, si notre public avait cet âge-là, OK. Mais il y a toujours un public assez jeune qui vient nous voir, alors notre âge ne nous perturbe pas du tout…

…ce qui fait que vous avez enregistré un nouvel album. Comment le définis-tu ?
Avec Staters Alternators et le nouveau Dizzy Spells, on a lâché un peu les improvisations et on est plus strict sur la structure du son. C'est un peu une réaction sur les années passées où on allait vraiment vers les improvisations. Et aussi les morceaux sont plus simples. Il y a plus d'harmonies qu'avant. Mais ça a commencé en fait avec les morceaux écrits avec le violoncelliste Tom Cora (au début des années 90). Lui nous a amené des mélodies et on s'y est intéressé. C'est un développement qui ne fonctionne pas seulement avec ce disque : c'est progressif. On a différents projets parallèles, et différentes approches du son. L'année dernière, on a été invité à un grand festival hollandais. On a monté un orchestre de 20 personnes, 3 trombones, une contrebasse, on a écrit les partitions. C'était pour un projet particulier, ça a très bien réussi, on a joué aussi à Mulhouse, et apparemment c'est un nouveau chemin que l'on explore, il y a d'autres choses qui vont sortir de là.

Quels sont les groupes hollandais que vous fréquentez ou écoutez ?
De Kift (Groupe de musique réaliste composée de cuivres, guitares et chant)… Sinon en Hollande il y a beaucoup de DJs et c'est là où il faut chercher en ce moment. Le rock en Hollande n'est pas très intéressant, c'est très orienté vers quelque chose d'anglo-saxon, et je trouve que ce qui sort d'Angleterre ou des Etats-Unis est bien plus intéressant. En plus je me suis orienté vers tellement de sortes de musiques que je ne m'arrête pas spécialement au rock. Je peux écouter du hip hop français ou de la musique du monde ! Quand on écoute de la musique africaine, on se dit que la musique n'est pas pareille, le son est différent, mais l'idée est la même. Des fois, je me sens plus proche d'un groupe du Mali que d'un groupe de rock d'ici. La musique éthio-jazz est quelque chose de formidable aussi. ?a s'étale sur une période de 10 ans en Ethiopie, tu entends un mélange fantastique de musique authentique éthiopienne et tu peux presque entendre si c'est James Brown ou Duke Ellington qui est passé dans leurs oreilles ! Il y a une sorte de groove… c'est fabuleux ! Mahmoud Ahmed (voir l'œil électrique numéro 9), tout ça… Un jour, on était à New York, à la Knitting Factory et quelqu'un a passé Ere mela mela de Mahmoud Ahmed et on se dit : "Quoi ? Qu'est-ce que c'est que cette musique ! C'est magnifique !" D'ailleurs Terrie est en train d'enregistrer quelque chose avec une vieille femme érythréenne…

Sur le disque Dignity of labour, il y a une phrase sur la pochette qui dit "Home-taping saves money" (la copie cassette permet d'économiser de l'argent), ce qui est étonnant venant de la part d'un groupe. Qu'en penses-tu avec le recul ?
C'était une réaction face aux albums qu'on achetait et qui étaient extrêmement chers, artificiellement chers. C'était pour dire : "les grandes majors, CBS, EMI… fuck ! On s'en fout de… Michael Jackson !" La copie ne gène que les grandes majors, les gros artistes, qui ont peur qu'on leur pique leur argent. Mais nous, du moment qu'on fait la musique qu'on veut, qu'on peut en vivre… Par contre si quelqu'un trouve une chouette mélodie, qu'il se la fait piquer par quelqu'un d'autre qui gagne beaucoup d'argent avec, là c'est pas sympa ! Il y a beaucoup d'exemples dans l'histoire de la musique où des gens ont été exploités jusqu'au bout, surtout en Amérique. Eric Clapton a piqué I Shot the Sheriff à Bob Marley et s'est fait des millions de dollars avec. A cette époque, Bob Marley n'avait pas d'argent. Bon après il s'en est pas mal sorti, mais au début il n'avait pas un sou. Il y a un an, tout le monde était très excité par Internet et nous disait : "Oui, si tu ne rentres pas dans cette nouvelle économie, bla bla..." Oui, oui, c'est ça ! Attends ! Si tu veux avoir des renseignements sur The Ex par l'Internet, OK. Mais que nous, on vende ? Tu peux avoir des ordinateurs énormes, des MP3, tu peux imprimer les livrets en couleur avec une imprimante, graver le CD… ça va coûter 30 francs plus l'abonnement à Internet… Non, franchement. Pour nous, ce qui va être possible, c'est que l'on vende directement nos albums par Internet. Mais je ne crois pas que ça va tout renverser. Je vais parler comme un vieux, mais je rappelle l'exemple des caméras vidéos dans les années 80 : les prix ont vraiment baissé et ça devenait quelque chose d'accessible pour tout le monde. J'entendais : "Ouah, maintenant tout le monde va pouvoir faire des films, il y aura plein de bons films !"… résultat : pffff ! ! ! Et puis tout ça… Si en faisant de la musique, on n'arrive plus à en vivre, eh bien, on fera quelque chose d'autre. Je ne suis pas Don Quichotte qui va se battre contre tout ça.

En 1999, vous avez organisé un festival en Hollande pour fêter les 20 ans de The Ex. Comment est-ce que ça s'est passé ?
C'était très réussi. Il y avait Steve Albini avec Shellac, la femme érythréenne dont je vous ai parlé, des comédiens belges, nous, De Kift, Leonid Soybelman du groupe Kletka Red qui jouait de la musique folklorique russe… Une diversité énorme de musique, des gens qui à ce moment-là étaient liés par des collaborations de travail. On aurait pu inviter d'autres gens, Sonic Youth…

…Et vous ne l'avez pas fait ?
Non. Mais on les connaît depuis très longtemps. A leurs débuts, quand ils étaient totalement inconnus, ils ont dormi chez Terrie. Et on ne s'est jamais perdu de vue. On se rencontre régulièrement sur scène.
Un peu moins maintenant, Sonic Youth est plus chic et plus cher, ils jouent dans des grandes salles… Je préfère quand ils jouent dans une structure plus petite : il y a plus d'atmosphère, c'est plus direct.

Ils ont bien vécu leur période de succès ?
Ils aiment bien le succès ! C'est dur à dire s'ils ont cherché le succès par contre. Si Geffen (Major nord-américaine qui a sorti des groupes indépendants de l'ombre en leur faisant connaître différentes notoriétés. Elle a distribué entre autres Nirvana et Sonic Youth au début des années 90) veut sortir le prochain The Ex, ce ne serait pas facile de dire non… Mais bon, une année on a fait des concerts avec Sonic Youth et Fugazi et le public de Sonic Youth est beaucoup plus MTV. Je préfère quand même le choix de Fugazi. Des plus petites salles…

Ca vous arrive de jouer devant plus de monde, dans des festivals ?
En Europe, oui. On est plutôt invité dans des festivals de jazz, musique improvisée… Et de temps en temps des festivals de rock. Mais ce n'est pas tellement agréable à jouer. C'est tellement grand… Les groupes qui jouent dans des grands festivals, ce n'est pas là qu'ils vont faire leur meilleur concert, mais c'est parce que beaucoup de gens vont les écouter. Je crois que tous les musiciens préfèrent jouer dans des salles de 1000 personnes. Y compris les Rolling Stones !