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L'Oeil électrique #6 | Métier / Conteur théâtral

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MÉTIER / CONTEUR THÉâTRAL

Par Lafage.

Comment devient-on conteur ?
Au départ, ce qui m'intéressait, c'était de faire l'acteur. Il y a dix ans, j'ai commencé à travailler sur les masques, genre comedia dell' arte. C'était un vrai défoulement physique. C'est d'ailleurs ce qui m'a toujours plu dans le théâtre, que le corps soit totalement engagé. Par la suite, logiquement, j'ai travaillé sur le clown.

C'est étrange. J'aurais pensé que tu te préoccupais d'abord des textes...
Non. Jouer de beaux textes, ou raconter des histoires, c'est venu plus tard. A l'époque, ma copine faisait une maîtrise de lettres sur Dario Fo, l'acteur italien. Nous sommes donc allés le voir en Italie, et là, c'a été le choc. Lui, il travaillait beaucoup sur la farce et en même temps, il amenait un côté politique, engagé, un peu revendicatif ; on peut appeler ça la farce sociale. En tout cas, c'était très fort. Il occupait la scène en entier, à lui seul, avec autant d'entrain que toute une troupe d'acteurs.

Tu veux dire qu'il y avait, en même temps, l'allégresse du corps et celle de la parole ?
C'est tout à fait ça. Là, je me suis vraiment rendu compte de mes lacunes personnelles, et des moyens pour y remédier : il me fallait utiliser ma voix comme le reste de mon corps, et, comme le reste de mon corps, il fallait qu'elle soit totalement engagée elle aussi.

Ton travail s'est orienté ailleurs ?
Oui et non. Disons que c'était une évolution naturelle dans ma " formation ". J'ai rencontré les textes classiques français, et la tragédie grecque. C'était encore une étape supplémentaire. Mais je n'étais pas encore seul sur scène. Comme tu vois, le cheminement a été assez long avant que je devienne conteur.

Quand as-tu sauté le pas ?
C'est très récent. Le spectacle que je joue en ce moment est en fait le premier spectacle en tant que conteur. Là, je me suis vraiment lancé sans filet, tout seul, sans personne pour me retenir en cas de chute. En toute indépendance.

C'est aussi le plaisir, et sans doute l'orgueil, de réaliser quelque chose entièrement par soi-même ?
Tout à fait. Le seul maître à bord, c'est moi. Et c'est une jouissance hors du commun. D'emblée, ce qui me plaît, c'est qu'un conteur englobe à lui seul tous les personnages du théâtre. Quand même, représenter plusieurs personnages simultanément, encore une fois, c'est très jouissif.

Cela peut s'apparenter à un plaisir masturbatoire, non ?
Si tu veux (il rit). C'est aussi un plaisir de travestissement rapide : j'aime tout le côté costumes-maquillages, que j'ai emprunté davantage à l'acteur qu'au conteur traditionnel tel qu'on l'imagine : vieux pépé assis sur son tabouret de bois, dos à l'âtre, et mordillant sa pipe. Ce qui m'a donné la force de me lancer, c'est l'illusion de dépoussiérer tout ça, de moderniser le vieil art du conte.

As-tu réussi ?
C'est difficile de répondre à ça. S'il est mieux organisé socialement qu'au temps de nos grands-parents, le conte est aujourd'hui moins populaire qu'il ne l'était à l'époque, disons de la " non-télévision ", quand le spectacle se rencontrait spontanément dans la rue et n'était pas encore programmé sur tous nos écrans.

Etre conteur, est-ce une " technique " de résistance au monde moderne ?
En quelque sorte. Du moins c'est éviter la collaboration généralisée. Il n'y a pas vraiment de chemin tracé à l'avance. Même si, chaque soir, tu racontes la même histoire, c'est chaque fois différent. Quelquefois, je prends juste le synopsis, je sais qu'il se passe ça et ça, et je brode autour. Je travaille sans cesse sur l'improvisation. Voilà au moins qui évite toute espèce de routine.

Mais si l'improvisation devient obligatoire, ce n'est pas là une autre espèce de routine ?
Tu es dur. (il rit) Je dirais qu'au départ, il y a l'improvisation. Ensuite, une partie de cette improvisation, celle qui t'a le plus comblé, devient une mise en scène : ça y est, elle est répertoriée, elle fait vraiment partie de ton répertoire. A partir de cette improvisation répertoriée, je modifie le texte, je réécris, et c'est encore de l'improvisation. En fait, j'ai beaucoup de mal à rester assis et à écrire, c'est tout de suite le corps qui parle, je me lève, je joue. La gestuelle amène aussi un personnage, le personnage une façon de parler, etc.

C'est un jeu dont tu définis seul les règles ?
Jouer seul, c'est l'espace entièrement pour soi, cela demande une agilité intérieure qui te fait passer d'un personnage que tu esquisses, que tu développes et puis, tout de suite, tu passes à un autre personnage. C'est, en plus, une proposition faite au public. Alors oui, je tiens seul les règles, mais si le public ne veut pas jouer avec moi, je me retrouve comme un imbécile. Et comme chacun sait, la critique est aisée.

Tu rencontres souvent des collègues conteurs ?
Pas vraiment. Le problème, c'est que tout est compartimenté. Les acteurs d'un côté, les conteurs de l'autre. A partir de là, on va trouver des différences : l'acteur sait son texte par cœur, le conteur improvise. En quelque sorte, je me trouve au confluent des deux : je me travestis comme un acteur et, en même temps, je raconte l'histoire que je joue corporellement. Les gens disent : bon, lui, c'est pas vraiment du théâtre, mais c'est pas vraiment du conte non plus. Moi, entre les deux, j'ai un peu le cul entre deux chaises. Finalement, c'est amusant, ça me plaît assez.

En tant que conteur, à quel public t'adresses-tu en priorité ?
Bonne question. Tout de suite, on pense : " conte = enfant ". Tu me diras, c'est une idée reçue comme une autre. Mais il faut faire de la résistance contre les idées reçues. Un conte, ça s'adresse au moins autant à un adulte qu'à un enfant. Une fois, je me suis retrouvé presque exclusivement face à des enfants, et j'ai annulé. Les thèmes abordés, la violence, le sexe, et surtout la façon dont j'en parle, ma façon de les jouer, de les retranscrire, c'est davantage tourné vers un public adulte.

Est-ce que malgré tout, le public du conte s'élargit ?
C'est de plus en plus organisé, disons. Est-ce le résultat d'une politique culturelle ? En tout cas, ça se développe, mais on ne peut pas dire que le public suit toujours. Ça demeure intimiste. Souvent, je me retrouve devant un public de trente à quarante personnes. Autrement, ça m'arrive de faire ma propre publicité. Je passe dans les villages en voiture et je fais l'annonce de mon propre spectacle, comme on fait pour le cirque. Et je mets moi-même des affiches. Je fais aussi des démarches auprès d'éventuels organisateurs. Ensuite, je monte le décor, je joue, je démonte, ce n'est pas vraiment de tout repos. En tout cas, ce n'est jamais fini, le spectacle est toujours à peaufiner.

Cela t'a-t-il apporté la richesse ?
Bien sûr, je fais partie des intermittents du spectacle !