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L'Oeil électrique #25 | Musique / Fanfares : Soul Flower Mononoke Summit

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Par Katell Chantreau.

En pensant "fanfare", ce sont peut-être les défilés militaires ou les jupes de majorettes qui vous viennent à l'esprit. Pourtant, depuis quelques années, de nombreux ensembles ont fait leur apparition un peu partout dans le monde pour revisiter l'héritage cuivré.
Parmi ces nouvelles fanfares, Soul Flower Mononoke Summit (Japon), L'Occidentale de Fanfare (France) et Mardi Gras Brass Band (Allemagne)…

SOUL FLOWER MONONOKE SUMMIT : DU ROCK AU CHING DONG

Drôle d'impression que celle provoquée par la première écoute de la musique de Soul Flower Mononoke Summit. On y trouve bien quelques repères mais on se perd quand même, ravi, dans cette étrangeté sonore. L'exotisme des percussions japonaises et coréennes se colle à la célèbre mélodie de l'Internationale et au swing des cuivres empruntés aux marching bands de la Nouvelle Orléans. La langue japonaise à la fois rauque et chantante finit de désarçonner et d'enchanter nos oreilles. Pas de doute : on est tombé sur une perle ! Une première impression confirmée par l'histoire et les engagements du groupe…

A l'origine de la formation, il y a le Soul Flower Union, un groupe de rock punk de Osaka qui sévit sur la scène underground japonaise depuis une quinzaine d'années. En 1995, tremblement de terre à Kobé. Des milliers de personnes se retrouvent sans-abri et la région est privée d'électricité. A l'initiative de la guitariste Hidebo, le groupe refond sa formation instrumentale pour pouvoir jouer en acoustique sur les ruines même du séisme. Objectif : attirer l'attention de la population et de l'Etat sur le sort des sans-abris, et en particulier des plus pauvres d'entre eux, immigrés coréens ou sud-américains. Guitares électriques et batterie sont reléguées au placard et remplacées par le shamishen (luth japonais), le taïko et le ching dong (tambours), l'accordéon, la clarinette. Soul Flower Mononoke Summit est né et prend la voie de la fanfare ching dong.

Wataru Ohkuma, le clarinettiste du groupe, le dit bien : "Les parents japonais menacent les enfants qui font des bêtises en leur disant : si tu n'es pas sage, tu deviendras un ching dong." Encore aujourd'hui, les musiciens ching dong ont la mauvaise réputation des excentriques qui se déguisent en samouraï ou autres personnages empruntés à la tradition japonaise et qui refusent l'ordre culturel établi. Car depuis plusieurs décennies, persuadé que pour être fort il faut copier les modèles des puissants, le Japon s'évertue à oublier son propre héritage culturel. De l'autre côté du Pacifique, les Etats-Unis, vainqueurs de la guerre en 1945, répondent généreusement à cette demande de modèles. Le ching dong est une fanfare née suite au voyage d'un Japonais à la Nouvelle Orléans en 1910. Séduit par les marching bands locaux, il ramène le concept dans sa valise. La formule plaît et trouve notamment un emploi dans la publicité pour grands magasins. Les musiciens la copient, la transforment en remplaçant banjo et grosse caisse par shamisen et taïko, et en inaugurant le ching dong, percussion portative joyeusement kitsch constituée de tambours et tambourins s'inscrivant dans des carrés de bois auxquels sont suspendus des fruits, des grelots, des rubans - le tout se glissant sous un parapluie rose ravissant.

En valorisant des formes musicales traditionnelles, Soul Flower Mononoke Summit va à l'encontre de la société japonaise qui présente la culture occidentale comme modèle absolu. Pour le groupe, c'est un moyen de questionner l'imitation systématique de la musique occidentale : permet-elle d'enrichir la culture japonaise ou s'inscrit-elle dans le cadre d'une volonté de puissance qui requiert le passage par l'acculturation ? Non content de bousculer les esprits en utilisant des instruments traditionnels, Soul Flower pioche allègrement dans les chants syndicalistes et accole des textes revendicatifs aux mélodies légères début de siècle, jusqu'à se livrer à une reprise de l'Internationale étrange et jubilatoire.

Un groupe politiquement engagé ? Le clarinettiste Wataru a du mal à l'avouer : "Au Japon, la politique est taboue, c'est un gros mot. Elle rappelle à la mémoire les violences qui ont secoué le pays suite à mai 68, lorsque les différents mouvements révolutionnaires se sont entredéchirés." Il explique comment les groupes de musique évitent de s'engager sur ce terrain-là : "Les maisons de disques n'apprécient pas les groupes qui parlent de politique, elles ne les produisent pas." Soul Flower Mononoke Summit en a fait l'expérience puisque Sony, qui avait travaillé avec Soul Flower Union, a refusé d'éditer ses albums à cause du contenu des paroles. Un bon prétexte pour créer leur propre label (Soul Flower Records) qui contribue à œuvrer pour l'ouverture de la création musicale sur la culture japonaise et sur d'autres cultures du monde.