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L'Oeil électrique #4 | Société / Développement pour tous (depuis la capitale du monde)

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Par Kate Fletcher, Stéphane Corcoral.

Un rapport de l'ONU de 1996 notait que, malgré l'expansion prodigieuse de l'économie mondiale au cours des trente dernières années, un milliard et demi de pauvres l'étaient encore plus aujourd'hui qu'en 19801. Pendant que les pays riches s'enrichissent, les pays pauvres s'appauvrissent. Alors que la communauté internationale a mis en place des structures - le FMI et la Banque Mondiale - spécifiquement destinées à " maintenir la stabilité du système monétaire " et à " soutenir le développement ", l'Asie du sud-est, puis la Russie se sont écroulées comme des châteaux de sable, et les pays les plus pauvres ne cessent de toujours plus s'endetter. S'agit-il d'un échec de la communauté internationale, ou des pots cassés qu'entraîne l'imposition, coûte que coûte, de nos mentalités occidentales au reste de la planète ?

L'origine de la Dette
Au milieu des années 70, à la suite des deux augmentations successives des prix du pétrole, les potentats arabes ont déposé des sommes astronomiques dans les banques occidentales. Avec l'argent du pétrole, les banques avaient un surplus faramineux de liquidités à utiliser. On encouragea par conséquent les pays du Tiers Monde à emprunter, pour financer le développement, avec des taux d'intérêts pratiquement négligeables. Des sommes colossales furent ainsi prêtées inconsidérément au premier pays pauvre venu : par exemple, de 1970 à 1980, la dette de l'Afrique subsaharienne a été multipliée par 12. Ainsi était née la tristement célèbre Dette du Tiers Monde.
L'argent prêté fut abondamment gaspillé (augmentations successives des prix du pétrole sur le marché international, dépenses militaires, mais aussi comptes des dictateurs en Suisse et autres Îles Caïmans). Dans le même temps, au cours des années 80, à l'heure de la récession dans les pays riches, les taux d'intérêts se mirent à flamber. Or, les économies des anciennes colonies étaient basées sur l'exportation de matières premières et de produits de l'agriculture... dont les tarifs étaient établis à Londres ou à New York. Le prix de ces produits n'a cessé de baisser, alors que celui des produits manufacturés importés des pays riches, ne cessait, lui, d'augmenter. Selon les Nations Unies, les termes de l'échange (évolution des prix relatifs des exportations et des importations) des pays pauvres ont empiré de 2% par an depuis 1974. Et en 1987, les prix des produits exportés par les pays du Tiers Monde étaient à leur niveau le plus bas depuis cinquante ans. Les pays se sont donc mis à emprunter pour rembourser, et la dette n'a fait qu'augmenter : c'est le cycle infernal.
Dix à quinze ans plus tard, la plupart de ces pays se retrouvaient donc avec une dette faramineuse sur les bras, qu'ils étaient bien incapables de rembourser. Les prêts supplémentaires, destinés à permettre le remboursement des précédents n'ont fait qu'achever le travail. Et les dettes se sont accumulées. Aujourd'hui, la dette globale du Tiers Monde est environ de 1300 milliards de dollars, ce qui représente 44% du PNB de l'ensemble de ces pays.
Et pour chaque dollar d'aide donné en Afrique, 1.31 dollar repart en remboursement de la dette. Ainsi, au final, des sommes colossales passent chaque année du Tiers Monde vers les pays riches : 156 milliards de dollars en 1990. Et cette situation va en augmentant : par exemple, de 84 milliards de dollars en 1980, la dette de l'Afrique subsaharienne est passée à 226 milliards en 1995. De même, entre 1981 et 1989, le PNB réel par habitant y a enregistré une baisse cumulée de 21%. On se trouve donc dans une situation où les travailleurs des pays pauvres travaillent pour des salaires inférieurs, donnent de l'argent aux pays riches, et s'endettent plus d'année en année. Un esclavage économique s'est ainsi institué en à peine vingt ans.

FMI et Banque Mondiale : l'assistance au service du contrôle
Au milieu des années 80, les banques privées avaient prêté des sommes si importantes qu'elles risquaient de couler, du fait de l'incapacité ou du refus des pays pauvres de rembourser leurs dettes. Et elles risquaient d'entraîner dans leur chute tout le système économique international. Le problème fut " résolu " (pour les pays riches en tout cas) avec l'intervention du FMI et de la Banque Mondiale, qui négocièrent le rééchelonnement de la Dette.
En théorie, la Banque Mondiale est avant tout une institution d'aide au développement, alors que le FMI est un organisme dont l'objectif est de maintenir un système monétaire international ordonné.
La responsabilité de la Banque est de financer le développement économique, et donc de prêter à des taux avantageux aux pays qui ne peuvent emprunter raisonnablement de manière " traditionnelle ". Appartenant à ses 180 états membres, elle est censée apporter une assistance technique et un financement aux pays les plus pauvres.
Les pays riches (avec à leur tête les États-Unis), ont créé le FMI pour parer aux variations soudaines et imprévisibles des valeurs relatives des différentes monnaies, et ainsi maintenir l'équilibre du système monétaire international. Pour ce faire, le FMI requiert de ses membres qu'ils permettent à leur monnaie d'être échangée librement et sans restriction, d'informer le FMI des changements de politique économique et monétaire, et de " suivre, dans la mesure du possible, les conseils du FMI pour que les besoins de l'ensemble de ses membres soient pris en compte " (dixit le FMI). Et, pour aider les nations à respecter ce " code de conduite ", le FMI administre des fonds, que les membres peuvent emprunter lorsqu'ils ont des difficultés à respecter ce fameux " code de conduite ".
Aide au développement, équilibre, prospérité internationale : les deux organisations sont à l'évidence un bienfait pour l'humanité... Mais citons les services de com' du FMI eux-mêmes pour bien comprendre l'idéologie qui sous-tend son action : " Le FMI est persuadé qu'une des conditions fondamentales à la prospérité internationale est un système monétaire ordonné qui encouragera le commerce, créera des emplois, développera l'activité économique et améliorera le niveau de vie des personnes du monde entier. De par sa constitution, le rôle du FMI est de surveiller et de maintenir ce système. Rien de plus et rien de moins. " Eh oui, vous venez bien d'entrer dans le monde magique du " marché ", qui éradiquera bientôt tous les maux de la Terre, pour peu qu'on le laisse " opérer " en toute quiétude, ou plutôt qu'on l'y aide (c'est d'ailleurs là un des paradoxes du FMI : son action, et ses sauvetages empêchent bien le marché de s'autoréguler, ce qu'il est censé faire, comme nous l'ont suffisamment asséné Madelin, Sylvestre et consort). Car le droit de vote au sein du FMI est déterminé par les sommes investies par chaque pays. Ainsi, bien que plus de 150 pays y adhèrent, 5 d'entre eux (les États-Unis, l'Allemagne, le Japon, la France, la Grande Bretagne et l'Arabie Saoudite) contrôlent 44% des voix. Les États-Unis contrôlent 18% à eux seuls. Rien d'étonnant, dès lors, à ce que le " bon " fonctionnement du système international soit celui qui convient le mieux à ce pays.
Bien qu'elles soient deux entités distinctes, la Banque et le FMI travaillent en collaboration étroite. Il faut que le FMI soit certain qu'une " bonne " politique économique est mise en place pour que la Banque accorde son aide et ses prêts aux pays surendettés. Ainsi, pour permettre aux pays pauvres de renégocier leurs dettes, on leur impose des ajustements structurels de leur politique économique depuis le début des années 80. Et la Banque prête de l'argent pour financer lesdits ajustements structurels. Bien entendu, comme vous l'aurez deviné, ces fameux ajustements sont des réformes 100% pur jus libéral. Au menu : austérité budgétaire, libéralisation, privatisations et exportations.
Les deux organisations se partagent clairement les tâches. Le FMI s'occupe des négociations concernant la monnaie et le déficit budgétaire, ainsi que du " contrôle " des performances économiques du pays. La Banque, pour sa part, est beaucoup plus impliquée dans le processus de réformes, avec de nombreux techniciens sur le terrain et dans les différents ministères des pays qu'elle " aide ". Ainsi, dans le manque de transparence le plus total, le FMI détermine, sans leur demander leur avis, la politique de plus de 80 pays, auxquels on peut désormais ajouter la Corée, la Thaïlande et l'Indonésie. Quelle raison aurait-on de s'inquiéter ? Le marché et la liberté progressent dans le monde.
Les " accords " avec les pays ne sont généralement pas publiés. Les économistes de la communauté internationale n'y ont donc pas accès, et il n'y a aucune possibilité de débat sur la pertinence des mesures. Tout ceci alors que le FMI ne cesse de rabâcher aux pays qu'il vient " sauver " que la solution, c'est la transparence totale et l'ouverture à la concurrence. Car les spécialistes du FMI n'ont de compte à rendre à personne quant au résultat de leur action. Et c'est ainsi qu'un petit groupe de 1000 économistes (domicilié à Washington et contrôlé par les États-Unis et le G7) dicte les conditions économiques dans lesquelles devront vivre 1,4 milliards de personnes.

Néocolonialisme
Les programmes d'ajustements structurels affectent directement la vie de milliards de personnes, tout ceci pour servir les intérêts du G7. Comme les pays sont endettés, le FMI et la Banque Mondiale les obligent à rediriger leur économie exactement comme bon leur semble, de sorte que les habitants peuvent voter (lorsqu'ils en ont le droit) pour qui ils veulent : ils sont assurés que ça ne changera rien (vous me direz peut-être que c'est un peu pareil par chez nous). Ceci est flagrant dans le fait que, malgré les différentes situations économiques où se trouvent les pays, le FMI leur applique exactement le même remède miracle : austérité-privatisations-exportations. Une relation de dépendance sociale et politique subordonne donc les gouvernements et les peuples à des institutions financières internationales contrôlées en réalité par une poignée de pays riches. Le résultat ? Afin de stimuler la production pour le marché à l'exportation, les pays compressent le coût de la main d'œuvre, ce qui génère encore plus de pauvreté. Au passage, ceci permet en plus de réguler le coût du travail sur le marché international : pour être compétitives, les entreprises des autres pays doivent elles aussi réduire leurs coûts et donc leur masse salariale. La politique des ajustements structurels est par conséquent l'ennemie du travail dans le monde entier.
Par ailleurs, le programme d'investissements publics d'un pays est établi sous les auspices de la Banque Mondiale. Il détermine quels types d'infrastructures doivent être financés, ce qui implique bien entendu que la politique d'un pays est largement déterminée par la Banque. Mais en plus, les travaux publics (construction de routes, de bâtiments) font l'objet d'appels d'offres internationaux. Et ils sont généralement alloués à de grosses entreprises de travaux publics étrangères (mettons Bouygues, au hasard...), et des sommes colossales sont ainsi transférées des pays pauvres vers les pays riches. Ironiquement, les entreprises locales sont souvent exclues de l'appel d'offre, mais, la plupart du temps, ce sont elles qui effectuent (avec une main d'œuvre bon marché) les travaux, sous-traités par les grands groupes... qui n'auront pas manqué de prendre un gros pourcentage au passage.
Avec la politique du FMI, où tout est misé sur les exportations, les pays pauvres se retrouvent dans un cycle infernal où la dette et la pauvreté augmentent toutes deux. Les deux institutions, Banque Mondiale et FMI, garantissent ainsi depuis des années un mouvement constant de richesses des pays du Tiers Monde vers les pays " développés ". Ainsi, " bien qu'elle ait déjà remboursé deux fois le montant de sa dette entre 1980 et 1996, l'Afrique sub-saharienne est aujourd'hui trois fois plus endettée qu'il y a seize ans (84,3 milliards de dollars en 1980 et 235,4 milliards en 1996). "(2). Pourtant, elle a remboursé 170 milliards sur cette même période (capital + intérêts). Mitterand lui-même déclarait en 1994 " qu'en dépit des sommes considérables affectées aux aides bilatérales et multilatérales, le flux des capitaux qui viennent d'Afrique vers les pays industriels est plus important que le flux des capitaux qui vont des pays industriels vers ce continent. "
Pourquoi les pays pauvres ne refusent-ils tout simplement pas de payer ? C'est un peu le même système que dans les grandes entreprises, où on offre des augmentations substantielles aux dirigeants afin qu'ils n'aient pas trop d'états d'âme pour supprimer des emplois : avec les ajustements structurels, les élites des pays pauvres peuvent profiter de salaires très confortables et vivre la belle vie. Pourquoi voudraient-ils que cela change ? Comme un peu partout dans le monde (cf. l'Angle mort en page 17 pour l'exemple de la France), à l'intérieur des pays, les riches deviennent plus riches et les pauvres plus pauvres.

L'UNICEF estime que plus d'un demi million d'enfants sont morts pour la seule année 1988 en raison de mesures d'austérité imposées par la politique des ajustements structurels. Au Zimbabwé, l'explosion du travail des enfants est directement liée à ces programmes. Car au final, il ne s'agit pas seulement de chiffres, de statistiques et de milliards de dollars : ce sont toujours les peuples qui paient l'addition des comportements irresponsables de leurs gouvernements (dans de nombreux pays d'Afrique ou d'Amérique Latine) ou de spéculateurs peu scrupuleux (en Asie du sud-est plus récemment).
Lauch Faircloth, sénateur républicain résume ainsi, avec beaucoup d'à-propos, l'action du FMI : "nous sommes en train de privatiser les bénéfices, et de socialiser les pertes ".3 Les investisseurs et les spéculateurs peuvent empocher les profits, avec le FMI, il y aura toujours les états, donc les peuples, pour payer les pots cassés. Sous couvert d'aide et d'assistance, l'exploitation continue et s'accentue. Les contrastes nord-sud sont de plus en plus importants. Avec la fameuse " mondialisation ", un " phénomène " promu (par le GATT, mais aussi par le FMI) pour arranger les pays riches, les capitaux peuvent circuler librement... et les gens sont considérés comme des " ressources humaines ". C'est déjà vrai ici, ça l'est encore plus dans les pays pauvres, avec la politique du " tout à l'exportation " prônée par le couple infernal.
Combien notre position avantageuse doit-elle aux richesses soutirées aux pays pauvres et appauvris ? C'est la question à 100 francs, mais il est avéré que plus de richesses viennent des pays pauvres vers les pays riches que le contraire. Et à coup sûr, il conviendrait de limiter le pouvoir écrasant qu'FMI et Banque Mondiale, instruments des pays riches, ont sur les pays et leurs peuples. Rendre leur fonctionnement plus démocratique est une première étape, pour éviter que la politique économique de tant de pays ne soit pilotée par un organisme basé à Washington et dont l'idéologie sent un peu trop le néolibéralisme.

1. Chicago Tribune, 17/07/96
2. Le Monde Diplomatique, octobre 97
3. New York Times, 13/01/98


Une solution au problème ou un problème pour la solution ?

Le besoin occidental de tout coloniser, de tout maîtriser à son profit se retrouve aussi parfois dans l'action caritative. Agir pour " sauver " ou " aider " les gens qui sont dans une situation provoquée par tout ce que notre société entraîne.
Les ONG qui agissent dans le domaine du développement sont une présence continue du monde qu'elles représentent. Comme les missionnaires chrétiens de l'époque coloniale, elles imposent par leur présence leurs modes de pensée : que tout le monde devienne chrétien, consommateur ou occidentalisé, le fonctionnement est le même.
Dans un système où l'argent a plus d'importance que la vie humaine, leur action se résume souvent au fait de marcher sur un Escalator en sens inverse : agir pour " sauver " ou " aider " les gens qui sont dans une situation provoquée par tout ce que notre société entraîne... Les sauver de quoi ? De la famine? Peut-être le résultat de l'exportation de nourriture vers les pays riches avant même d'être autosuffisant. De l'analphabétisme ? Résultat d'investissements imposés par le FMI au lieu d'investir dans un véritable système éducatif. Pour améliorer l'efficacité ? Afin de produire plus de café par exemple, pour que nous puissions l'acheter moins cher, si peu cher que l'agriculteur ne peut même pas faire un bénéfice ? Ou peut-être pour faire des habitants des pays pauvres de bons consommateurs modèles.
Si l'action de nombre de personnes et d'organismes est souvent essentielle (par exemple, au Soudan et au Bengladesh récemment), la notion d'" apporter de l'aide " entretient une relation de dépendance aussi bien qu'une certaine idée de " supériorité " occidentale, que ce soit au niveau économique ou humain.

Une bonne conscience à peu de frais
Dans une société qui préfère souvent fermer les yeux sur ce qui la dérange, l'organisme caritatif occupe une place importante. Il nous permet de nous débarrasser du stress constant lié à la connaissance d'une situation d'urgence (famines, guerres, pauvreté extrême, etc.), et en même temps d'avoir le sentiment qu'on n'y peut pas grand chose. En donnant de l'argent, on se donne bonne conscience (ce qui n'est d'ailleurs pas une bonne raison pour ne pas le faire). La motivation qui sous-tend le don est profondément liée à un sentiment de culpabilité - et ce don permet parfois de se soustraire à une véritable réflexion quant à de réelles solutions.
C'est le grand paradoxe du " don " : il est plus simple de ne pas se poser de questions sur sa propre façon de vivre, son propre impact sur le monde ou sa propre consommation. Et, bien que certains pays soient indubitablement dans une situation grave à cause du FMI (mais aussi bien sûr à cause d'autres facteurs, qu'ils soient historiques, géopolitiques, climatiques...), il ne faut pas oublier l'impact que chacun peut avoir.
Penser que quelqu'un a fabriqué, élevé ou fait pousser ce morceau de truc en plastique est de plus en plus loin dans nos têtes. Tout le monde connaît l'anecdote des enfants qui dessinent des poissons jaunes et carrés, mais est-ce qu'on on pense à l'agriculteur qui produit du cacao quand on achète une barre de chocolat ?
Pourtant, il existe des sociétés qui proposent des produits en garantissant que les producteurs recevront un pourcentage décent sur le prix de vente. Par exemple, Max Havelaar France vend un café qui est directement acheté à des petits producteurs. L'histoire de cette fondation est éloquente : elle a été créée après que de petits producteurs de café mexicains aient déclaré à l'ONG néerlandaise Solidaridad que pour eux, ils n'y aurait plus besoin d'aide au développement si on leur achetait leur café à un prix raisonnable. Aujourd'hui, cette marque est disponible pratiquement partout aux Pays-Bas, et on commence à en trouver en France. Le développement par un commerce équitable : une solution où tout le monde trouve son compte.

L'annuaire du commerce équitable (où sont répertoriés de nombreux organismes qui garantissent un paiement équitable des producteurs) est disponible pour dix francs, entre autres chez Max Havelaard France - CAP 122 - 67, rue Robespierre - 93558 Montreuil Cedex - 01.42.87.70.21


L'Inde

En 1997, le FMI exprimait sa désapprobation de la politique indienne et de " la lenteur insoutenable " des réformes du marché domestique, qui laissaient " des faiblesses significatives dans de nombreux secteurs de l'économie du pays ". La " révolution verte " que prônaient le FMI et la Banque (et que leur ont servi sur un plateau les ministres successifs aux Finances Singh et Chidambaram) a en fait été particulièrement désastreuse.
Pourtant, au contraire de beaucoup de pays ayant reçu " l'aide " du FMI, l'Inde est l'un des seuls à ne pas avoir basé son développement uniquement sur les exportations. Et sa croissance, si elle a toujours été relativement modeste, reste constante et stable (3,2%), et en tout cas largement supérieure à celle de ses voisins du Pakistan et du Bengladesh.
Et New Delhi a toujours été en mesure de rembourser sa dette en temps voulu, alors que celle-ci est l'une des plus importantes au monde. Ainsi, elle a toujours évité le cycle infernal de l'emprunt pour rembourser des dettes.
Si elle doit faire face à d'autres menaces à sa stabilité (d'ordre politique et géopolitique), la méfiance que l'Inde a toujours nourri à l'égard de la suprématie occidentale (et en particulier de l'hégémonie américaine) lui a permis, jusqu'ici, de ne pas se laisser entraîner dans la logique suicidaire de l'ouverture à tout prix, à toute vitesse et sans prise en compte des besoins spécifiques de chaque pays, au marché international.


La Russie

La politique FMI/BM est imposée à la Russie depuis la fin des années 80. Le 25 septembre 1997, les dirigeants du FMI déclarent envisager l'avenir de l'économie russe avec beaucoup d'optimisme. Michel Camdessus, le directeur général du FMI, avoue " n'avoir jamais douté " de la réussite de la Russie dans l'économie de marché.
Pourtant, déjà à cette époque, un travailleur sur 4 était payé avec des mois de retard, voire pas du tout, et le gouvernement devait 10 milliards de dollars d'arriérés de salaires : effectivement, il y avait de quoi être optimiste. Le PIB s'est effondré de 47% en cinq ans, et aujourd'hui, avec la crise du rouble, l'économie russe est en lambeaux.


Le Mozambique

Dette nationale en 1997 - 5,7 milliards de $
Dépenses de l'état en éducation - 6,2 % du PIB (39 $ par habitant par an)
Importations - 1090 millions de $
Exportations - 165 millions de $
PIB par habitant 1997 - 640 $
Espérance de vie - 46,7 ans
Analphabétisme - 60%

L'UNICEF estime que plus de 50% de la population du Mozambique vit sous le seuil de pauvreté absolue.
La Banque Mondiale a créé plusieurs situations difficiles au Mozambique, qui a pourtant, a priori, un bon potentiel (gouvernement démocratiquement élu). La production record de maïs de 96 n'a pas servi à grand chose : les producteurs ne peuvent pas vendre leur maïs supplémentaire à cause de la mauvaise qualité des petites routes (la Banque préférant investir dans les grandes routes nationales, décidant une fois de plus faire de grands pas dans la mauvaise direction).
Ensuite, l'importante industrie de la noix de cajou a été quasiment détruite. La Banque a exigé de supprimer les 20% d'impôts sur l'exportation des noix de cajou non traitées, ce qui a poussé à la fermeture de la plupart des usines de transformation, faisant perdre leur emploi à 80% des employés de cette industrie. Finalement, dans le plan de privatisations, près de cent mille fonctionnaires (25% des actifs) ont aussi perdu leur travail.
Ce type de situation est devenu courant avec les plans de restructuration du FMI en Afrique, mais le Mozambique, qui était relativement en bon état avant l'agression de l'Afrique du Sud, a largement subi les frais de la guerre, estimés à 20 milliards de dollars. Il a donc dû s'endetter à la suite d'une guerre provoquée par l'état de l'Apartheid (soutenu par les USA de Ronald Reagan). La plupart des citoyens n'ont donc pas vraiment remarqué la différence depuis la paix, et la crainte immédiate est la résurgence de la violence.


L'Indonésie

En 1997, la Banque Mondiale publiait un rapport vantant les mérites de l'économie indonésienne, qui allait connaître une croissance exceptionnelle avec la politique du gouvernement Suharto. On connaît la suite.
Dans le Monde Diplomatique du mois de juin, Noam Chomsky établit un parallèle intéressant : " L'essentiel de la dette privée indonésienne est détenue par quelques dizaines de créanciers. La fortune de la famille Suharto correspond à peu de choses près au montant du plan de sauvetage décidé par le FMI. Un tel rapprochement suggérerait une manière assez simple de résoudre la crise financière, mais, naturellement, on en choisira une autre... Les 200 millions d'Indonésiens qui n'ont rien emprunté, paieront. "
Car le FMI, censé promouvoir l'égalité et la liberté dans le monde (c'est un des objectifs qu'il se fixe), ne voit cependant aucun problème à soutenir un dictateur, pour peu qu'il applique une politique favorable aux investisseurs des pays riches.