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L'Oeil électrique #25 | Voyage / Voyage au bout de la douane

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Par Delphine Forquet, François Lhériau, Guillaume Favreau, Katell Chantreau, Norac.

CONTREBANDE A LA FRONTIERE PERUVIENNE
Ce matin, j'ai passé la frontière péruvienne. Les doigts dans le nez. Une nuit de bus, Huaquillas, poste frontière d'un côté, Agua Verde, poste frontière de l'autre côté. Bizarre de changer de pays après trois mois en Equateur. Un taxi partagé avec des compagnons rencontrés en chemin et me voici à Tumbes en train d'attendre le bus pour Trujillo, sous un cagnard à faire chanceler les chameaux. De la sierra à la costa, le changement de climat est rude.
Le bus arrive enfin. Je monte et file vers le dernier rang. Les gens préfèrent l'avant, et j'ai envie d'être tranquille le plus longtemps possible. Faire une pause dans le ballet des rencontres. Vider ma tête de toutes mes aventures équatoriennes. Mais à peine posée que viennent s'installer à mes côtés une femme corpulente aux bras lourdement chargés et sa petite fille toute menue. Le bus démarre et la femme commence à déballer ses sacs, remplis de marchandise achetée à bas prix en Equateur. Non que la main-d'œuvre y soit moins chère qu'au Pérou, mais la TVA est moins élevée. Chemises, pantalons, petites culottes, chaussettes, chaussures, cigarettes… de quoi remplir un magasin. Elle les sort de leurs sachets plastique qu'elle roule en boule et jette consciencieusement par la fenêtre. Grimace silencieuse : "Eh madame, la nature n'est pas une poubelle !" Elle répartit les affaires dans tous les coins qu'elle peut trouver : dans les casiers, derrière et sous les sièges, dans le minuscule sac à dos de la fillette, jusque dans les rideaux. Discrète mais curieuse, j'observe ce drôle de manège. Comme toutes ces cachettes de circonstance ne suffisent pas à épuiser son stock, elle me demande si je veux bien prendre quelques paires de chaussures dans mon sac. Difficile de refuser. Elle me briefe sur les prix au cas où la douane me demande des explications : pas très crédible une routarde avec trois paires de sandales à talon dans son ballot !
Son trafic fini, la femme s'assoit enfin et allume une cigarette, elle aspire la fumée longuement et expire. A quoi pense-t-elle ? Où va-t-elle ? Est-ce qu'elle fait souvent le voyage ? Est-ce qu'elle a peur ? Et la petite ? Soudain, le bus s'arrête. Contrôle douanier. Le chauffeur nous fait signe de descendre avec nos sacs. Regard inquiet à ma voisine. Elle semble calme. En proie à l'anxiété, je suis les autres passagers. Mais les touristes passent rapidement sans qu'on leur demande d'ouvrir leurs bagages alors que les locaux doivent défaire les leurs. Les douaniers fouillent le bus, ils en ressortent avec quelques paquets. Finalement, tout le monde remonte, y compris mes deux voisines de banquette, et on repart. La femme fait le compte de la marchandise. Apparemment, elle a perdu quelques affaires dans l'opération. Pas suffisamment pour la mettre en colère, la normale quoi. Le temps de récupérer ses sandales, un sourire, un merci, elle hèle le chauffeur pour qu'il s'arrête. La grosse femme traverse le bus avec son fardeau, suivie de près par la fillette, et quitte la scène…