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L'Oeil électrique #3 | Cinéma / Pierrick Sorin

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Par Soraya Morvan.

S’il fait un jeu vidéo, c’est en jetant des objets sur sa télévision, s’il raconte une histoire, c’est pour dire qu’il ne lui est rien arrivé : Pierrick Sorin est un vidéaste adepte de l’autofilmage, mais aussi un personnage de fiction (" Le Sorin " ou " Pierrick "). Ce dernier s’agite dans des scénari burlesques sous forme d’hologramme ou de bande vidéo, éventuellement dédoublée grâce à des jeux de miroirs. Pierrick (mais lequel ?) décape les fiers égos de son public en lui projetant toute l'autodérision du monde.
Entrevue avec un schizophrène.

Pourquoi ce choix de la vidéo ?
En fait j’ai fait le choix de l’image animée au départ, en travaillant en cinéma super-8. Et comme je travaillais tout seul, je me suis vite rendu compte que la vidéo donnait plus de facilités, notamment au niveau du contrôle direct de l’image. On peut avoir un retour moniteur direct, et quand on travaille seul, c’est extrêmement utile pour se cadrer… C’était très compliqué avec le super-8 : j’étais obligé de prendre des repères dans l’espace en tendant des fils de Nylon pour savoir où me placer par rapport à la caméra… Mais le choix de base, c’est de travailler avec l’image animée et le son. Plus jeune j'avais fait un peu de bande dessinée et de la photo mais j’avais envie de travailler avec le mouvement, avec la parole, donc forcément il fallait aller vers l’audiovisuel.

Et l’image en tant que telle, son impact, c’est important ?
ça dépend de ce qu’on y met, à mon avis. ça devient de plus en plus difficile d’avoir de l’impact par l’image parce qu’il y en a beaucoup autour de nous. Disons que c’est plus facile à recevoir par un public du texte écrit qui demande peut-être un effort intellectuel plus important. Mais je pense que ça n’a pas plus d’importance que l'image fixe par exemple : si on regarde dans la publicité, les choses qui on créé plus de remous, ça a plus été les publicités Benetton que ce qui s’est passé à la télévision.

Auriez-vous pu imaginer une autre carrière que vidéaste ?
J’aurais même peut-être aimé faire beaucoup d’autres choses à savoir être simplement écrivain, voire musicien et me produire sur scène, mais il se trouve que je me suis engagé là-dedans un moment donné et que ça a bien marché, donc par facilité je continue dans cette voie-là. Parce que si je voulais me mettre à faire de la musique maintenant, ça me demanderait tout un travail et je n’ai pas tellement le courage de m’y mettre.

On parle toujours du milieu artistique, cela veut dire quelque chose pour vous ?
Le milieu artistique, ah oui, ça veut complètement dire quelque chose. ça existe et je l’ai rencontré. Il y a un microcosme à l’échelle locale, à l’échelle nationale et à l’échelle internationale. On se retrouve très souvent dans des petits microcosmes qui sont un peu fermés, pas plus que dans d’autres domaines d’ailleurs, parce que si on prend le cinéma, ou la mode, c’est aussi des milieux très fermés. Donc la notion de milieu artistique existe vraiment. Je ne vais pas dire que je ne suis pas dedans parce que, de fait, j’y suis et je le fréquente, mais je pense que je fais partie des gens qui essaient de ne pas s’y limiter. Je travaille aussi avec des gens du cinéma, des musiciens. Je vais faire une performance avec des danseurs, et puis il y a un travail avec l’équipe de France de football… c’est encore tout un autre milieu.

J’ai l’impression que ce que l’on peut faire a de moins en moins d’importance si le " milieu " s’en mêle.
C’est vrai que maintenant, il y a des gens qui m’accordent de l’importance plus par rapport au fait qu’ils savent que j’en ai, alors qu’ils n’ont rien vu. C’est une question de médiatisation aussi. Il m’arrive qu’on me fasse confiance dans un projet alors que j’ai à peine rédigé trois lignes. Il n’y a pas de contenu, mais parce que j’ai un nom qui circule, on veut que je fasse les choses. ça a toujours existé, c’est le phénomène de notoriété, c’est de pire en pire. Maintenant on a Internet, alors un individu qui commence à se faire connaître peut faire boule de neige et effacer tous les autres alors que les autres font des choses dix fois plus intéressantes que lui.

Pensez-vous que l’État donne les moyens aux artistes français de vivre de leurs créations ?
L’État fait pas mal pour les artistes. Évidemment, ça peut ne pas paraître assez parce qu’il y a toujours un tas de laissés pour compte, mais c’est inéluctable. La question que je me pose c’est : est-ce qu’il n’en fait pas trop ? On a l’impression qu’il y a de plus en plus de gens qui se disent artistes et qui font des expositions. Est-ce que c’est bon, finalement, que l’État pousse vers ça, ou est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux laisser un peu plus les artistes dans leur merde pour que ce soit vrai ; pour que les gens qui ont quelque chose à dire se manifestent. C’est assez facile pour moi de dire ça parce que je fais partie de ceux qui sont aidés par l’État. Récemment je viens de recevoir une commande du centre Pompidou, donc ça va. Enfin je trouve qu’il y a pas mal de possibilités : y compris au niveau des municipalités, il y a une aide qui existe, même si elle est plus souvent donnée pour des raisons électoralistes que dans une véritable motivation pour l’art.

Avez-vous eu des difficultés au début, ou aviez-vous assez pour pourvoir mettre en route la machine ?
Je n’ai jamais eu de difficultés : dès que je suis sorti des beaux-arts, on m’a proposé tout de suite une petite exposition, qui était déjà une petite exposition internationale, à Clisson, près de Nantes. À la suite de ça, j’ai très vite eu un premier passage en télévision, qui a fait que j’ai tout de suite été repéré par des musées nationaux, et les choses sont vraiment allées très vite sans que je n’aie vraiment aucune galère. C’est en partie l’État qui m’a aidé, puisque la première exposition que j’ai faite était organisée par le Fond Régional d’Art Contemporain, donc l’institution politique. Ensuite, ce qui m’a aidé, c’est la télévision, en l’occurrence à l’époque la télévision nationale, donc quelque part c’était aussi l’état. C’était avec Bernard Rapp, qui a fait appel à moi pour d'autres émissions un peu plus tard. J’ai un parcours vraiment très facile et très privilégié.

C’est quoi vos courts-métrages pour la télé ?
Il y a une série de courts-métrages qui avaient été commandés par Bernard Rapp pour une émission de France 3 qui s’appelait Rapp’tout. Ces petits courts-métrages présentent les aventures de Pierrick et Jean-Loup, deux frères apparemment jumeaux que j’interprète moi-même avec un effet spécial à la Méliès pour réussir à être 2 fois sur l’image. ça raconte les journées qu’ils passent ensemble où ils s’ennuient un peu et où ils essaient d’inventer des activités qui sont souvent un peu bêtes et méchantes ; mais tout en étant bêtes et méchantes, ce sont des activités qui parfois interrogent : qu’est-ce que l’image de télévision, qu’est-ce que l’art ? Il y a une petite critique de la violence sur les stades de football… Il y a aussi un petit film plus bizarre que les gens ne comprennent pas forcément quand ils le regardent un peu rapidement (en super-8 amateur) que j’ai récupéré dans les placards de mon père. Il avait filmé ça quand j’avais 14 ans. Plus tard, quand j’ai eu 28 ans, je me suis filmé en assez gros plan au cours d’un acte masturbatoire fait pour la caméra. J’ai introduit dans ce film de super-8 amateur des petites images subliminales de masturbation. Et tout d’un coup, le film décrit la situation de ce que peut faire un adolescent de 14 ans quand son père va filmer une fête au village. Ce qui est rigolo, c’est le côté iconoclaste de l’attitude, puisqu’il s’agit d’un film de famille.

Que voulez-vous provoquer par ces actes ? Vous filmez aussi votre propre défécation...
En fait je cherche en premier lieu à m’amuser et à amuser les gens. Quand on est avec des amis à une table de café, on raconte des histoires, pour s’amuser, pour se faire remarquer. J’ai la même attitude. Ce qui se passe à une table de café, ça peut être intéressant, mais en même temps, ça ne va pas très loin. C’est souvent artificiel. J’essaie d'introduire tout le temps des éléments qui font que l’histoire drôle que tu as racontée a des résonances intellectuelles, philosophiques, pour faire en sorte qu’elle touche à ce qui est enfoui dans la psychologie de l'individu, pour qu’au-delà du rire, il y ait une vraie force émotionnelle, un vrai intérêt.

ça n’est pas un moyen d’immortaliser vos capacités sexuelles et scrotales ?
Je dirais que non, puisque les capacités sexuelles dont je fais preuve dans le film sont relativement limitées. On ne me voit jamais avec un membre très développé en taille, c’est tout le temps assez petit, c’est le cas de le dire. C’est des petites masturbations. Quant au fait de faire caca sur la caméra, je l’ai fait une fois. Si je le faisais souvent, on pourrait se dire… c’est pas de l’exhibitionnisme ? Je ne l’ai fait qu’une fois parce qu’il me semblait important qu’une fois au moins, quelqu’un se filme le trou du cul, à savoir cette partie du corps qu’on ne voit pratiquement jamais, et qui est toujours là, qui est importante dans notre existence et qui nous sert presque tous les jours mais qu’on ne voit jamais. Dans une vitre on arrive à voir son dos et à se voir les fesses, mais l’anus, moi, honnêtement, je ne l’avais jamais vu avant de le filmer.

J’ai l’impression que vous voulez renvoyer à votre public disons, classieux, tous ses instincts les plus grégaires, les plus primaires, tout ça sur un ton pince-sans-rire...
Oui, mais parce que je sais qu’en fin de compte, qu’on soit classieux ou qu’on soit populaire et plus direct, il y a toujours un moment où ce sont ces choses-là qui intéressent les gens. J’ai remarqué que souvent, dans les soirées, quels que soient les gens, plus la soirée avance, plus on va vers ça. La soirée étant finie, et les gens ayant bu 2-3 calvas, ils commencent à parler de sexe. Et puis il y a une phase, un peu plus tard, où ils se mettent à parler de caca. Donc je me dis, autant ne pas perdre de temps et parler de ça sans passer par autre chose.

Mais l’exhibitionnisme sexuel, ce n’est pas une déformation des beaux-arts, qui ont tendance à ce genre de provocations ?
Je me souviens d’un cours de peinture aux beaux-arts où ils nous avaient demandé d’expérimenter la peinture à l’oeuf et d’autres types de médiums pour peindre. J’ai été le seul à pisser dans la peinture pour voir ce que ça faisait. Je ne pense pas qu’il y ait autant de sexe et de scatologie… il y en a eu dans l’histoire de l’art contemporain. C’est quand même un des avantages de ce domaine, il y a une certaine liberté. Enfin sur le fond, ma motivation, c’est pas de provoquer, c’est pas de rentrer dans un courant, je crois juste que c’est important, toutes ces histoires très primaires de l’individu. Ce sont des choses avec lesquelles on a des comptes à régler toute sa vie. Moi c’est aussi pour comprendre le fonctionnement de l’être humain que je reviens à de la violence un peu primaire comme ça. Je suis rentré à l’école des beaux-arts, entre autres en présentant un petit film qui montrait un viol fait par des personnages en pâte-à-modeler : j’ai pas besoin de l’école pour avoir des fantasmes par rapport au pipi et au caca, ça remonte à bien avant ça.

Quel est votre regard sur le cinéma ? Avez-vous apprécié des réalisations comme C’est arrivé près de chez vous ou Orange mécanique ?
C’est arrivé près de chez vous
est un des films que j’ai préféré, à cause de l’ambiguité qu’il y a entre la fiction et le reportage, le côté très noir. Orange mécanique ça m’intéresse beaucoup moins. C’est très musical, c'est trop sophistiqué déjà pour moi. Je préfère des choses plus brutes. Par rapport au cinéma en général, jusqu'ici je n'ai jamais été un grand cinéphile. ça m’a tout le temps ennuyé de m’enfermer dans une salle pour regarder quelque chose, surtout une salle noire où on ne peut pas se déplacer, on ne peut pas fumer, etc. C’est un peu en train de changer puisque maintenant j’ai mis un pied dans le monde du cinéma : j’ai été comédien sur un film qui va sortir bientôt, qui s’appelle Noctambule pour l’instant, et qui devrait sortir au mois d'avril ou pendant la coupe du monde (ça va dépendre de la stratégie adoptée par le producteur). C’est le premier long-métrage d’une fille qui s'appelle Sophie Contet, qui fait plutôt de la mise en scène de théâtre habituellement, et qui m’a confié le rôle principal alors que je n’avais jamais fait de long-métrage avant. ça a été une première expérience. Suite à ça, on m'a demandé d'écrire un long-métrage, ce que je suis en train de faire. Je suis donc amené à entrer dans le milieu du cinéma, et ça me pousse à aller au cinéma… Si j’écris un film, il faut quand même que je voie ce qui se fait pour que je me situe par rapport aux autres réalisateurs. Pour revenir sur mes influences en cinéma, c’est beaucoup Tati, les films burlesques américains, etc. Quant au projet de long-métrage sur lequel je suis en train de travailler, si on devait y voir des influences, ce serait Tati et Bunuel : Tati pour le côté observation du comportement au quotidien de nos contemporains, et puis Bunuel pour le côté dérapage vers les fantasmes.

Et ça vous fait quoi de savoir que Caro, Audiard, Klappish tournent des films pornos dans une campagne pour le préservatif ?
Je n’étais pas au courant en fait… Je savais seulement que Caro avait travaillé sur Alien. Moi ça ne me fait rien puisque je ne demande pas à un artiste d’avoir une espèce de déontologie janséniste qui voudrait qu’il fasse de la création pure et qu’il ne fasse pas de commercial. Moi-même je vais sûrement être amené à me commettre dans des choses beaucoup plus commerciales et ça ne me gênerait pas, même, de faire de la pub. ça ne me gênerait pas de devenir un publicitaire.

Au niveau de la recherche sonore, êtes-vous très attentif ?
Alors là, je suis un très mauvais élève parce que d’abord, je fais des prises de son de manière très peu appliquée, et ensuite je pense mes projets sans tenir compte du son. Je me sers du son comme d’un bouche-trou ou d'un renforçateur des faits, une fois que le travail sur le scénario et l’image a été fait.

Au niveau de la parole et du ton surtout, vous me faites penser à certains auteurs de BD, comme Morvandiau, ou Pierre la Police. Est-ce que vous vous assimilez à ce type de créateurs ?
J’ai une méconnaissance totale de la bande dessinée. J’ai arrêté d’en lire à 14 ans. Ce qui m’influençait à l’époque, c'était des choses comme Hugo Pratt ou Gottlieb. Je me reconnais un rapport avec la bande dessinée au sens où je travaille tout seul, donc sans cameraman, avec des plans fixes puisque la caméra ne peut pas bouger. À cause de ça, les petits films que je fais sont souvent une suite de vignettes de bandes dessinées. Je fais tout plein de films qui ressemblent à de la bande dessinée, alors qu’il y a des BD qui essaient parfois de ressembler à du cinéma. En même temps, là où je n’aime pas trop la BD et pourquoi je n’ai pas voulu en faire, c’est ces bulles qu’il faut mettre au-dessus des personnages, tous les traits qu’il faut mettre derrière les personnages pour dire qu’ils bougent… enfin, il y a tout un code, là, qui ne m’intéresse pas du tout. Et je préfère avoir un personnage qui bouge et qui parle plutôt qu’avec une bulle au-dessus de la tête. ça ne veut rien dire : on ne se promène pas avec une bulle au-dessus de la tête.

Est-ce qu’il y a des hommes ou des femmes avec lesquel(le)s vous aimeriez collaborer ?
J’ai failli collaborer avec les Deschiens, puis finalement ça ne s’est pas fait parce que je ne me suis peut-être pas assez remué, mais ça m’aurait bien amusé, oui. Ils me proposaient de faire des " essais " pour rigoler avec eux, mais c’est vrai que ça aurait pu déboucher sur un travail à la télé… Sinon, a priori, je ne ressens pas l’envie de travailler avec des gens en particulier. ça dépendra des rencontres.

C'est une attitude très passive plutôt que celle de l’artiste qui veut absolument se mettre en avant…
Oui, je suis très passif, je me laisse vraiment porter par les événements. Par exemple il y a un écrivain que j'ai découvert il n’y a pas longtemps, qui est Michel Houellebecq. Il se trouve qu’on m’a proposé de collaborer avec lui : que ce soit lui qui écrive tout un texte sur le film Noctambule, et j’ai presque eu l’attitude inverse, c’est-à-dire, comme j’aime beaucoup ce que fait cet écrivain, il valait mieux que je refuse de collaborer avec lui. C’était peut-être mieux qu’on reste chacun dans notre coin à faire des choses qui nous plaisent réciproquement que de se rencontrer et que ça casse une espèce de magie. Et puis aussi parce que Houellebecq, il a l’air d’être un peu comme moi et de bien aimer fonctionner tout seul dans son coin. Donc je me dis, je ne vois pas pourquoi j’irais l’embêter.

Vous êtes heureux aujourd’hui ?
Non, moi je ne suis jamais heureux. De toutes façons, ce n’est pas sur le plan de la réussite artistique que le bonheur peut venir. Sur le plan de l’argent non plus. Alors peut-être sur un plan affectif, et encore, je ne sais pas. On n’est pas heureux par une décision intérieure, ni par des contingences matérielles. Moi je ne serai jamais heureux parce que je suis structuré à la base pour ne pas l’être.

ça veut dire quoi ?
Dans ma structure biologico-chimique de base, je crois que je suis programmé pour ne pas être heureux. Par contre je suis programmé pour m’amuser assez fréquemment, ce qui fait que c’est assez vivable comme situation. Je dis un peu n’importe quoi là !

Votre futur, vous l’imaginez comment ? Quels projets avez-vous ?
Je fonctionne un peu plus comme un enfant ou un adolescent. Je vois quelques jours ou quelques mois en avant, mais plusieurs années en avant, je ne l’imagine pas du tout. ça pourrait être d’avoir une position très bien en place en tant qu’artiste et de faire travailler des assistants à ma place sur des projets, pour gagner de l’argent et ne rien faire… si ce qu’on vit à côté est agréable. Non, ce que j’aimerais bien, c’est faire un premier long-métrage et en faire d’autres après peut-être. Je peux aussi me mettre à boire et rater tout ce que je vais faire et bon, il y aura toujours un collectionneur pour se rappeler de moi, et m’acheter une petite vidéo pour que je mange.

Au pire, vous pourriez ne rien rater et mourir jeune.
Il serait temps que je meure jeune parce que je vais bientôt devenir vieux, alors…

Vous en avez peur ?
De vieillir, oui, beaucoup. C’est pour ça que je ne vieillis pas, je résiste.