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L'Oeil électrique #27 | Photo / Song Chao, photographies au fond de la Chine

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Par Alain Jullien.
Photos : Song Chao.

Song Chao a vingt-deux ans. Mineur depuis l'âge de dix-huit ans, il travaille par six cents mètres de fond dans une mine de charbon au Shandong, tout près du lieu de naissance de Confucius.

Dans le vent glacial de décembre, je suis allé à l'Université du Peuple de Pékin, au département de photojournalisme, rencontrer un jeune photographe autodidacte qui s'apprêtait à exposer pour la première fois. Toujours méfiant envers ces jeunes aux dents longues qui savent déjà tout de la photographie, je suis étonné par le timide garçon : pas de jean ni baskets, pas de coupe de cheveux extravagante, mais un costume bon marché et un sourire gêné. Song Chao ne dit presque rien, pas seulement parce qu'il sait que je ne parle pas chinois, mais parce qu'il est anxieux, il veut savoir ce que l'invité va penser de ses photos. Comme souvent en Chine, dès qu'il y a un étranger, il y a des curieux, un attroupement. Pendant que des étudiantes de l'université photographient la rencontre et que les professeurs et le président du département défont les cartons et caisses contenant les cadres et les tirages, je regarde sans rien dire les gueules noires sortir des boîtes. Sur les photos, ils ont presque l'air de cligner des yeux, surpris par les flashes et la foule. Je donne un coup de main pour étaler les cadres, par terre, le long des murs. Je suis un voyeur professionnel, payé pour regarder le travail des autres. Il est vraiment rare d'être surpris. Je cherche, je fouine, en France, en Europe, aux Etats-Unis et bien sûr en Chine. Des milliers de photos, des centaines de photographes encombrent ma mémoire. Il m'est très difficile de mémoriser leurs noms, par contre je me souviens parfaitement de photos vues il y a quinze ans. Ce jour-là, j'ai éprouvé la sensation que je préfère lorsque je regarde des images. Je suis un peu photographe et les très bonnes photos me redonnent le goût de travailler.

Il y a deux ans, un ami photographe professionnel, Hei Ming, fait un reportage sur une mine de charbon au Shandong. Il se lie d'amitié avec un jeune mineur, qui passe douze heures par jour au fond et ne rêve que de photographie. Song Chao gagne cinq cents RMB (cinq cents francs) par mois, s'achète un petit appareil photo et commence à photographier ses collègues de travail. Après plusieurs voyages à Pékin (à cinq cents kilomètres de chez lui) pour montrer ses résultats au maître et regarder sa collection de livres de photos, il découvre le travail de Richard Avedon sur les cow-boys de l'ouest américain. Il s'endette et s'entête pour s'acheter un appareil professionnel de grand format qui lui coûte douze mille RMB, un peu plus que la maison qu'il habite. La technique, il l'apprend mais le plus gros problème, c'est le temps - temps de travail, temps de repos - douze heures, douze heures. Quand peut-il faire ses prises de vue ? Dès qu'il sait que dans une demi-heure, son équipe débauche, il prévient son frère qui dresse le studio de fortune en lumière naturelle, à quelques mètres de la porte de sortie. Chao sort le premier et retire sa veste qui lui sert de voile noir pour cadrer et mettre au point. Il a quelques instants, volés entre la mine et la douche, pour faire les portraits. Ce temps n'appartient ni au travail ni au repos. Avec toute l'amitié qui lie les gens qui travaillent ensemble dans des conditions extrêmes, il réalise une série de portraits, intemporels et modernes. Les copains posent et prennent la pose mais les gueules, les outils, les vêtements deviennent des images. Les regards des mineurs nous observent au moins autant que nous les observons. Les yeux de l'équipe de Song Chao sont aussi éloquents que le regard du photographe.