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L'Oeil électrique #6 | Bande dessinée / Vincent Vanoli

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Par Morvandiau.

Vincent Vanoli n'est pas le genre d'auteur de bande dessinée à faire des vagues avec des héros manichéens ou du gros nez populiste. Les vagues qui le bercent jailliraient plutôt d'une estampe japonaise, là où la matière du sol n'empêche pas, au contraire, de se poser des questions. Tout à la fois prolifique et persévérant, Vanoli construit peu à peu un univers graphique et poétique où les nuances du noir au blanc s'équilibrent au gré du pinceau et du crayon. Les histoires courtes parues dans les revues Jade et Lapin mêlent joyeusement les souvenirs à l'imagination, essaimant les indices, de l'alcool de mirabelle du tonton aux divagations sur les rues de Nancy, comme autant de briques communes au fortin de Vanoli.
Les albums, plus longs et (peut-être) plus autonomes, sans être complètement étrangers aux histoires courtes, lui permettent de creuser plus avant ses voies de prédilection. Rencontre avec un auteur, certain, non sans humour, de se poser des questions.

Beaucoup de tes histoires laissent deviner une part d'autobiographie à travers, entre autres, l'évocation de souvenirs. Quels rapports entretiens-tu avec le réel et la fiction ?
Le réel nourrit de toute façon la fiction. Je n'ai pas de goût pour l'imaginaire pur, ça donne Magritte, le Seigneur des anneaux, le groupe Yes, ce genre de trucs. Dans n'importe quel domaine artistique, ce qui m'intéresse c'est de voir traduit l'aspect sali de cette belle chose qu'est la vie. Des pieds sales dans une scène religieuse peinte par Le Caravage. De voir comment les grandes idées se vautrent dans la boue, de voir les hommes ployer sous le fardeau de la vie. Dans La pie sur le gibet, Bruegel peint des hommes qui dansent, écrasés dans un paysage sombre, avec une pie minuscule, mais au centre du tableau, qui semble les observer, les dominer.
Sinon, j'aime m'apitoyer. Ça se sent davantage dans mes histoires autobiographiques ; il paraît que c'est un travers béant dans l'autobiographie, l'auto-apitoiement. Tant pis... Enfin, j'espère qu'il y a la manière quand même. J'aime bien, quand, dans une petite histoire, des faits anodins sont transcrits dans une simplicité touchante et que, derrière l'apparente naïveté, le désespoir transpire.

On sent dans ton travail un réel plaisir à manipuler l'écriture des textes. Comment élabores-tu tes histoires ?
Dans mes histoires autobiographiques, j'écris tout le texte à l'avance, pour essayer d'avoir une fluidité. Cette fluidité est importante pour la connivence avec le lecteur. Si des dialogues interviennent, j'essaie de les intégrer à cette fluidité. J'essaie de trouver les mots justes ; la première phrase est importante, elle doit mettre tout de suite le lecteur dans le bain. Ces histoires sont courtes, elles constituent cependant un tout, où le lecteur doit faire un effort pour me suivre à la trace, de Lapin à Lapin. Par exemple, il reconstitue le quartier dont je parle, il retrouve des personnages ça et là. Ces décors et ces personnages sont autant mentaux que réels, ils me constituent entièrement.
Pour les albums, qui sont des fictions, on retrouve mes problématiques de fond, ma vision des choses transparaît de toute façon. Chaque album a débuté par un chapitre qui pouvait se suffire à lui-même. Ensuite, je laisse reposer et, des fois, je relance l'histoire pour qu'elle devienne une histoire plus longue, car je sens qu'il y a matière à développer. C'est comme ça que j'ai fait pour Simplismus et pour Le bon endroit. De toute façon, le premier chapitre est très important. Ensuite, je délaie et la fin doit être bien. Une recette habituelle, en fait... Le fait est que je ne construis rien, sauf en pensée. Pour quelque chose de long, je préfère préserver une spontanéité, pour laisser le champ libre à des digressions ou à des idées venues sur l'instant. Je ne pourrais pas travailler sur un scénario strictement préétabli. Même La Comète, qui semble être mon récit le plus construit, a été fait comme ça. Néanmoins, si je ne fais pas de découpages ou de crayonnés à l'avance, je pense au projet tout le temps : quand je vais au boulot le matin, en voiture, en rentrant le soir...

Tu manies souvent l'humour et le décalage, notamment entre le ton parfois familier et anachronique des personnages et un contexte assez solennel, tout en abordant des questions existentielles qui semblent très sérieuses. As-tu un intérêt particulier pour la philosophie qui te fait craindre de passer pour un emmerdeur ou pour un austère chercheur ?
La philosophie cherche à comprendre les choses ; je les subis plutôt, j'ai du mal à les comprendre. J'ai une approche sensitive des choses, pas pensée. J'arrive pas à démêler l'écheveau. J'aimerais bien comprendre cependant ce qui fait ma logique d'existence, ma logique d'action et de pensée. Dans mes histoires de fiction, on retrouve, je pense, toutes les facettes de ma personnalité à travers plusieurs personnages. Tout ça, c'est un chaos. Mais autant lire Le loup des Steppes de Hermann Hesse ou l'album Le rêve prolongé de Mr. T de Max pour essayer de comprendre ce que j'essaie d'expliquer.
Quand j'aurai plus de recul par rapport à mes histoires (ça viendra avec le temps) j'arriverai, sans doute, à me reconstituer. C'est pour ça que j'en fais beaucoup : pour pouvoir un jour avoir le maximum de pièces au puzzle. Bref, je dessine pour moi, d'abord. Le bon endroit, je crois que c'est aussi une sorte de métaphore d'une recherche artistique. D'un côté, il y a Tchang-Pou, attiré par l'imaginaire et l'absolu (les nuages), de l'autre, il y a Ping, pragmatique, attiré par le réel (la terre). Celui qui " gagne ", c'est Ping (en parallèle, il y a le général cynique aussi qui gagne, devant la naïveté du petit lieutenant). Là, où je pêche dans l'histoire, c'est que je ne laisse pas entrevoir d'affrontement entre le cynisme et le réel : on peut penser que le piège qui est tendu à Ping est de devenir cynique. En résumé, pour revenir à la métaphore, vais-je devenir un créateur qui va s'exprimer sur le réel par le cynisme ? Je ne pense pas ; il ne faut pas être humble pour être cynique et je suis aussi beaucoup le petit lieutenant du bon endroit. (Mais toute cette analyse... je ne l'ai eue qu'après coup, car je n'avais pas préconçu les personnages avant de commencer). Enfin bref...

Et donc, pour en revenir à ton utilisation de l'humour, est-ce un rempart à ce cynisme, un recul nécessaire ou un plaisir simple de la vie ?
Traiter des sujets graves en y apportant une certaine dose d'humour est un procédé, mais associer désespoir et autodérision me semble être une façon juste d'appréhender les choses. Dans mes histoires, le désespoir vient du propos, mais aussi du graphisme, étouffant, sombre, matière. Dans Le bon endroit, le propos était en plus parfois assez solennel ; j'ai nuancé cet effet par de l'humour, car la solennité a un côté trop définitif. Tchang Pou ne pouvait qu'être solennel, sa recherche est illusoire, dès le départ. Par le décalage humoristique parfois assez limite, j'en conviens, l'illusion de sa quête était encore exagérée : c'est touchant, voire dramatique, de voir comment se font traîner dans la boue les plus beaux idéaux.

Tu publies notamment chez l'Association et dans Jade, deux structures indépendantes. Que penses-tu de l'état de la presse et de l'édition en général, et de la presse et de l'édition de bande dessinée en particulier ?
Me sentir professionnel de la BD ne me convient pas. J'aime me retrouver devant ma table de dessin, comme quand j'avais 12 ans : me mettre dans ma bulle, me plonger dans l'univers que je développe, qu'il soit celui d'une fiction ou celui du souvenir pour des trucs plus autobiographiques. Le jour, je vis, je vais au boulot, etc. Et, à un moment donné, qui reste privilégié, je dessine. Je dessine beaucoup parce que c'est un besoin ; la vie de tous les jours, j'ai tendance à pas l'apprécier assez... Dessiner, c'est comme une couverture que je mets sur moi. Donc, les " petites " structures indépendantes me conviennent : liberté de choix esthétiques et possibilité de me sentir comme un éternel amateur. Cela dit, chapeau à ceux qui sont devenus professionnels et ont gardé un esprit spontané. Cependant, on peut aussi tomber dans la routine en restant amateur... Atttation ! ! Et comment être conscient d'être toujours spontané ? C'est dur aussi.

Dans le numéro de janvier du magazine " Beaux-Arts ", au sein duquel ton " travail sur la matière " est évoqué, on peut lire dans l'édito : " Soyons clairs, si nous consacrons notre couverture et un dossier aux tendances de la bande dessinée en France, ce n'est pas que nous considérions la BD comme un art. Les problématiques et les enjeux des travaux de Buren et de Bilal n'ont rien en commun. " Qu'en penses-tu ?
J'aime pas Buren, j'aime pas Bilal. Le problème n'est pas de savoir si c'est de l'art ou si ça ne l'est pas. " On se lève pas le matin, en se disant qu'on va faire de l'art. " (grande phrase !). Le problème est : " ça le fait, ou ça le fait pas ". Que ce soit de la BD ou de la cuisine. Au fait, qu'est-ce que c'est l'art ménager ? Mais j'aime bien, pour parler de matière, le rapport aux choses tactiles, à la matière, fondamentalement. J'aime que mes dessins ressemblent à un talus.

Quels sont les artistes qui nourrissent ton travail ?
Mes plaisirs de lecture les plus premiers vont aux Tuniques bleues, Astérix, puis Gotlib et Baudoin, véritable révélation de l'adolescence : j'ai découvert ça à la petite bibliothèque de ma ville natale. À cette même époque marquante, Baru, et Altan, Weissmuller (qui se souvient du gendarme Gédéon ?), Chaland. La peinture, j'ai découvert ça à la fac d'arts plastiques : j'aime bien Tapiès, les papiers collés et les guitares bricolées de Picasso, Rauschenberg, Tony Cragg. J'apprécie également le mouvement expressionniste. En BD, sinon aussi Josso, Fabio et l'équipe du Journal de Judith et Marinette.

La bande dessinée t'a-t-elle conduit à manger des nouilles ?
Les pâtes ont quelque chose de magique pour moi. Je me souviens de la maison, imprégnée de l'odeur de la sauce tomate (je n'ai pas dit le parfum, j'ai dit l'odeur) toute la matinée, quand j'étais gosse. Même quand je mange des pâtes chez moi avec un accompagnement Spartiate (au moins le parmesan), c'est une dévotion... Cela dit, il y a des préparations différentes.

Bibliographie

Jean-Pierre, collection X, Futuropolis, 1989
Le collectionneur, collection Patte de Mouche, L'Association, 1993
Le contrôleur de Vérité, in lapin n°5, L'Association, 1994
L'arbre vengeur, collection Patte de Mouche, L'Association, 1995
Simplismus. L'Association, 1995
La planète waterinelon. Chacal Puant, 1996
Le bon endroit, collection Eperluette, L'Association, 1997
La Comète, 6 pieds sous terre éditions, 1998

Vincent Vanoli publie également dans la plupart des numéros de Lapin et de Jade.
Toutes ces publications sont disponibles dans les librairies spécialisées et en kiosque.