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L'Oeil électrique #2 | Voyage / Berlin

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Par David Paris.
Photos : David Paris.

Berlin surprend partout. Cité exubérante et déjantée qu'on aime pour son gris lumineux, ses maisons fanées, ses larges avenues austères glacées par les vents d'Est...
La belle est rugueuse, mais touchante pour qui veut bien l'apprendre. Et l'aimer surtout. Fille maudite de ce siècle meurtrier. Détruite dans son âme et dans sa chair, remodelée, saccagée, reconstruite, emmurée… Aujourd'hui libérée du totalitarisme mais abandonnée aux mains de spéculateurs peu respectueux du patrimoine. Un chantier sans limite apparente. Toutes les World Companies du monde y investissent : bureaux, tours, complexes commerciaux, sièges administratifs de toutes sortes, quartiers résidentiels pour diplomates et fonctionnaires. Et Berlin dans tout cela ? L'âme de la ville coulera-t-elle sous le béton ? Non. Les Berlinois y veilleront. On peut leur faire confiance. Ces gens-là sont capables de casser bien des murs… alors la résistance aux assauts du XXIe siècle made by Mac Sony s'organise.
L'Est et l'Ouest fusionnent donc sous l'œil rebelle d'une population déçue par les lendemains de 1989. De cette tectonique des plaques découlent une certaine culture, de modes de vie et de pensées. Les environnements politiques, architecturaux, juridiques, économiques que chacun des deux Grands avaient dessinés volent en éclat pour ne plus faire qu'un nouvel ensemble américanisé. Berlin la frondeuse, plie mais ne rompt pas, s'adapte en respectant ses traditions. Une façon toute particulière de faire face à son histoire, à son destin, ave la conviction que finalement, tout cela est bien normal. A vous de voir. A vous de saisir Berlin…

Berlin est une ville atypique. Tout y étonne le visiteur, à commencer par la géographie. Vaste et peu peuplée, la cité est plus justement juxtaposée de 23 villages composant une mosaïque très étendue. Berlin s'étale sur 900 Km² et n'a pas de véritable centre-ville. La partition de la ville pendant près de 40 ans a bien sûr favorisé ce fait. Autour du quartier historique Mitte (Centre), Berlin déploie son fleuve Spree, ses parcs, ses lacs (eau + verdure : 24% de la surface), ses forêts, ses jardins. Chaque arrondissement recèle des trésors de verdure, se prêtant à la promenade, aux jeux de plein air et au bronzage.
Les berlinois ont un rapport très sain au corps, le naturisme est une pratique très courante. Berlin offre par ailleurs l'intérêt d'être une ville horizontale : peu de grandes tours, beaucoup de maisons. Ca ressemble sur ce point à nos bonnes vieilles villes de Province. Une grande cité à dimension humaine dans laquelle il fait bon vivre.
Les berlinois craignent de perdre ce luxe. Devenant une grande capitale politiquement prestigieuse, leur cité va perdre ses petits charmes. Le quartier Tiergarten est un exemple en soi : appelé à redevenir le quartier gouvernemental, il se défigure depuis le Reichstag (le Parlement) jusqu'à Moabit (quartier limitrophe).
Le gigantesque parc qui donne son nom au quartier fait dès lors l'objet d'une très grande attention. Les berlinois l'ont refait vivre après la deuxième guerre mondiale. L'arrivée de ces messieurs les diplomates et les ministres est vécue comme une menace (construction de bâtiments et de routes, pollution engendrée par le trafic).
D'où le peu d'enthousiasme de la population à l'arrivée des gens de Bonn… Il suffit de se promener pour constater que ces craintes sont justifiées. La réhabilitation de la ville est certes nécessaire mais pas au point d'être un prétexte au bétonneur pour bétonner.
Berlin est donc redevenue la capitale de l'Allemagne, renouant ainsi avec son histoire…

La ville est à l'origine constituée de deux villages, Cölln et Berlin. En 1307, ils s'assemblèrent et acquirent une administration commune. La cité prit son essor et prospéra grâce à sa géographie favorable.
La ville attira donc de nombreux immigrants.
Tout au long de son histoire, Berlin accueillit des minorités expulsées ou devant fuir leur Terre pour vivre.
Ainsi, les 6 000 Huguenots, à la révocation de l'édit de Nantes, en 1685, y trouvèrent ils refuge. Au début du XVIIIè siècle, 20 % de la population de Berlin était d'origine française. Ils participèrent activement au développement de leur cité d'adoption amenant capitaux et savoir faire. De nouveaux métiers apparurent ainsi (fabrication du verre, du papier...).
Cet apport des protestants français se ressent encore très fort aujourd'hui.
Nourrie d'opposants, d'intellectuels (qu'on appellerait réfugiés politiques aujourd'hui), Berlin, au gré des guerres et des règnes de monarques plus ou moins inspirés, a vu sa population se doter d'un esprit libertaire.
Les idéaux de la République Française y trouvèrent naturellement un écho favorable.
L'accroissement du prolétariat au XIXè siècle agita la ville, plus que jamais en plein essor économique. En 1848, à l'instar des Français et des Autrichiens, les prolétaires de Berlin se révoltèrent dans les rues. Sur ordre du roi, l'armée tira le peuple (en tout 250 morts). La répression, pour meurtrière qu'elle fut, ne calma aucunement le peuple. Devant la grande menace révolutionnaire, le roi concéda des libertés individuelles (liberté de la presse, liberté d'association, etc.).
Toutefois, la Constitution adoptée peu après revenait sur les avancées et consolidait même les pouvoirs des classes dirigeantes. Le terrain était donc favorable à l'éclosion du milieu ouvrier. Berlin devint ainsi un haut lieu du syndicalisme.
Dans les décennies qui suivirent, Berlin devint un bastion intellectuel et culturel et un foyer d'avant garde. La Première guerre mondiale anéantit ce nouvel essor et plongea Berlin dans la misère.
La révolution russe d'octobre 1917 fit naître bien des espoirs. La ligue spartakiste tenta d'instaurer la république socialiste libre profitant ainsi de l'exil de l'Empereur, de la défaite militaire et des grèves et blocus des ouvriers. La tentative fut noyée dans le sang. Karl Liebkecht et Rosa Luxembourg, les portes drapeaux du KDP (le parti communiste allemand), lâchement assassinés (janvier 1919).
Puis vinrent les années folles. Alors que la ville rivalisait de brillance avec Paris, Londres et New York (arts, vie nocturne, sciences), les clivages sociaux s'agrandissaient.
La misère provoquée par le Krach de Wall Street fut très dure. Le peuple de Berlin, une fois de plus affamé, finit par céder aux Chemises Noires d'un certain Adolf. De nombreux démocrates/opposants furent assassinés ; le Nazisme, même s'il eut du mal à prospérer à Berlin, dicta sa loi. On sait comment. On en connaît les conséquences...
Berlin fut détruite en 1945, 45 000 tonnes de bombes y furent lâchées, 75 Millions de m3 de décombres comptabilisés. La ville payait aux Américains l'addition du Nazisme. Barbarie gratuite comme la subirent les Japonais, dans une plus grande mesure encore.
Les femmes de Berlin furent les premières à déblayer leur ville.
Pendant ce temps, les alliés se partageaient la ville. À l'Ouest, Français, Anglais et Américains. À l'Est les Russes. Berlin devint une cité bicéphale. Chacun des deux mondes épiait l'autre, couteau aux dents.
Le paroxysme fut atteint en 1961. Le Mur de Berlin fut érigé, séparant amis et parents.
Un traumatisme.

La guerre froide dura ainsi jusqu'à la fin des années 80. Les Berlinois firent tomber ce qu'on a coutume d'appeler le Mur de la Honte le 9 novembre 1989, entraînant les pays satellites de l'URSS à faire sécession avec le grand frère de Moscou.
Berlin redevenait Berlin, après 40 ans de propagandes...

Aujourd'hui Berlin se cherche une identité commune à tous. A travers son histoire, Berlin s'est forgé une âme : son peuple, habitué à souffrir, cultive l'humour et le fatalisme. Une histoire n'est importante que sur l'instant. Ensuite, très vite, la vie reprend ses droits. Par exemple, les Berlinois firent rapidement du No Man's Land (le couloir entre les deux mûrs) un terrain de jeux, de promenade et de pique-nique. Comme pour exorciser le mal; mais il n'est pas question d'oublier.


Promenade

La ville garde bonne mémoire, et les évocations à l'histoire sont nombreuses : noms des rues et de places (Rosa Luxemburg Platz, Platz der Lutbrücke, StraBe des 17 juni, Bebelplatz par exemple), façades de maisons criblées de balles, Gedächtniskirche, l'église du souvenir que les berlinois ont exigé de conserver démolie après les bombardements, intégrée dans la très moderne architecture du quartier du Kufürstendamm.
La promenade prend à Berlin l'apparence d'un cours d'histoire en plus tangible : l'élève touche le sujet du doigt. Flânez-y t perdez-vous… Quelques repères néanmoins :
Kufürstendamm : familièrement appelé Ku'Damm, est un haut lieu du tourisme obligé des guides de voyage. A mon sens, autant rester à Paris. Pour touristes consommateurs.
Kreuzberg : quartier extrêmement vivant, peuplé d'étudiants, d'artistes, de personnes âgées, de punks, d'ouvriers et d'un grand nombre d'immigrés (première, deuxième, troisième générations). Le marché y est un régal de cosmopolitisme.
Le stade olympique : ne manquez pas d'aller admirer la piste des exploits olympiques de Jesse Owens en 1936. Sa foulée noire écrasa les théories nazies. Une belle soirée d'athlétisme et de politique !
Wannsee : grand lac très agréable à l'intérieur des frontières de Berlin, à l'ouest. Pour le dimanche.
Tiergarten : Partez de la Siegessäule, suivez Unter den Linden qui traverse le parc du Tiergarten, vous arrivez presque à la Brandenburger Tor (porte de Brandebourg), un coup d'œil à gauche, vous voyez le Reichstag (parlement incendié en 1933 par les Nazis... décidément), aujourd'hui en rénovation avant de redevenir le siège du parlement fédéral.
Passée la Brandenburger Tor, vous vous trouvez à l'Est. À feue Berlin Est. C'est en soi merveilleux de pouvoir passer à travers ces colonnes. Il y a peu, le Mur vous en empêchait.
Continuez, continuez, vous arrivez sur l'Alexanderplatz. Repérez-vous à la tour de la télévision. Alex est une énorme place très animée, plusieurs lignes de métro s'y rejoignent. Offrez-vous la vue depuis le haut de la tour (à environ 300 mètres). Si loin, si proche, le ciel au-dessus de Berlin.
Prenzlauer Berg: un quartier estudiantin et ouvrier. Ce lieu de contestation, terrain à provocations est le pendant à l'Est du Kreuzberg. Malgré la STASI (sécurité de l'ancienne RDA), la Szene y élut domicile. À l'automne 1989, plusieurs actions d'opposition politique y furent organisées. C'est dire l'intérêt de l'endroit... Ah oui , si vous pouviez vous arrêter embrasser Oma Thies et Ulla pour moi.

En vous promenant, vous aurez la surprise de sculptures bizarres en plein milieu d'un trottoir, de peintures sauvages sur tous les supports disponibles (murs, voitures abandonnées, trottoirs, etc.). Vous écouterez d'hallucinants musiciens de rue, vous verrez de drôles d'expositions dans des entrepôts délabrés. Les arrière-cours des immeubles cachent bon nombre de bouquinistes, de bistrots à la déco très surprenante. Et au détour d'un parc, des petits vieux qui se réunissent pour danser.

La culture est véritablement dans la rue. Elle est fortement marquée par la guerre, les armes par le métal froid récupéré sur quelque vieillerie militaire. L'art se rit des traumatismes de ces 50 dernières années, la culture est fortement politisée. Elle vous touche par ses aspects cyniques, éphémères et dérisoires.
Vous ne verrez plus sur la PotsdamerPlatz, laissée à l'abandon, des avions russes transformés en statues. Aujourd'hui, ce n'est plus que le plus grand chantier d'Europe. De quoi torturer le vieux conteur des Ailes du désir de Win Wenders. Berlin change si vite ! Demain, il sera trop tard… mais vous verrez autre chose, qu'après-demain vous ne verrez plus !
Berlin est un lieu de contre-culture. Et ce n'est rien de le dire !
La partition de la ville a eu pour conséquence de multiplier les opéras, les musées, les salles de concert, les galeries d'art et l'ardeur des Berlinois, même si à l'Est, hors du circuit officiel, la création n'était pas aisée. De fait, le mouvement alternatif, en réponse à l'art officiel, était très présent. Larvée, la contestation bouillit pour finalement exploser à la gueule des vieux dignitaires communistes. Culture violente et déjantée, provocante et jamais soumise. Depuis la chute du Mur, nombre d'artistes refusent les canons aseptisés de l'Ouest. Leur refus d'obéir n'a pas varié. Traumatisés par des années de censure, ils crachent sur tout ce qui contraint, ne se réfèrent à personne. Berlin accueille des artistes de tout pays, fuyant toute forme de censure. Le contexte politique est désormais favorable à ce melting pot culturel ; Des pays de l'Est, d'Asie, d'Afrique et d'ailleurs, les créateurs affluent. Chacun colore son Berlin d'adoption.


Pratique

Transports
Pour y aller, l'avion peut être environ deux fois moins cher que le train. Pas d'hésitation à avoir. En vous renseignant un peu, vous trouverez sans problème un vol aller-retour Paris-Berlin pour un peu plus de mille francs.

L'argent
Ici bien sûr, il est possible d'utiliser tous les modes de paiement. Les prix sont globalement comparables à ceux pratiqués en France. Dans l'ensemble, plus on va à l'Est de la ville, plus on sort des sentiers battus, et moins on paye (mais l'occidentalisation de Berlin Est se fait à vitesse grand V).

Papiers
Pas de problème pour les papiers : on est toujours en Europe, une carte d'identité suffit.

Langue
Si vous baragouinez un peu d'anglais ou d'allemand, vous pourrez vous en sortir sans problème.

Guides
Le grand guide de Berlin, chez Gallimard, est précis et attractif, et il parvient à faire passer l'esprit de la ville. Dans toutes les bonnes librairies pour environ 175 francs.
Le guide Baedecker chez Hachette inclut un plan de Berlin et est assez précis, 139 francs. Pour les fans de littérature, Le guide littéraire de Berlin par Nathalie Faure chez Hermé permet de se faire un parcours de manière différente.
Une fois sur place, un mensuel indispensable : Tip. C'est le programme culturel, particulièrement exhaustif. Tout ce qui se passe s'y trouve.