. Tim Willocks est psychiatre. Depuis une dizaine d'années, il s'est spécialisé dans le traitement de la dépendance (principalement à l'héroïne) et œuvre à mi-temps dans une clinique londonienne.
Mais avant tout, il est un romancier de haut-vol, souvent comparé à Norman Mailer. Vers l'âge de 30 ans, il signe Bad City Blues, un premier polar révélant une écriture racée qui dynamite les schémas conventionnels par la profondeur et la crudité de ses portraits psychologiques. Scénariste, producteur, il revient sur son travail littéraire, dans lequel ses observations médicales sur les dérèglements humains ont un poids considérable.
Pourquoi avez-vous choisi le roman plutôt que les essais ou la poésie pour vous exprimer ?
Ayant commencé par écrire des fictions, ça ne m'est jamais vraiment venu à l'esprit d'essayer autre chose. Je lis de la poésie, mais je n'ai jamais essayé d'en produire de manière formelle. Le roman est un moyen aussi bon pour la véhiculer. Méridien de sang de Cormac McCarthy en est un exemple époustouflant. Les formes les plus complexes de la littérature (le roman, le scénario…) permettent de travailler la poésie de la structure. Mais Aristote explique cela avec bien plus d'éloquence que moi dans sa Poétique.
J'ai opté pour le roman car aucune autre forme d'écriture n'offre une telle immersion dans les réalités parallèles. Ecrire un roman, c'est un effort épuisant, fou, on prend des risques. L'imagination et la technique y sont constamment ridiculisés, diminués par toutes les possibilités offertes. Il n'y a pas de limites. Lorsqu'on entend cet appel, on ne peut pas y couper. Et à ce moment-là ce n'est plus une question de choix, cela tient plus de la compulsion, de la maladie. Peut-être même de l'honneur. Aux alentours de quinze ans, je me suis aperçu que la médecine était la seule matière qui offrait une étude complète de l'être humain, du niveau moléculaire à celui de la psychologie, en passant par le spirituel. Ca m'a passionné. Le choix de la psychiatrie s'est fait avec l'expérience. Je suis confronté en permanence à des personnes en état de crise. Voir ce qu'elles sont capables de faire, en bien et en mal, a forcément une énorme influence sur la façon dont je conçois un personnage de fiction. Mes romans sont peut-être des autobiographies imaginaires. Mais c'est probablement cela la fiction.
En ce qui concerne les essais théoriques, il me semble que ça fait maintenant longtemps qu'ils ne sont plus en vogue (si jamais ils l'ont été un jour) en Angleterre. Les Anglais sont plus soucieux de résoudre les problèmes que d'explorer les idées. Nous n'avons pas d'équivalent de Georges Bataille, de Jean Baudrillard ou de Michel Foucault…Trois personnages que j'admire profondément.
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