VOYAGE / UNE AUTRE TUNISIE Par Arno Guillou. Si vous êtes branché découverte, plutôt que de visiter des villes, vous pouvez aussi essayer des sites naturels... comme par exemple le désert. Pas besoin d'aller très loin : le Sahara est tout près de chez nous. Ce grand désert recouvre de nombreux pays, de l'Egypte à la Mauritanie. Pour ma part, j'y suis allé par la face nord, c'est-à-dire la Tunisie, dans le parc national de Sidi Toui. Celui-ci se situe à 100 km au sud de l'île de Djerba, et c'est un des 9 parcs naturels tunisiens. Sa création récente, en 1991, et son aménagement prochain en faveur de l'éco-tourisme en font un lieu de passage particulièrement intéressant pour les voyageurs amateurs de nature et d'espaces préservés, à 2 heures d'avion de Paris. Nous louons une Landrover, achetons de la nourriture et de l'eau .le matin sur le marché de Ben Gardane ; car là où l'on va, il n'y a rien. On roule comme ça pendant une cinquantaine de kilomètres, droit vers le sud. Les seules âmes qu'on rencontre sont des dromadaires, des chèvres, et leurs bergers. On passe alors près d'un cadavre de dromadaire, un squelette comme dans Tintin et le Crabe aux pinces d'or... Un rêve de gamin de voir ça ! Manque plus que le capitaine Haddock... L'intérêt anthropologique de la région remonte à de nombreuses années. On trouve sur le sol de la région des outils en éclats de silex remontant à 3000 ans avant J-C. Les vestiges humains de nombreuses civilisations se trouvent à même le sol : outils, bijoux... Cependant, l'aspect le plus marquant de Sidi Toui reste les marabouts. Les marabouts sont des lieux de culte, mais celui qui y est pratiqué n'a rien à voir avec l'Islam : il s'agit de l'adoration d'un " Saint ", un Sidi en arabe, c'est-à-dire quelqu'un qui a eu toute sa vie des intentions bénéfiques envers les autres. Par extension de ce culte, les Tunisiens pensent que " les possédés ", les malades mentaux et psychiatriques en général, peuvent redevenir normaux en pratiquant une cérémonie dans ces marabouts. Ce culte ressemble alors beaucoup à celui des vaudous haïtiens et semble aussi effrayant pour le non-initié. C'est ainsi que l'on voit de temps en temps, dans ce djebel qui semble désert, des processions de 504 Peugeot, qui annoncent leur arrivée au loin par la poussière qu'elles soulèvent. À l'intérieur, des familles dont un des membres a un problème psychologique et qui va se faire désenvoûter. La procession va ainsi de marabout en marabout, allumant à chaque fois des cierges sur le tombeau du Saint qui s'y trouve. Enfin, le soir venu, tous se dirigent vers le marabout de la Rétila, le seul habité parmi les 14 qui se trouvent à Sidi Toui. Là, un Marabout, une sorte de grand prêtre, les reçoit dans sa demeure troglodyte (qui s'appelle aussi un marabout, comme vous l'aviez compris) ; II sacrifie alors un chevreau sur l'autel destiné à cet effet, puis, après l'avoir partagé avec ses invités, commence la cérémonie proprement dite : muni d'un tam-tam rituel, le bendir, fait d'une peau de dromadaire tendue, il entame un chant hypnotique, El Hadra. Les hommes ainsi présents se mettent alors à danser sur le rythme lancinant, alors que les femmes, sur le sommet du djebel, leur répondent en poussant des cris. Puis le Marabout invoque l'esprit qui frappe le malade, et l'implore de quitter ce corps. La cérémonie se termine peu après, dans une plainte répétitive. Je vous promets, entendre ça qui résonne dans le djebel, à 10 km de là, c'est vraiment quelque chose. La musique qui s'en dégage ressemble à un mélange de Velvet Underground sur lequel chanteraient des Peaux-Rouges fiévreux. Le climat, grâce auquel se mélangent grands espaces et nature sauvage, n'est pas propre à cette région de Tunisie mais se rencontre partout dans le Maghreb, entre le désert de pierres (le reg) et le désert de sable (l'erg). L'avantage de la Tunisie est surtout sa situation politique, incomparablement plus calme que celle de ses voisins (la Libye et l'Algérie). Allez-y sans hésiter, c'est une des destinations les moins chères depuis la France, voyage et séjours compris. Par contre, fuyez les villes et les lieux touristiques, sinon vous ne rencontrerez absolument pas ce qui est écrit ici, vous aurez l'impression d'être allé dans un tout autre pays. Essayez plutôt le désert, ici ou ailleurs, c'est très fort. Histoire > Phéniciens, Romains, Arabes, Espagnols, Français... La Tunisie a toujours été colonisée. Son accès à l'indépendance date de 1956. Bourguiba, le premier président, mène alors une politique socialiste avec un rôle important de l'?tat, mais le président actuel Ben Ali, arrivé en 1987, opte pour une tendance plus libérale de l'économie. ?norme culte de la personnalité pour ce président élu avec plus de 99% des voix (ben oui, y'a pas de partis d'opposition). Ses portraits sont présents à tous les coins de rue. Les Tunisiens > Très accueillants (vraiment), ils peuvent vous inviter à manger chez eux à la suite d'une discussion commencée dans la rue. Leur façon directe de vous aborder peut au début passer pour de l'agression (mais qu'est-ce qu'il me veut). En fait, pas du tout! Religion > L'Islam, depuis les invasions des arabes venus de l'Arabie Saoudite vers 640 après J-C. Ici, tout le monde croit en Allah. Les athées sont ceux qui ne vont pas à la mosquée, boivent de l'alcool (très communs), ou mangent du porc (très rares). Mais absolument tous croient en Allah. Cependant pas d'affolement, il ne faut pas confondre Islam et intégristes : le gouvernement mène la vie dure à ces derniers car il mise sur un développement du tourisme en Tunisie et ne veut aucun problème à ce niveau. Et effectivement, la Tunisie reste un des pays du Maghreb où il n'y a jamais d'attentats contre les touristes. Quand y aller ? > II y a une saison des pluies en hiver, plus marquée dans le nord du pays. Mais pour ce qui est du sud (et donc du désert), on peut y aller n'importe quand pour ce qui est du climat. Transports > Pour y aller, 2 aéroports internationaux : Tunis, la capitale et Djerba, l'île de rêve des Français mais aussi des Tunisiens eux-mêmes, car c'est là que se trouvent les plages bondées, les boîtes de nuit et les étrangères. Compter 1600 francs pour un vol aller-retour hors congés scolaire, le double pendant les vacances scolaires. Pour voyager dans le pays, il y a Monnaie > Le dinar tunisien qui vaut entre 5 et 6 francs. La vie n'est pas chère, même à Tunis : la slice de pizza énorme vaut 7 francs, le coca 3 francs, un resto entre 20 et 30 francs, le taxi centre ville-aéroport 15 francs, une chambre d'hôtel de 40 à 150 francs, ça dépend du nombre de cafards que vous souhaitez dans votre chambre, le métro 2 francs 50 (oui, il y en a un à Tunis, par contre, attention : aucun plan du réseau, ni en français, ni en arabe). Autre solution, pour payer moins cher : les souks, marchés des villes où on trouve tout, des épices aux chaussures, des bijoux aux poissons... A éviter > Arriver avec un flot de touristes, ou être soi-même habillé en touriste gros sabots. Misez plutôt sur les moyens sabots, voire les petits sabots, vous serez moins sollicités et pourrez voir des produits plus typiques que le sachet de 4 épices ou la carte postale avec un chameau dessus. Sortez des sentiers battus indiqués par le guide touristique que vous avez en poche. Comme on vous l'a déjà dit, il n'y a aucun risque pour les touristes dans ce pays (pas plus que si on est en France en tout cas). Le décor > Le nord du pays est traversé par la chaîne de l'Atlas. Sur ces sommets, il pleut plus que dans les Vosges (enfin, j'imagine que ça doit être pluvieux, les Vosges). Du coup, tout le centre du pays, moyennement montagneux, aurait tendance à être plus sec et est recouvert d'oliviers. Enfin le sud, carrément sec, avec le reg, désert de cailloux et l'erg, désert de sable qui constitue le Sahara. De temps à autre, des oasis ; il ne s'agit pas de quatre palmiers avec un lac en dessous, mais d'un mode de culture à trois étages créé de toute pièce par l'homme : une strate de palmiers protégeant du soleil et donnant des dattes, une strate d'arbustes gardant l'humidité et donnant raisins, figues et grenades et une strate de potagers donnant piments, tomates et fèves. |