Par Anne-Sophie Boivin. "Batik" est un terme indonésien qui désigne un tissu teint en procédant au préalable à l'application de réserves à la cire. Ce procédé nous est familier grâce aux tentures africaines dont le large tracé représente des scènes de vie quotidienne. Par le passé, les tissus africains n'étaient pas destinés à tenir chaud mais traduisaient le désir de plaire. Ils étaient prévus pour servir de parure et manifestaient avec éclat la présence de celui qui les portait. L'exemple le plus frappant est celui des cotonnades teintes à l'indigo : l'indigo pénètre dans les pores de la peau jusqu'à lui donner une teinte bleutée, ce qui a valu aux Touaregs du désert saharien le nom d'hommes bleus. Le tissu doit être saturé de teinture et de l'odeur caractéristique de l'indigo végétal, alors le vêtement devient une parure qui adhère au corps, le transforme, le parfume. La symbolique du vêtement est une valeur ancrée dans les traditions ancestrales africaines et le procédé du batik, au même titre que celui du tissage, permet d'orner ces tissus. Le batik est une tradition qui relève d'une forme d'expression artistique ; les paysans africains s'en servaient pour les cérémonies religieuses ou les fêtes. Aujourd'hui, être batikeur est un métier artisanal à part entière, qui est transmis par lignée familiale ou par apprentissage. Le batik indonésien est également pratiqué dans le domaine de l'habillement et est réalisé à l'aide d'un outil plus précis, le tjanting, petit récipient de cuivre muni d'un bec verseur et monté sur un manche en bois. Le dessin y est plus raffiné. L'acte même de créer a une signification symbolique pour les Javanais. Selon la tradition indonésienne, lorsque l'artisan exécute un motif complexe, il ne le dessine pas uniquement sur le tissu, mais l'ancre au plus profond de son âme. Le batik était considéré, au même titre que la danse et la musique, comme l'un des six beaux-arts étudiés par les Priyayi, la noblesse javanaise afin d'élever leur spiritualité. L'introduction de l'islam, qui a interdit de dépeindre les images réalistes, a mené à des configurations plus stylisées, sans représentation de l'humain et des formes animales. L'art du batik a subi également les influences européenne et chinoise, notamment à Pekalongan et Cirebon à Java. Cette technique, je l'ai apprise avec un vieux monsieur togolais, batikeur depuis des années, du nom de Cocoroco. J'ai d'abord croisé son fils, qui aimait plus le batik pour l'argent que cela lui procurait que pour l'art en soi. Il m'a fixé un prix. Je l'ai suivi. Quand il m'a présenté son père, je lui ai expliqué que je ne voulais pas faire un dessin décalqué sur ses modèles mais personnaliser ce premier batik. Il a souri, a accepté, et m'a chuchoté que ce serait moins cher que le prix que son fils avait fixé. Il était heureux que je m'intéresse à son travail. On a passé la journée ensemble, le fils est parti s'enquérir de nouveaux pigeons. Nous avons partagé le repas, les femmes ont pilé le mil pour me faire goûter le fufu, pâte de maïs mélangée à des épices. Alors en l'honneur de Cocoroco, j'essaie de transmettre ce qu'il m'a appris. De quoi avez-vous besoin :
Technique : 1) Découpez votre tissu au format qui vous convient. Il est préférable de travailler sur un grand format au début, car on met du temps à maîtriser le trait fin et régulier de la cire. 2) Dessinez, à l'aide d'un crayon à papier, un cadre de 5 cm de large tout autour du tissu. Tracez ensuite votre motif de façon à ce que les traits soient suffisamment visibles. 3) Posez vos tréteaux l'un en face de l'autre dans la cuisine et accrochez-y votre tissu de façon à ce qu'il soit bien tendu. 4) Mettez les bougies dans la casserole en prenant soin d'enlever la mèche et faites-les fondre à feu très doux. Il est préférable d'utiliser des plaques chauffantes, il n'y a alors aucun risque. 5) Attendez bien que toute la cire soit fondue et qu'elle soit suffisamment chaude. Imbibez bien votre pinceau pour le chauffer. Dès que la cire commence à fumer, éteignez le feu. 6) Suivez avec la cire le trait tracé au crayon à papier. Il faut vous lancer d'un seul trait pour que le tissu absorbe la cire. Ensuite, imbibez de cire le fond de votre batik que vous voulez garder blanc. (Les 5 cm de contour sont en général colorés, ainsi que le motif - après, il ne tient qu'à vous d'imaginer). 7) Préparez une bassine où vous mélangez la poudre de teinture et l'eau aux doses indiquées. Une fois la cire sèche, décrochez le tissu, chiffonnez-le et plongez-le quelques minutes dans la bassine. 8) Retirez le tissu de la bassine, essorez-le et faites-le sécher. 9) Une fois sec, repassez à la cire chaude les parties du batik que vous voulez garder de cette couleur. La cire permet de conserver la couleur intacte sur le tissu. 10) Choisissez une seconde couleur, jetez votre premier mélange et préparez le deuxième. Retrempez votre tissu dans la teinture. Faites-le sécher. Remettez de la cire si vous voulez un troisième bain. Et ainsi de suite. (Petite astuce : si vous voulez économiser la poudre, passez la couleur au pinceau quand il s'agit de petits détails) 11) Une fois toutes les couleurs déposées sur le tissu, les couches de cire étalées et le tissu complètement sec, posez-le sur la planche de bois, et repassez-le à l'endroit. Les couleurs deviennent plus vives et le tissu qui était devenu rêche reprend son aspect coton. Repassez plusieurs fois et le tour est joué.
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