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L'Oeil électrique #20 | Littérature / Marc Villard: Noire est ma couleur

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Par Gianni Ségalotti.
Photos : David Balicki.

Marc Villard se consacre au roman noir depuis le début des années 80. Il appartient à la vague du néo-polar qui a porté au sommet des auteurs tels que Daenninckx ou Jonquet. Une tendance littéraire virulente, viscéralement contestataire, impulsée dès les années 70 par Jean-Patrick Manchette qui se chargera, le premier, de politiser le roman noir et d'en creuser les aspects sociaux.
Villard privilégie le récit court. A ce jour, il a publié une vingtaine de romans brefs, de novellas ou de recueils de nouvelles ; mention spéciale pour la magnifique trilogie noire que forment La Porte de derrière, Rouge est ma couleur et Cœur sombre. Ses fictions - denses, rythmées, pessimistes - se caractérisent par une extrême sécheresse du style et une rapidité d'écriture proche du roman noir américain. Chez ses héros - construits sur la figure récurrente du perdant ou du réprouvé - toute psychologie est évacuée au profit d'une approche comportementale : les personnages n'existent que par les actes qu'ils posent ou par les phrases qu'ils prononcent. Pour camper le décor de ses intrigues, Villard choisit exclusivement le contexte violent et défavorisé des grandes villes et des banlieues. Avec quelques quartiers de prédilection : Barbès, Pigalle, La Courneuve.
Enfin, avec Villard, on découvre un styliste hors pair, une écriture en apnée, sans temps mort, à la fois cynique et humaniste, située au confluent de plusieurs disciplines : cinéma, rock, jazz, photographie.

Ce qui frappe dans vos fictions, c'est la crédibilité de leur documentation, qu'ils s'agisse de Barbès, de Hambourg ou de la Sicile. Comment procédez-vous pour atteindre un tel niveau de réalisme ?
J'essaie d'écrire sur des lieux que je connais. A la différence d'un journaliste se penchant sur des milieux qui lui seraient inconnus, je n'ai pas à fournir un gros effort d'investigation. Ayant moi-même vécu une dizaine d'années en banlieue ainsi que dans le dix-huitième arrondissement (Barbès, Pigalle), il ne m'est pas très difficile de parler de ces endroits devenus récurrents dans mon travail. Les choses se compliquent quand il s'agit de l'étranger. Je choisis alors des villes que j'ai visitées en vacances. Sinon, il m'arrive parfois d'écrire sur des lieux où je ne me suis jamais rendu. Comme pour ma nouvelle sur Tijuana. Là, je m'étais arrangé pour que des amis habitant sur place, dans le sud de la Californie, m'envoient une grosse documentation. Mais bien qu'il y ait à la base de mes écrits un rapport au réel très ancré, cela reste toujours pour moi de la fiction. J'aime consacrer une large part du texte à la création d'éléments ou de personnages que je fais naître pour mon plaisir.

Quels auteurs vous ont influencé avant d'arriver au polar ?
J'écris depuis l'âge de 19 ans. Jusqu'à trente ans, je me suis exclusivement consacré à la poésie. A cette époque, je m'appuyais sur la Beat Generation : Allen Ginsberg et surtout Bob Kaufman (1) dont l'œuvre a été, à tort, beaucoup moins médiatisée. Il y a aussi une poétesse américaine que j'aime beaucoup, qui a eu un destin assez tragique puisqu'elle s'est suicidée : Sylvia Plath. Sinon, j'ai été sensible à des poètes français dont la diffusion est restée confidentielle. Yves Martin, qui était fasciné par le dix-huitième arrondissement, les milieux de la prostitution et le cinéma X. Et puis Franck Venaille et Daniel Biga qui ont été proches du Pop Art et de la Figuration Narrative dans les années 60. Parallèlement à cela, j'ai commencé à découvrir vers l'âge de treize ans des auteurs de la Série Noire. L'aspect exotique des intrigues, les mots étrangers me parlaient beaucoup plus que les noms de villes ou de personnages français. Cela alimentait chez moi des phantasmes beaucoup plus forts. Je suis donc venu au polar par la Série Noire, et surtout par le roman noir américain. Maintenant, en ce qui concerne le roman français traditionnel, il m'a vraiment très peu influencé. J'en lis d'ailleurs rarement. Mon influence majeure reste celle du roman noir américain.

Il y a effectivement une facture très anglo-saxonne dans votre écriture. Quels ont été vos auteurs phares ?
Les auteurs américains qui m'ont intéressé sont ceux qui se sont rangés de façon péremptoire du côté des bannis, des opprimés et des perdants de la société. Des gens comme David Goodis ou Jim Thompson ont été pour moi des écrivains majeurs. Mais le plus déterminant pour moi est Horace Mc Coy. Il y a un roman de lui qui est très connu, On achève bien les chevaux, avec lequel je vis depuis très longtemps. J'attache aussi beaucoup d'importance à Un linceul n'a pas de poches. Bref, je suis un fan de base de Mc Coy.

Etes-vous sensible à des auteurs américains plus contemporains comme James Ellroy ou James Crumley ?
Crumley, non, même si je le lis avec plaisir. Son univers - des privés sur le déclin errant dans le Montana - m'est totalement étranger. Comme celui d'Ellroy : Los Angeles, Hollywood, les Fifties. Ce sont des univers totalement ancrés dans des lieux et des années que je n'ai pas connus. M'identifier à de telles références m'est impossible. Par contre, il y a chez Ellroy une véritable recherche d'écriture. A ce niveau, il opère un extraordinaire travail. Tantôt il détend son écriture, tantôt il la resserre énormément pour aboutir à une narration télégraphique très dure à suivre, comme dans White Jazz. Son dernier livre American Death Trip reprend un peu le même procédé. Quelque chose d'extrêmement ramassé, répétitif, hyper tendu, resserré sur lui-même. Ce travail sur l'écriture, j'y suis assez sensible dans la mesure où j'ai opéré un travail parallèle sur la mienne. Au début, j'avais adopté une écriture assez traditionnelle. Puis, sous l'influence de l'audiovisuel, je me suis orienté vers une narration de type comportemental. Désormais, depuis une dizaine d'années, mes personnages ne pensent pas, ne réfléchissent pas ou très rarement mais se révèlent par leurs actes ou par les paroles qu'ils prononcent. Ainsi, Ellroy a été pour moi un encouragement à poursuivre dans cette direction.

La sécheresse et la rapidité de votre écriture évoquent également le cinéma. On a parfois le sentiment de lire un synopsis ou un scénario. Le cinéma a-t-il influencé votre écriture ?
Tous les écrivains diront ce que je vais vous répondre. Pour écrire, on prend tout ce qui passe à notre portée dans la vie quotidienne : la musique, le cinéma, les mauvais soap-opéras à la télévision, les mots de nos enfants... Tout cela sert à un moment ou à un autre. Je me souviens qu'un jour, j'étais coincé pour finir Rouge est ma couleur, une histoire de flic fantôme infiltré jusqu'au point de non-retour dans le circuit de la came à Barbès. A ce moment-là, je me suis passé une vidéo, The Indian Runner de Sean Penn. J'ai vu alors défiler les premières images du film : une voiture de police traversant d'immenses champs de neige. Et je me suis dit que mon récit devait absolument se terminer comme cela. Voilà. C'est peu de choses, mais c'est le genre d'éléments déclencheurs qui apparaissent dans un film et qui viennent débloquer une situation autour de laquelle vous êtes en train de tourner. Ce n'est pas du tout du copiage ou du vol au premier degré.

C'est plutôt une forme de sampling.
Oui, c'est une bonne métaphore. D'une manière générale, j'aime le cinéma, il exerce une influence certaine sur mon travail. Mais pas davantage que la musique ou la mauvaise télé. Je me souviens avoir écrit certains textes en écoutant des morceaux de jazz assez poignants comme Don't explain de Billie Hollyday ou Alone together de Chet Baker.

Dans votre parcours, vous avez collaboré en tant que scénariste de cinéma avec des personnalités incandescentes comme Juliet Berto, Cyril Collard ou Brigitte Roüan. Qu'est-ce qui vous a poussé à travailler avec elles ?
Pour Juliet Berto, c'est très simple. A la fin des années 70, je collaborais à une revue appelée Le Grand Huit qui s'efforçait de réconcilier rock et littérature. On avait alors demandé à Pierre Clémenti (2) et à Juliet Berto de nous écrire des textes. C'étaient un peu nos icônes à l'époque. Ils incarnaient une tendance un peu underground et expérimentale, dans le cinéma français. J'ai été chargé de contacter Juliet Berto qui était surtout connue pour ses rôles dans les films de Godard. Par la suite, nous sommes devenus amis et Juliet m'a proposé de travailler avec elle. Elle habitait alors près du boulevard de Rochechouart et j'ai choisi d'écrire quelque chose sur son quartier. C'est ainsi que j'ai rédigé le scénario de Neige, son premier long métrage sorti en 81 ; le récit d'une barmaid dont le petit ami, un jeune black qui deale dans le quartier, est assassiné lors d'une bavure policière. Elle entreprend une sorte de croisade pour que toute la lumière soit faite sur sa mort. Concernant Cyril Collard, c'est par hasard qu'un producteur nous a mis l'un en face de l'autre, avant qu'il ne réalise Les nuits fauves. Même s'il avait été l'assistant de Pialat, il était encore peu connu. J'étais alors très influencé par la culture hip hop, par l'art du Graph et par la montée en puissance du raï. Tous les deux, nous étions très branchés Khaled, bien sûr, mais aussi Fadela et Sahraoui. Ainsi l'histoire que je lui ai proposée correspondait totalement à ce qu'il aimait. On était un peu en avance à l'époque : je crois que le film a été écrit fin 85, tourné en 86 pour sortir en 87.

Au-delà du cinéma, est-ce que la photo exerce une influence sur votre travail ?
Oui. Le photographe qui m'émeut le plus actuellement est Sebastiao Salgado. Dans son exposition de l'été dernier, Exodes, il y avait des images qui m'ont conforté dans certains de mes écrits. Dans Le Monde, j'en avais publié un sur l'exode des jeunes Marocains qui tentent de traverser le détroit de Gibraltar. Dans cette expo, plusieurs images de Salgado apportaient de l'eau à mon moulin. Elles montraient ces pateras, ces embarcations de fortune extrêmement fragiles, qui bien souvent chavirent et envoient à la mort tous ces gens. Et puis j'en ai découvert d'autres sur le Mozambique, la Sierra Leone, sur Tijuana également, une ville sur laquelle j'avais publié une nouvelle. Salgado a réalisé une image très forte sur une muraille de tôle ondulée, à la frontière mexicaine, qui sépare l'Amérique du reste du monde.
J'avais pourtant écrit sur Tijuana, mais le problème de la frontière n'était pas réellement posé. Et je ne pouvais pas imaginer cela : des Mexicains couchés au pied de ce mur de ferraille, attendant que les guetteurs américains quittent leur poste pour sauter par dessus. Ce cliché ne m'a pas nécessairement servi mais plutôt conforté dans ce que je rédigeais. Sinon, en dehors de Salgado, d'autres photographes comptent énormément pour moi. William Klein, qui a fait une extraordinaire série de photos sur le New York des années 50, Guy Pellaert et ses clichés de rock stars retouchés à la peinture. Et puis j'oubliais le travail de Nan Goldin, pour la crudité de ses images, sa recherche sur la couleur, qui n'exclut pas une certaine compassion pour tous les personnages qui errent autour d'elle et qu'elle capte au travers de son objectif : des junkies qui se font leur fix, des travelos, des artistes en attente de reconnaissance.

Dans votre œuvre, vous privilégiez la nouvelle ou le texte court...
Effectivement. Cela dit, j'ai quand même publié dix romans. Mais pour comprendre ce choix, il faut connaître mon parcours. Je viens de la poésie où l'exercice principal consiste à épurer le texte, à le resserrer, à n'en garder que l'épine dorsale, le squelette. Il y a en poésie une démarche de mise à nu dont je n'ai jamais pu me libérer lorsque je suis passé à la fiction. J'ai reconduit dans ce registre ce que le travail poétique m'a appris. J'ai écrit de la poésie durant une dizaine d'années et ces habitudes sont restées profondément ancrées en moi. Donc, obligatoirement, je ne sais pas faire long. De plus, à moins d'avoir des intrigues extrêmement sophistiquées, je me suis aperçu qu'il ne servait à rien de vouloir à tout prix parvenir à 150 feuillets pour faire un roman. J'ai alors pris l'habitude de développer des idées ou des débuts d'histoires qui ne méritaient pas un traitement plus long. C'est dans cet esprit-là que j'ai écrit des novellas d'une cinquantaine de pages. Tout à l'heure, je vous parlais d'une nouvelle, Rouge est ma couleur ; elle doit faire 90 pages. J'ai écrit également un court roman titré Cœur sombre, un récit tendance Blue Note sur le retour à la scène d'un jazzman sur le déclin, un saxophoniste d' Art Pepper. Il doit avoisiner les 120 pages. Donc, je n'ai plus de complexes vis-à-vis de la notion de longueur. Ça fera ce que ça fera.

Le polar, littérature de gauche ou de droite ? Avec des gens comme Simenon, Ellroy ou Scerbanenco, j'ai longtemps eu le sentiment qu'il s'agissait d'un genre réactionnaire, fondé sur une régulation par la violence d'un dysfonctionnement dans le corps social. Puis lors d'une interview avec Claude Mesplède (cf. œil électrique #16) , nous avons reçu une opinion inverse : le polar serait un genre visant à dénoncer les travers de la société. Quelle est votre position ?
On trouve les deux. Dans les années 50, à la grande époque de Fleuve Noir et des collections d'espionnage style Paul Kenny, il y avait effectivement des gens plus qu'orientés à droite qui militeraient aujourd'hui au Front National. Les romans de Gérard de Villiers - ou plutôt de ceux qui écrivent pour lui - restent également profondément ancrés à droite. Ce sera moins apparent chez d'autres auteurs qui proposeront aussi une littérature réactionnaire. Leurs intrigues seront moins offensives, mais ils omettront de façon flagrante de les situer dans la réalité sociale, politique ou économique du pays concerné. Ce que l'on retrouve souvent dans le polar anglo-saxon, avec les émules d'Agatha Christie. Le simple fait de situer une histoire par quelques détails : quand, comment cela se passe, quels sont les rapports de force en jeu dans la société, comment se situent au plan social les personnages... tout cela permet de produire une littérature peut-être pas engagée, mais tout du moins honnête. Si vous avez lu mes nouvelles, vous avez pu voir que certaines étaient fortement ancrées dans des luttes citoyennes comme celle des Sans-Papiers, même si ce n'est pas une écriture militante. Cela dit, le roman noir n'est pas plus ancré à gauche qu'à droite : les choses sont multidirectionnelles. A l'époque du néo-polar, avec des auteurs comme Jonquet, Fajardie ou Delacorta, on a vraiment tapé du poing sur la table pour dire où nous nous situions au plan politique. Par la suite, l'arrivée de la gauche au pouvoir (même si ce n'était pas la gauche dont on rêvait !) puis l'abolition de la peine de mort, nous ont amenés à nous calmer un peu et à travailler différemment. Mais le néo-polar, cette tendance politisée et contestataire dans le polar français, qui existe depuis le début des années 80, reste une piste de travail que Daenninckx, par exemple, continue plus ou moins à explorer. Auparavant, il n'y avait guère que Manchette (3) à avoir œuvré dans cette direction.

La musique reste très présente dans vos fictions. Vos personnages sont souvent des musiciens de rock ou de jazz, à défaut d'excellents connaisseurs. Vous avez même participé à une revue qui proposait d'établir des passerelles entre rock et littérature. D'où vient cette préoccupation ?
A l'époque du Grand Huit, à la fin des années 70, nous étions tout un groupe d'écrivains et de poètes à aimer le rock. Le punk venait d'arriver. Pour nous, le rock, ce n'était pas une passade, mais quelque chose de très important, presque une question d'attitude. Nous souhaitions faire comprendre qu'il était possible d'écrire sur le rock, qu'il y avait des vases communicants entre la musique et l'écriture. Les thèmes et les univers du rock, nous pouvions les reprendre à notre compte en tant que poètes ou auteurs de fictions. C'est ce qui nous a incités à créer cette revue qui n'a connu que quelques numéros. Finalement, après, d'autres ont mieux réussi que nous. Dans les premiers Inrockuptibles, il y avait manifestement des chroniqueurs très concernés par l'écriture et qui pourtant parlaient de rock. Donc, je ne pense pas qu'on avait tort de penser les choses ainsi à cette époque et de les concrétiser.

A cette époque, Métal Hurlant ne développait-il pas déjà la même ligne éditoriale ?
Je ne me souviens plus. En fait, ce qui animait l'équipe, c'était une volonté créative et non pas journalistique. Il ne s'agissait pas de servir systématiquement la soupe au rock, nous devions aussi nous y retrouver au plan de l'écriture. J'ignore si nous y sommes parvenus, mais en tout cas, il m'en sera resté quelque chose : la musique. A un moment donné, j'ai été contacté par Le Monde de la musique pour tenir la rubrique de chroniques rock pendant une dizaine d'années. Toute cette période m'a permis de rester très curieux et très au fait des évolutions de ce genre musical. Maintenant, à cinquante-trois ans, je peux vous parler indifféremment de Chuck Berry, de Graham Parker ou des Inmates - tout le pub rock des années 70 - ou bien encore de Morcheeba, de Tricky, de tous ces groupes issus du trip-hop de Bristol.
Quand on voit toutes les métamorphoses que cette discipline a subies ou s'est fait subir à elle-même, volontairement, on se dit qu'on tient là quelque chose d'extraordinaire. Avec le rock d'abord, puis le jazz, la musique traverse chacun de mes textes. Elle est là, sous-jacente. Soit dans la rythmique même de l'écriture, soit simplement parce qu'il y a des citations précises. Ou parce que certains univers sont directement inspirés d'un morceau de rock gardé en mémoire.

Notes

(1) Bob Kaufman (1925-1986) : Poète beatnik fréquentant Kerouac, Ginsberg et Burroughs, fondateur de la revue Beatitude. Lawrence Ferlinghetti publiera Golden Sardine, l'un de ses principaux recueil avec Solitudes dans les années 60. Noir, junkie, marié et père de famille, Bob Kaufman n'avait guère le profil idéal pour figurer dans la galerie officielle de la Beat Generation. Il laisse une œuvre de premier plan, republiée récemment chez Christian Bourgois, en passe d'être redécouverte

(2) Pierre Clémenti (1942-1999) : Acteur français ayant joué pour des cinéastes français et italiens d'avant-garde des années 70 (Bertolucci, Pasolini, mais aussi Buñuel). Acteur fétiche de Philippe Garrel, sa présence à l'écran se caractérise souvent par un jeu d'acteur mystique et introverti.

(3) Jean-Patrick Manchette (1942-1995) : Auteur français de romans policiers et initiateur du néo-polar. Chroniqueur pour la revue Polar et Charlie Hebdo, il publie l'essentiel de son œuvre entre 1971 et 1981. Marqué par la guerre d'Algérie, la pensée d'extrême-gauche et la critique situationniste, il installe en une dizaine de livres une esthétique politisée et contestataire : L'affaire n'Gustro est directement inspirée de l'affaire Ben Barka et Nada dénonce les dérives armées de l'extrême-gauche.

Bibliographie partielle

  • La Vie d'artiste (Rivages Noir)
  • Rouge est ma couleur
  • Cœur sombre
  • Du béton dans la tête
  • Corvette de nuit (Gallimard)
  • La Porte de derrière
  • Gangsta Rap
  • Pigalle (Eden)