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L'Oeil électrique #32 | C’est beau la vie / C’est beau la presse

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“Les journaux regorgent d’histoires de braves gens pris en otages à la banque par des gangsters, mais ils restent muets sur les cas, pourtant plus fréquents, de clients pris en otages pas leur banquier.”
Roland Topor

Textes : Stéphane Corcoral et Muriel Bernardin
Dessins : Morvandiau, Gilles Peltier/Pipo Color, Tony Papin

[1] LES FAITS

On recense actuellement plus de 9 000 titres de presse en France : 7436 titres de presse magazine grand public, 1277 magazines spécialisés, 18 quotidiens nationaux, 59 quotidiens régionaux et départementaux, 240 titres de presse hebdomadaire régionale, et l’œil électrique.

Aux seizième et dix-septième siècles, les premières tentatives de publications périodiques étaient hebdomadaires. Elles apparurent probablement en lien avec le fait que les courriers postaux quittaient les grandes villes une fois par semaine.

Environ 110 titres ont fait l’objet d’une interdiction au cours des vingt dernières années en France, dont Hot vidéo, Demonia, Echangistes ou la Revue d’histoire révisionniste. La plupart ont été relevés de cette interdiction, à l’exception des publications négationnistes.

Le plus ancien journal encore en activité est anglais. Il s’agit du Berrow’s Worcester Journal, un hebdomadaire local dont la première publication date de 1690.

Le doyen de la presse française est le Journal de la Corse, dont la publication a commencé en 1817.

En France la première photographie publiée est parue dans l’llustration du 1er juillet 1848 (une barricade dans la rue Saint-Maur-Popincourt) ; il s’agit plus précisément d’une gravure sur bois d’après un daguerréotype (l’un des premiers procédés photographiques).

Quotidien le plus cher de France : le Bulletin quotidien fondé en 1973 par Georges Bérard-Quelin : 29 300 francs par an pour environ 30 pages agrafées, 5 fois par semaine. Un tel tarif est tout simplement destiné à vous dissuader de l’acheter si vous ne faites pas partie des milieux autorisés. Georges Bérard-Quélin était le fondateur du club Le Siècle, comprenant environ 550 membres et rassemblant la “fine fleur” de la classe dirigeante française.

Les premiers annonceurs en France (2001) : 1) France Télécom, 2) Renault, 3) Nestlé, 4) Carrefour, 5) Universal Music, 6) Citroën, 7) Peugeot, 8) Leclerc, 9) Cégétel-SFR, 10) Procter & Gamble.

Journalistes possédant la carte de presse en France (2003) : 35 539 (dont 41 % de femmes). Pour bénéficier de cette carte, il faut tirer le principal de ses ressources d’une activité “de nature journalistique” et l’employeur doit être une entreprise de presse. Ainsi, les personnes qui rédigent les tests “Etes-vous une grosse salope ?” dans Biba ont probablement la carte de presse. Parmi les XX personnes ayant participé à ce numéro de l’œil électrique, deux ont la carte de presse (un photographe et un dessinateur).

[2] LES MEILLEURES VENTES

Les chiffres le prouvent : les ventes des journaux et magazines sont proportionnelles à la qualité informationnelle, à l’exigence éditoriale et à la valeur intrinsèque de leur contenu.

CHIFFRES DE 2002
Magazines

1 Télé 7 Jours______________2 258 331
2 Télé Z____________________2 166 390
3 Télé Loisirs______________1 997 496
4 Télé Star_________________1 648 331
5 Femme Actuelle____________1 340 657
6 Dossier Familial__________1 157 853
7 Pleine Vie________________1 120 145
8 Notre Temps_______________1 027 029
9 Télé Poche________________1 011 079
10 Famille et Education_____786 429
(…)
3548 L’œil électrique_______3

Quotidiens

1 Ouest France_________________________________764 731
2 Le Monde_____________________________________361 254
3 Le Parisien__________________________________360 505
4 Le Figaro____________________________________345 080
5 L’Equipe_____________________________________321 153
6 Sud Ouest____________________________________320 735
7 La Voix du Nord______________________________307 191
8 Le Progrès - La Tribune______________________253 961
9 Le Dauphiné Libéré___________________________252 549
10 La Nouvelle République du Centre-Ouest______238 560

“News” magazines

1 Le Nouvel Observateur___________511 631
2 L’Express_______________________431 605
3 Le Point________________________337 024
4 Courrier International__________150 433

[3] RÉFLEXIONS SUR LA QUESTION

“Qu’est-ce qu’un livre périodique [un journal] ? Un ouvrage éphémère sans mérite et sans utilité dont la lecture négligée et méprisée des gens lettrés ne sert qu’à donner aux femmes et aux sots de la vanité sans instruction.” Rousseau

“Tous ces papiers sont la pâture des ignorants, la ressource de ceux qui veulent parler et juger sans lire, le fléau et le dégoût de ceux qui travaillent. Ils n’ont jamais fait produire une bonne ligne à un bon esprit, ni empêché un mauvais auteur de faire un mauvais ouvrage.” Diderot

“S’il n’y avait pas de journalistes et pas d’ouvriers du Livre, les éditeurs de journaux seraient des gens heureux.” Robert Hersant

“Un homme qui ne lit jamais est plus cultivé qu’un homme qui ne lit que les journaux.” Thomas Jefferson

Lamennais, dans le dernier numéro de son journal Le Peuple constituant en août 1948 après la promulgation d’une loi attaquant à nouveau la liberté de la presse : “Il faut de l’or, beaucoup d’or pour jouir du droit de parler. Nous ne sommes pas riches. Silence aux pauvres.”

“Le journaliste, lui, peut écrire n’importe quoi et se tromper sur tout, cela ne change rien, ses journaux se vendent toujours aussi bien ou aussi mal.” François Mitterrand

“Les médias sont des instruments dont se sert le péché pour imposer à l’opinion publique des modèles de comportements aberrants.” Jean-Paul II

“Journaliste : un métier qui consiste à expliquer aux autres ce qu’on ne comprend pas soi-même.” Lord Northcliffe

“Il y a deux sortes de journalistes : ceux qui s’intéressent à ce qui intéresse le public ; et ceux qui intéressent le public à ce qui les intéresse – et ce sont les grands. Gilbert Cesbron

“Ne pas avoir d’idées et savoir les exprimer : c’est ce qui fait le journaliste.” Karl Kraus

“Pourquoi acheter un journal quand on peut acheter un journaliste ?” Bernard Tapie

“L’uniformisation du recrutement – social notamment – des journalistes a été pour beaucoup dans l’uniformisation de leur traitement de l’actualité.” Patrick Poivre d’Arvor (qui n’a de toute évidence pas eu l’idée tout seul)

Axel Ganz, patron de Prisma presse, à propos du qualificatif de “bas de gamme” appliqué au journal Voici : “Je ne connais pas ce mot. Il y a juste des bons et des mauvais journaux. C’est tout. Or Voici se vend à 576 000 exemplaires. Et c’est un succès inattendu : il a engrangé 850 pages de pub cette année.”

[4] LE RÊVE DE TOUT COMMUNIQUANT

Sous le régime de Vichy, en zone sud, les journaux recevaient des consignes (imposition de certains textes et de leur mise en page) ainsi que des notes d’orientation en provenance des services de l’Information. Des directives à faire rêver les responsables des services de communication du monde entier :
“On doit éviter d’employer, pour désigner le chef de l’Etat, l’expression de “vieillard”, même précédée d’une épithète bienveillante comme “l’illustre” ou le “valeureux”. On ne doit user que le moins possible aussi de termes qui rappellent son passé militaire, tels que “l’illustre guerrier”, le “valeureux soldat”, il y a cependant des circonstances pour lesquelles on peut les employer de même que celle-ci : le “vainqueur de Verdun”. Il convient, en revanche, de faire ressortir tout ce qui montre la vigueur physique et morale du Maréchal, la bienveillance naturelle de son caractère, sa lucidité, l’intérêt qu’il porte à tous les problèmes… Il n’est pas nécessaire de décrire ces qualités, mais il y a lieu de les montrer en action en faisant parler les faits, comme incidemment. Exemples :
Le Maréchal s’avance d’un pas alerte et rapide…
Il prend le plus vif intérêt aux explications qui lui sont données.
Il accueille avec sollicitude les délégations.
[…]
Il ne faut pas craindre de mettre en valeur ce qui peut exalter le patriotisme des Français dans les propos du Maréchal, tels que “confiance dans l’avenir”, “relèvement matériel et moral”, “rénovation française”, etc. Ne pas manquer aussi de mentionner s’il en est question, tout ce qui a été fait par le gouvernement depuis le mois de juillet 1940.
Signaler aussi, sans trop appuyer, les marques de déférence dont le chef de l’Etat pourra être l’objet de la part des autorités occupantes, le caractère des conversations qu’il aura, “le climat” des entretiens, surtout s’il mérite d’être qualifié favorablement dans le sens de la politique de collaboration.”

[5] DE GRANDS MOMENTS DE JOURNALISME QUI FONT HONNEUR À LA PROFESSION

Un siècle d’indépendance, d’intégrité et de quatrième pouvoir :

Parce qu’elle manque de recettes, la presse française au tournant du vingtième siècle devient particulièrement vénale : en échange de publicités financières, elle cache par exemple à ses lecteurs la réalité économique et politique de l’empire tsariste lorsque les fameux emprunts russes sont proposés aux Français.
Pendant la Première Guerre mondiale, une grande partie des journaux, tout en subissant en plus une censure très stricte, emboîte le pas au bourrage de crâne de l’Armée et du pouvoir, ce qui énerve vite les soldats, les premiers à se rendre compte que ce qu’ils lisent ne correspond pas à la réalité. La presse aura ensuite du mal à se remettre de la perte de confiance d’une grande partie de son lectorat. Celui-ci sera à nouveau particulièrement distant après la Seconde Guerre mondiale, où malgré la naissance de nombreux journaux issus de la Résistance, les Français ont pu constater à nouveau les effets de la propagande et de la censure ainsi que la collaboration enthousiaste de certains titres.
Depuis, avec l’arrivée de la télévision et la multiplication des radios, c’est l’ensemble des médias qui lors de graves crises (Guerres du Golfe, Interventions de l’Otan au Kosovo…) a une tendance certaine à oublier que “déclaration de militaire” rime rarement avec “réalité”. Mais c’est promis, la prochaine fois, on ne tombera plus dans les mêmes panneaux.

[6] LA FIN VUE PAR LA PRESSE Lorsque surviendra définitivement la fin de l’œil électrique, la fin du monde ne sera pas loin, elle non plus. Comment les différents médias traiteront-ils cette information essentielle ?

Libération : “Fin du fin.”

Le Monde : “Forte tendance à la baisse du CAC40 à l’annonce de la fin du monde.”

Elle : “Les secrets de Monica Bellucci pour affronter l’apocalypse en beauté.”

Science & Vie : “En quoi l’extinction de toute forme de vie va-t-elle affecter la manière dont nous percevons l’Univers ?”

Le Nouvel Observateur : “Bertrand et Marie enfin réunis.”

National Hebdo : “Le complot judéo-maçonnique est parvenu à ses fins.”

Nova : “Les meilleurs plans pour passer l’apocalypse à Paris.”

Le Figaro : “Les privilèges des fonctionnaires enfin abolis.”

Marianne : “Ces apocalypses qui bafouent la République.”

JEAN-LUC LAGARDÈRE : “LE SECRET DE MA RÉUSSITE : TOUS MES AMIS DE LA CINQUIÈME RÉPUBLIQUE.”

Robert Hersant, une ligne de conduite sans complications
“Quand je rencontre la première fois la rédaction d’un journal que je viens d’acheter, je demande aux journalistes la permission d’aller pisser. La deuxième fois, je vais pisser sans rien dire. La troisième fois, je leur pisse dessus.” Malgré sa condamnation à 10 ans de dégradation nationale en 1947 – peine qui sanctionnait les actes de collaboration avec l’ennemi (et qui impliquait une liste d’interdictions professionnelles, dont celle du journalisme) – Robert Hersant s’est surtout fait connaître grâce à ses succès dans la presse. Au point de gagner le surnom de “papivore”. Ses ambitions ne se limitent pas à ce domaine et cet homme des coups tordus et des montages financiers obscurs a aussi vécu une carrière politique. En 1955, il se fait élire maire, avec 98% des suffrages, d’une commune de 800 habitants dans l’Oise, pour laquelle il déploiera des trésors de populisme et de clientélisme. Il a d’ailleurs pris soin de racheter un journal départemental qu’il transforme en véritable machine électorale personnelle. Devenu député en 1956, son élection est immédiatement invalidée pour “infraction au principe d’égalité des moyens de propagande électorale” après un vote de l’Assemblée nationale. Les débats permettent de faire la lumière sur les détails des actes de collaboration pratiqués par Hersant, qui sera malgré tout par la suite réélu pendant des décennies. Il part ensuite à la conquête des petits journaux de province, achetés à tour de bras. La Socpresse, créée en 1966, lui permettra de racheter entre autres France-Soir et Le Figaro. A chaque fois, une grande partie de la rédaction fait jouer la clause de conscience et quitte le journal. Mais l’homme fascine quand même : en 1988, il débauche Franz-Olivier Giesbert, numéro 2 du Nouvel Observateur pour le mettre à la tête du Figaro. A la fin des années 80, dix ans après le dépôt de la première plainte pour concentration abusive, il obtient un non-lieu grâce à la loi du 1er août 1986 (du gouvernement Chirac) portant réforme du régime juridique de la presse. Cette loi abroge à la fois l’ordonnance d’août 1944 (qui interdisait à une seule personne de diriger plus d’un quotidien) et la loi Mauroy d’octobre 1984. Hersant évite ainsi la correctionnelle. Il se lancera ensuite dans l’aventure de La 5 (disparue en 1992) avec Silvio Berlusconi, tout en contrôlant également des radios privées locales et des quotidiens régionaux. Il meurt en 1996 après avoir réussi dans l’ancien bloc de l’Est : pour augmenter les ventes de ses tirages, il organisait par exemple des jeux, ce qui a amené les Polonais à refaire la queue pendant des heures, afin d’acheter le quotidien qui leur permettrait peut-être de gagner le gros lot.

Certains éléments et différentes citations sont tirés du Que sais-je Histoire de la presse, Pierre Albert, PUF et de Citizen Hersant, Patrick et Philippe Chastenet, Le Seuil.