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L'Oeil électrique #7 | Société / Révolutions quotidiennes

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Par Kate Fletcher.

Le sentiment d'impuissance que nous pouvons ressentir face aux problèmes sociaux et politiques actuels est inquiétant, mais peu surprenant : il est aujourd'hui difficile de voir la différence entre une politique de gauche et une politique de droite, et le sentiment qu'on est trop petit pour faire quelque chose dans ce monde énorme, cette machine parfaite, semble parfois complètement écrasant. Jusqu'à il y a encore quelques dizaines d'années, une sorte de " culture révolutionnaire " permettait d'espérer un changement au travers d'actions ponctuelles : les grèves de 1936, les grandes manifestations, Mai 68... Mais aujourd'hui, avec l'actionnariat et la spéculation internationale, le pouvoir économique est délocalisé et immatérialisé. Les mineurs d'autrefois pouvaient manifester et faire grève : ils savaient qui était leur employeur. Aujourd'hui, les propriétaires des grandes entreprises sont des dizaines ou des centaines de milliers d'actionnaires disséminés un peu partout dans le monde - difficile d'avoir un véritable impact sur eux. D'autre part, quand on voit le résultat des grands mouvements de Mai 68, on s'aperçoit que ses principaux protagonistes ont aujourd'hui évolué vers des modes de pensée et de vie bien plus... traditionnels. Bon nombre de ceux qui voulaient " changer d'avenir " scrutent aujourd'hui le cours de leur SICAV et sont souvent très bien intégrés au système libéral, sans parfois même s'en rendre compte. La " révolution " est un idéal très romantique, mais faire changer les choses aujourd'hui, où la machine semble trop grosse pour nous, et où toutes les tentatives révolutionnaires semblent avoir été faites, implique une véritable utilisation du système : on ne va pas éliminer d'un coup de baguette magique la consommation à outrance, l'exploitation et TF1.
Deux choses me semblent essentielles pour un changement durable : l'économie et l'information. Pour faire évoluer notre relation à l'argent et nos priorités, il est important de remettre l'économie et l'argent au service de l'homme. Et dans cette période de désenchantement, une information différente est nécessaire pour faire connaître les initiatives existantes. Les médias actuels peuvent-ils contribuer à faire évoluer les choses ? Comment toucher l'énorme majorité des personnes qui ne militent pas dans des associations ou autres organisations ? Petit aperçu non exhaustif des possibilités de changer le système par le système.

Une consommation responsable

On ne peut pas le nier, la consommation conditionne nos vies et caractérise le 20ème siècle, plus que toute autre chose. Et il est difficilement imaginable que cela change. Mais dans nos actions quotidiennes, la consommation " aveugle ", génère de la misère dans les pays pauvres, sans même que nous nous en rendions compte. Car la valeur que nous attribuons aux produits ne tient jamais compte du fait que les producteurs et les individus ayant participé à leur fabrication aient été raisonnablement rémunérés ou non. Une évolution simple et réaliste est d'abord de s'inquiéter de la provenance et des modes de fabrication des produits que nous consommons. Une conception solidaire de l'économie, où le consommateur se préoccupe de l'ensemble de la chaîne de production, constitue une solution alternative aux dizaines de millions francs " d'aide " versés au tiers monde. Dans les pays du sud, un énorme pourcentage de la population travaille dans quelques domaines spécifiques, où le système actuel fait que les prix sont fixés à l'avance et que souvent, les récoltes rapportent tout juste de quoi rembourser les dépenses qu'elles impliquent. Le café, le chocolat, les fruits et les vêtements sont des choses que nous considérons comme des objets de consommation courante. Le problème, c'est qu'en achetant certains produits, on retire tout simplement aux producteurs le droit de gagner leur vie.
Des associations agissent pour que les modalités commerciales garantissent aux producteurs des pays pauvres une marge suffisante. Le commerce équitable est un moyen de favoriser le développement dans les pays du tiers monde sans faire la charité et sans créer de relation de dépendance. Grâce au travail d'associations comme Agir Ici, des produits du commerce équitable seront bientôt disponibles dans certaines chaînes de supermarchés, mais on en trouve d'ores et déjà dans certains petits magasins spécialisés dans de nombreuses villes. Acheter son thé, son chocolat et d'autres produits issus du commerce équitable, c'est agir directement sur la situation, jour après jour.

Agir Ici

Jean François Lebolle nous explique les grandes lignes du travail d'Agir Ici, association dont l'objectif est le développement du commerce équitable.

Le référencement en supermarché
Nous avons des référencements au niveau national avec Atac, Auchan, Monoprix, Prisunic. Mais entre le moment où la centrale d'achat a référencé nos produits et celui où ils sont vraiment présents en magasin, on peut encore attendre ! Actuellement, Monoprix et Prisunic sont en train de faire une expérimentation dans 50 Monoprix, qui va durer quelques mois - le temps de voir si ça se vend bien, et si c'est le cas, les autres magasins Monoprix en stockeront.
On est à un point important ; ce qu'on essaie de dire aux gens c'est : " Il faut acheter " parce que la réussite dépend de la réaction du public, mais pour acheter, il faut que les gens sachent où ils peuvent trouver les produits.

Comment avez-vous procédé pour convaincre les supermarchés ?
C'est une démarche qui dure depuis 1993. La grande distribution nous connaît bien ! Concrètement, on fait des cartes postales et un argumentaire de 4 pages qui est très simple, pour sensibiliser les gens. On leur demande d'envoyer la carte postale aux directeurs de magasins, qui sont en général sensibles à ce genre de démarche, étant intéressés par la demande générale. On essaie de leur montrer qu'il y a un marché en France pour des produits " éthiques ", des produits qui offrent un garantie de production dans de bonnes conditions sociales.

Est-ce que Agir Ici est impliqué dans d'autres domaines du commerce équitable ?
Nous travaillons depuis notre création sur le thème des équilibres nord-sud. On travaille dans le cadre du collectif " de l'éthique sur l'étiquette " dont on est fondateur, pour faire progresser les droits de l'homme au niveau du travail dans les pays du sud. On essaie de faire pression sur les distributeurs de l'industrie du textile et des marques comme Nike ou Reebok, pour qu'elles fassent pression sur leurs fournisseurs afin que les normes définies par l'Organisation Internationale du Travail soient au maximum respectées. Il y a aussi le secteur alimentaire : avec le café on a choisi un produit de consommation très courante et les producteurs de café sont nombreux et organisés. Sinon, on fait une autre campagne pour le bois : on demande aux grossistes comme Leroy Merlin ou Castorama, d'indiquer la provenance du bois. Souvent, le bois est prélevé sur les forêts primaires et il y a une surexploitation qui crée beaucoup de problèmes pour une certain nombre de populations indigènes.

Ce sont des projets relativement énormes…vous êtes combien à travailler dessus ?
Au niveau du secrétariat, on est 10, pas tous à plein temps. Nous avons aussi 10 000 signataires. C'est un petit groupe de pression qui existe depuis 10 ans, et ça se développe assez vite.

Serait-il vrai de dire qu'on est assez en retard en France par rapport au commerce équitable ?
Oui, très en retard, je n'ai pas les chiffres en tête, mais dans les pays du nord, en Hollande, en Suisse, ce sont des produits qu'on trouve en grande surface depuis un bon moment avec leur propre rayon, un peu comme le rayon bio en France. Pour le café, le chocolat et les bananes, les parts de marché font quelque chose comme 3 ou 4 %. Le commerce équitable a d'abord été introduit en Hollande en 1988. Le label Max Havelaar (distributeur de café issu du commerce équitable, ndlr) est très connu là-bas.

Il y a une raison pour notre retard ?
On n'a pas l'habitude d'interpeller les décideurs en France, on a un type de démocratie très représentative où on délègue beaucoup, et où les associations citoyennes sont assez récentes. Pour l'instant il faut faire bouger pour que ça change. La construction européenne est utile à ce niveau-là. Et les politiques commencent à s'ouvrir à ce genre d'idées : ils se rendent compte qu'ils ont besoin des citoyens pour retrouver une légitimité. Après, c'est bien sûr une question de moyens. On n'est pas beaucoup à travailler pour ces associations, chez Max Havelaar, ils sont 5 ou 6, nous sommes 10. Si on compare avec la puissance d'une structure comme Jacques Vabre, ça n'a rien à voir.

Pour le mouvement du commerce équitable, est-ce que vous pensez que c'est facile et possible de sortir l'idée hors d'un contexte d'activistes et de militants ?
Je trouve que l'idée est très facile et très porteuse. On peut assez facilement aller à la rencontre du grand public, et ça touche beaucoup. C'est une nouvelle forme de militantisme, parce que justement ce n'est pas du militantisme : c'est agir sans radicalement changer le cours de sa vie quotidienne. En allant acheter un produit éthique on peut être solidaire des producteurs du sud, c'est direct. C'est quelque chose de facile à comprendre et facile à appliquer tout en continuant à vivre normalement. Une façon de faire une action directe sans faire la révolution.

Pratique
Agir ici - 01 40 35 07 00
Max Havelaar France - 01 42 87 70 21
Annuaire du commerce équitable - 05 45 67 88 47
Pour un commerce plus juste (Max Havelaar) - 15 francs

L'investissement éthique

Une autre possibilité d'action quotidienne et permanente est le recours aux placements et aux investissements éthiques. Avoir un compte en banque, faire des économies, c'est investir son argent dans un système (et il paraît difficile de vivre sans compte en banque dans un pays comme le nôtre). Aussi, autant investir cet argent d'une manière qui serve à aider la création de petites entreprises ou à garantir un investissement dans des sociétés dont les activités sont respectueuses des hommes et de l'environnement. C'est le CCFD (Comité catholique contre la faim et pour le développement, qui participe aussi à la campagne " de l'éthique sur l'étiquette " évoquée par Agir Ici) qui a lancé, il y a une quinzaine d'années, avec le soutien du Crédit coopératif, le premier fonds de placement éthique. Une partie des revenus de cet organisme de placement est dédiée à la création d'entreprises dans le tiers-monde. Un autre fonds commun de placement éthique naissait à peu près à la même époque : Nouvelle stratégie 50, qui proposait des placements boursiers " respectueux de la place de l'Homme ".
Aujourd'hui, de nombreuses banques proposent des fonds communs de placement éthiques. Il existe aussi des possibilités d'investissements dans des structures favorisant la création d'emplois au niveau local, des organismes de capital-risque, ainsi que de nombreux " produits bancaires " basés sur différents principes éthiques (aide au logement des plus démunis, protection de la nature, lutte contre l'exclusion, aide au tiers monde). Il existe même des comptes chèques éthiques.

Pratique
Les placements éthiques (Alternatives Economiques / La Vie) - 45 francs en librairie

L'entreprise - un générateur de changement et à long terme < /P> Les associations et les entreprises d'insertion Une bonne indicateur d'action et des préoccupations de la population sont des Associations loi 1901. Des structures qui permets à des gens de se mettre ensemble dans un but plus ou moins précis. Ce statut permets des actions commerciaux pourvu que les bénéfices sont remis dans la structure. Il existe une polarisation de discours vis à vis de la nature commerciale des associations on ne veut pas parler du commercial. Mais ce qu'on oublie est que l'entreprise est un générateur de changement bien plus efficace que d'autres actions, quoi de mieux pour une économie solidaire qu'une entreprise sans bénéfices ni actions ? La politique du gouvernement actuel manque de réflexion sur ce sujet et depuis début 1999, commence à durcir les règles de fiscalité pour les Associations avec but commercial. Pareil pour des entreprises d'insertion.

On oppose souvent de manière stérile, la liberté d'entreprise et l'esprit d'initiative d'un côté, et une conception égalitaire de la société de l'autre. Pour résister à la néolibéralisation, il est sans doute plus efficace d'appliquer ses principes dans ses actions, en fonctionnant dans le système tel qu'il nous est donné. AvecParce qu'à l'heure actuelle, avec la grande liberté dont disposent les très grandes sociétés pour s'installer dans les endroits du monde où c'est le moins cher, la capacité des employés à mener une " lutte des classes " véritablement efficace (comme elle a pu l'être par le passé avec des grèves ou des manifestations, qui n'ont aujourd'hui pratiquement plus aucun impact) est grandement réduite. Pour ceux qui'ils veulent créer une entreprise, il existe des alternatives à laau SARL classique, et compagniequi peuvent conduire à de réelles évolutions dans notre manière de concevoir de regarder le " commercial ". Le statut de société coopérative par exemple, est une véritable alternative. Une Scop par exemple, est une entreprise commerciale qui appartient à l'ensemble des salariés associés. Chaque salarié a sa un son part de l'entreprise et chaque nouvel embauuaché peutr devenir associé. Ainsi, tous les salariés participent aux choix de l'entreprise et il est impossible que celle-ci soit contrôlée par des actionnaires dont le seul objectif est de faire du bénéfice. L'actionnariat extérieur, s'il est possible, ne peut jamais être majoritaire. Le dirieageant est élu par l'ensemble des salariés associés et les bénéfices sont répartis. Une façon concrète de refuser des structures où les employés subissent les décisions, de favoriser la citoyenneté, et de lutter contre la précarisation de l'emploi . En brefcourt, de faire l'entreprise autrement.

Scop

Hervé Gouil, directeur régional de Scop entreprises, la confédération générale des Scop nous explique le fonctionnement de ce type d'entreprise - un statut démocratique où les dirigeants sont élus par l'ensemble des salariés.

Depuis quand existent les coopératives ?
La première coopérative de production date de 1847. C'était l'imprimerie de Rushden en Angleterre. En parallèle de ces pionniers, en France, des bijoutiers se sont groupés sous cette forme coopérative, issue des premières associations ouvrières. L'origine des coopératives, c'est d'abord des regroupements d'ouvriers qualifiés, qui ne voulaient pas rentrer dans le système traditionnel, c'est-à-dire celui de la grande entreprise où une seule personne avait les capitaux, le réseau commercial et les moyens de production. Ensuite, il y a eu des périodes assez diverses mais ça a toujours survécu.

C'était un mouvement ouvrier militant ?
C'est en fait une collaboration entre des personnes qui voyaient ça sur un plan politique ou intellectuel et des ouvriers qui étaient en train de s'organiser pour défendre leur travail. La notion qui a émergé dans ces expériences, c'était de s'opposer au salariat " indigne ".

Qui étaient ces gens-là ?
Deux grands courants ont porté le mouvement : un courant de forces ouvrières, et un courant de christianisme social, de dirigeants ou d'entrepreneurs, qui avaient une vision différente et humaniste de ce que l'entreprise devrait être. On retrouve encore ces deux influences dans des structures coopératives.

Et le statut actuel des Scop ?
Une réglementation spécifique concerne les coopératives en SARL et amène la notion que la Scop peut être constituée uniquement de deux personnes. Le capital est désormais ouvert à des associés extérieurs. Auparavant, seuls les salariés pouvaient être associés d'une Scop. Aujourd'hui, il restent les actionnaires majoritaires, mais il peut y avoir des partenaires extérieurs.

Les désavantages et les contraintes ?
Le plus important pour un créateur de Scop, c'est d'accepter de renoncer à la plus-value de cession. C'est la plus grande différence entre une Scop et une entreprise classique. Si vous investissez 10 000 francs dans une Scop aujourd'hui et que vous partez à la retraite dans 42 ans (si on en croit le gouvernement !), vous repartez avec vos 10 000 francs et pas plus. On construit un outil de travail qui effectivement, ne nous appartient pas. Mais on a d'autres avantages : un salaire plus sûr, un rapport à l'entreprise différent, et tout simplement un système plus égalitaire.

Est-ce que le statut de Scop est bien adapté à tous les types d'entreprises ?
Sur le principe, ce n'est pas une question de taille, mais plus l'entreprise grossit, plus on est sur des sites de travail différents, et plus la communication doit être précise. Quand on travaille dans le même lieu en même temps, c'est relativement simple de communiquer. Lorsqu'on est plus nombreux, il faut avoir des supports de communication plus sophistiqués : il faut que les coopérateurs soient capables de gérer la délégation. Par contre, il y a des secteurs d'activité où le statut de Scop est plus pertinent que d'autres. Par exemple, lorsque vous êtes dans la confection, les règles du marché vous amènent à fabriquer des produits à bas prix, avec peu de marge de manœuvre. A ce moment-là, les Scop sont moins porteuses.

Et au niveau des avantages ?
D'une certaine manière, le statut de Scop garantit de façon institutionnelle qu'il y aura un retour. Le coopérateur qui s'applique sait qu'il le fait parce que si ça marche bien, en fin d'année, en plus des autres avantages sociaux, une partie du résultat lui reviendra et l'entreprise restera autonome et ne sera pas rachetée par un groupe qui fera quelque chose de complètement diffèrent.
Le fonctionnement coopératif est d'autant plus efficace qu'on est dans un secteur où l'implication est importante, comme dans les services. L'implication des salariés y devient stratégique et elle est préservée par le statut. Il y a aussi la garantie que le travail ne sera pas délocalisé ou dispersé. C'est la vraie coopération - pas pour travailler dans un esprit d'assistance, ou dans l'idée de prendre tout ce qu'on peut de la personne en face.

Il y a 1500 Scop en France, c'est relativement peu. Est-ce qu'il y a une explication ?
La première explication est historique. Le mouvement ouvrier, ou même le mouvement socialiste du début du siècle, s'est scindé. Les forces qui auraient pu se concentrer sur l'expérimentation d'idées, se sont scindées avec d'un côté l'idée de révolution et de l'autre le syndicalisme. Après, il n'est resté qu'une frange de militants qui ont travaillé sur l'entreprise.
Le deuxième élément, plus contemporain, c'est le fait qu'aujourd'hui, la valorisation se fait essentiellement sur une lecture financière de l'entreprise. C'est dur de considérer qu'on peut avoir raison même si l'essentiel fonctionne différemment. Il faut avoir du courage et une culture particulière et forte. Par ailleurs, 80% des entreprises en France sont des entreprises où il n'y a qu'une seule personne. On travaille donc sur un petit créneau.

Pensez-vous que cette rareté vient d'un manque d'information ?
C'est évident que plus il y a d'informations, plus on peut capter les projets qui ont cette valeur sociale. En même temps, on a des moyens limités et actuellement, le grand public n'est pas notre cible, on n'aura jamais les moyens de passer l'information partout. Il y a aussi les expériences réussies des Scop, qui petit à petit, diffusent autour d'elles. On arrive vraiment à un tournant dans le mouvement des Scop. Si on arrive à mieux communiquer et à développer les expériences qui existent, je crois qu'il y a un courant de personnes qui sont sensibles à ça.
On est quand même dans un système où l'existence de la petit entreprise n'est pas évidente. Quand vous prenez les salaires de dirigeants de P.M.E. souvent, c'est deux fois moins important que cadre dans une administration ou dans une grande boîte. Donc, il faut vraiment avoir beaucoup d'énergie et un projet très fort. Il y a beaucoup de secteurs d'activité hi-tech où on travaille beaucoup pour sortir 1 ou 2 % de résultat. Alors qu'il y a des rentiers à la bourse qui prennent 19% en un an !

Pratique
Confédération générale des Scop - 01 44 85 47 00 - www.scop-entreprises.tm.fr

Reconquête de l'information

Un destte problèmes fondamentaux que rencontrent les organisations et les associations dont l'objectif est de faire évoluer nos modes de fonctionnement, est leur sous- représentation dans les médias grand public. L'accès à un public qui pourrait s'intéresser à ces alternatives est particulièrement difficile et la diffusion de l'information se fait souvent dans des réseaux d'associations déjà existants. Les idées tombent dans des oreilles déjà convaincues.
Certaines organisations parviennent cependant à utiliser et à détourner le système de manière efficace. La Media Foundation a été créée par un groupe de Canadiens qui estimaient qu'un certain nombre d'idées et de tendances existantes dans la population n'étaient pas représentées dans les médias. Kalle Lasn a créé le groupe après avoir été limogé de la Canadian Broadcasting Corporation, pour avoir tenté d'acheter 30 secondes d'espace publicitaire pour un film qu'il avait produit avec des amis. Ce film était une " contre-publicité " en réponse à une campagne pour des pépinières d'arbres, et qui était en fait un bon gros coup de propagande pour l'abattage de masse des forêts. La publicité de Lasn n'a jamais été diffusée, mais le coup a provoquécréé une telle fureur médiatique des milieux écologistes que la publicité originale a été retirée de la grille de CNN et d'autres grandes chaînes. Le groupement de la Media Foundation s'est donc formé, avec le premier numéro du magazine Adbusters.
Les campagnes de la Media Foundation, de nature " sociale " et écologiste prennent la forme de films anti-publicitaires ou de contre-publicités imprimées, avec pour thèmes l'économie, la consommation ou la télévision. On a ainsi vu des fausses pubs pour Nike et Camel, de même que des films d'information anti-surconsommation, et bien sûr le fameux Buy Nothing Day (Jour sans achats) et la TV Turnoff Week (Semaine sans télé). Ces campagnes ont été ultramédiatisées partout dans le monde, et c'est là qu'a résidé leur efficacité : dans toute la publicité gratuite des journaux télévisés et autres programmes de la planète. C'est en jouant sur le même terrain que les " créatifs " de la publicité, au service des Coca-Cola, Mc Donald et autres Sony, que la Media Foundation a eu un véritable impact.....
La plupart des médias appartiennent aujourd'hui à des multinationales, et les formes d'activité qui n'entrent pas dans leur cadre y sont nécessairement sous-représentées. De plus, seuls d'énormes groupes sont en mesure d'acheter les espaces publicitaires. Il faut donc produire des événements assez conséquents pour que les médias les évoquent et en fassent la publicité gratuite (ce qu'a compris la Media Foundation). Il s'agit de se réapproprier un maximum de supports, et d'utiliser tous les médias possibles - pour faire sortir les notions de commerce équitable, d'économie solidaire ou de placements éthiques des réseaux de personnes convaincues d'avance.

Pratique
The Media Foundation : www.abusters.ca

La " culture révolutionnaire " permet surtout aux autorités de canaliser la protestation, en créant des soupapes de sécurité : les RMIstes manifestent, on leur dit qu'on leur donnera mille francs de plus pour Noël, et tout rentre dans l'ordre. Et au fond, rien ne change. Que des solutions court termes. Le taux de syndicalisation est ridicule dans les entreprises, et la majorité d'entre nous n'avons pas le temps ou la motivation nécessaires pour nous investir dans une organisation de résistance. En utilisant tous les supports possibles, l'important est de diffuser l'information, pour sensibiliser un maximum de gens sur les possibilités d'agir sans avoir à radicalement changer le cours de sa vie. Incontestablement, vouloir faire évoluer les choses de l'intérieur est moins spectaculaire que de faire la révolution, mais pour faire changer une voiture de direction, il vaut mieux se placer derrière le volant.