Warning: mysql_num_rows(): supplied argument is not a valid MySQL result resource in /mnt/153/sda/7/9/oeil.electrique/php/en-tetes.php on line 170
L'Oeil électrique #8 | Voyage / Inde

> C’EST BEAU LA VIE
+ Des animaux et des hommes

> SOCIÉTÉ
+ Martine Mauléon
+ Petit traité de manipulation
+ Marché +
+ Sexe: morales et sexualité

> BANDE DESSINÉE
+ Placid: ni oeil de verre, ni langue de bois

> VOYAGE
+ Inde

> PHOTO
+ Michael Ackerman

> MUSIQUE
+ Pascal Comelade

> MÉTIER
+ Clown

> GRAPHISME
+ Benoît Jacques

> 4 LIVRES : EROTIQUES FÉMININS
+ Françoise Rey : Loubards Lagnifiques
+ Josefine Mutzenbacher : Histoire d’une fille de Vienne racontée par elle-même
+ Anaïs Nin : Venus Erotica
+ Régine Deforges : L’orage

> BOUQUINERIE
+ Bernard Maris : Lettre ouverte aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles
+ Gérard Béhague : Musique du Brésil
+ Hervé Prudon et Muzo : J’ai trois ans et pas toi (mémoires sans mémoire)
+ Scott Mc Cloud : L’art invisible
+ François Chesnais : Tobin or not Tobin ? Une Taxe internationale sur le capital
+ Mattt Konture : Krokrodile Comix 2

> NOUVEAUX SONS
+ Oslo Telescopic : Third
+ Malcolm Braff Combo : Together
+ Koani Orkestar : Gypsy Mambo
+ Slick Sixty : Nibs And Nabs
+ Dick Annegarn : Adieu verdure
+ Guitar Wolf : Jet Generation

> JAMAIS TROP TARD
+ Pour le big band

> REVUES
+ Humoir
+ Etapes graphiques

> ACTION
+ Pour Voir Pas Vu

Par Kate Fletcher.
Photos : Kate Fletcher.

Avant mon départ pour Delhi, Lisa m’avait écrit du Laos pour me donner le nom d’un ami qu’elle y avait rencontré… "Va à la guesthouse Ringo’s et demande à parler à Sunil : c’est le conducteur de rickshaw que j’ai rencontré il y a quelques années, on est toujours en contact… Je lui ai écrit pour lui dire que vous arriviez. Il vous fera visiter Delhi, c’est un mec excellent. Au fait, comme vous allez arriver très tôt le matin, faites attention : il y a un paquet d’escrocs qui traînent, surtout quand tu cherches un hôtel"

On avait eu du mal à se décider sur nos destinations, et c’est en fait le climat qui a pris la décision pour nous. L’idéal était vraiment de ne pas rester à Delhi où il peut faire jusqu’à 50 degrés dans les semaines qui précèdent la mousson.

"Il est 4h10 du matin et la température extérieure est de 35° C". La voix de l’hôtesse nous sort de notre torpeur, et nous descendons de l’avion. L’aéroport me semble calme et plutôt bien organisé en comparaison à ce que j’avais pu voir en Afrique.

En sortant de l’aéroport (qui est climatisé), nous prenons en pleine poire la chaleur lourde qui règne à l’extérieur, ce qui donne une impression vraiment étrange en pleine nuit. Nous trouvons un taxi qui nous demande une somme raisonnable pour aller jusqu’à New Delhi. C’est une superbe voiture Ambassador, avec des fauteuils profonds, pas de suspensions et un chauffeur à l’air un peu trop jeune. A cette heure-ci, la route est relativement déserte, mais ça ne va pas durer. A mesure que nous approchons de la capitale, les véhicules sont de plus en plus nombreux. Le code de la route semble très différent du nôtre. Tout d’abord, les clignotants ne servent à rien : il faut utiliser le klaxon pour avertir les autres du fait que vous allez changer de direction ou que vous l’avez déjà fait. Ensuite, les marquages au sol sont inutiles. Finalement, les ronds-points ne sont pas là pour faire céder le passage. Il s’agit en fait d’éviter de s’arrêter et de s’incruster avec conviction dans la circulation. Ainsi, comme des centaines d’autres personnes tous les jours, nous arrivons en Inde au milieu des rickshaws (sorte de pousse-pousse motorisé), des mobylettes, des vaches, des scooters portant trois personnes…

A l’aube, New Delhi est très différente de ce qu’elle est dans la journée ou dans la soirée, en particulier dans les quartiers commerçants de Connaught Place et de Janpath. Dans la journée les rues sont pleines des bruits et de l’activité d’une capitale de plusieurs millions d’habitants. Mais au petit matin, en particulier quand on vient de passer dix heures dans un avion, tout semble un peu… suspect. Les rares personnes visibles sont des familles de sans abris qui dorment sur le trottoir ou dans la rue, et quelques conducteurs de rickshaw. Nous avons le privilège de pouvoir nous payer un hôtel. Il ne reste plus qu’à le trouver. Conformément au conseil de Lisa, nous insistons pour que le chauffeur nous dépose chez Ringo’s ; déjà, il faut batailler, car les chauffeurs ont des arrangements avec les hôtels, qui leur donnent un pourcentage sur tout client ramené. Mais pas de chance, Ringo’s n’a plus de place, et le type nous dit que Sunil n’est pas à Delhi en ce moment. ça commence bien ! Nous avançons peu rassurés dans les ruelles, à moitié endormis. Flairant les pigeons, des conducteurs de rickshaw commencent à nous brancher en nous proposant des hôtels à des tarifs " intéressants ". La tactique consiste ensuite à se rendre dans de nombreux hôtels qui (comme c’est étrange) sont tous pleins, pour finir dans un palace hors de prix. De toute évidence, le scénario est bien rodé. Après maintes tergiversations, nous finissons par payer beaucoup trop cher pour une chambre tout de même haut de gamme. Comme partout, la pauvreté et les inégalités engendrent de petits escrocs, qui savent très bien que le routard le moins fortuné a plus d’argent qu’ils n’en auront jamais. Plus tard, en rencontrant d’autres touristes, nous entendrons parler de multiples plans aussi originaux qu’inventifs. Par exemple, un "réseau" de cireurs de chaussures qui s’arrange pour jeter de la merde sur les chaussures de touristes juste avant qu’ils ne passent devant… un cireur de chaussure. Tout ça nous fait beaucoup rire… mais la vie ne doit pas être rose tous les jours pour en arriver à faire ce genre de trucs.

Ce n’est qu’à la fin de notre séjour, en revenant à Delhi deux jours avant la date de notre retour pour Paris, que nous aurons appris à maîtriser les petites escroqueries de la capitale : toujours déterminer le prix d’une course en rickshaw ou en taxi avant de monter, et insister pour qu’il vous amène dans un hôtel dont il vous donnera le tarif avant même de démarrer. Nous passerons les deux dernières nuits dans un hôtel trois étoiles pour 50 francs.

Le jour même de notre arrivée, après trois ou quatre heures de sommeil, nous prenons le chemin de la gare afin d’acheter nos billets pour les Himalaya. Marcher dans la gare de New Delhi est une expérience en soi, en particulier en mai, à l’époque où de nombreux commerçants et fonctionnaires prennent leurs quelques jours de vacances annuels. La gare est immense, des trains partent pour toutes les destinations. En face de l’énorme tableau des horaires, nous voyons des familles en vacances, des vendeurs de Kulfi (glace), des vendeurs de trucs et de machins, des familles entières sans abri avec les enfants endormis dans diverses positions au beau milieu de la gare bondée… Et le bruit, les voitures, les klaxons, les voix, les cris… Nous décidons de prendre des tickets de troisième classe, convaincus que c’est là que nous discuterons le plus facilement. Par la fenêtre du train, je vois déjà des gens qui travaillent dans les champs. Des tas de vaches qui ont l’air aussi heureuses qu’une vache peut en avoir l’air… Nous sommes assis en face d’un jeune couple qui a l’air très amoureux : la femme porte un superbe sari vert et l’homme porte le pantalon à pinces et la chemise que tous les Indiens semblent porter. Ils nous posent des questions sur notre destination et cette conversation est notre premier contact avec la magnifique convivialité indienne.

Nous prenons la correspondance à Kalka, avec un train de montagne plus petit, plus étroit et beaucoup plus bondé. Nous disons au revoir au jeune couple et nous essayons de trouver le bon wagon. Nous abandonnons rapidement cette recherche et nous entrons dans le premier wagon avant que le train ne démarre. Nous sommes parmi les derniers à monter, et il ne reste plus de sièges libres. Nous sommes compressés comme des sardines, mais c’est la situation idéale pour entamer la conversation ! Il y a deux familles dans le wagon : en tout, trente personnes (et le wagon est clairement prévu pour quinze au maximum). Les grands-parents, les parents, les enfants, les cousins, les oncles… tous partent en vacances pour échapper à la chaleur étouffante de Delhi. Prendre le train pour Shimla est une super expérience : au cours de ces quelques jours de congés annuels, les gens sont là pour se faire plaisir. Shobda, une fille qui parle bien anglais, me propose de partager son siège. Je prends des photos de la famille lors d’un des nombreux arrêts.

Le train monte doucement le long des pentes des Himalaya, il fait plus frais et la verdure abonde ; nous traversons des champs en terrasse et nous croisons des vols de perroquets verts. Le train met trois heures de plus que prévu, mais le voyage est mémorable et les gens adorables. Quand nous arrivons à Shimla, il fait nuit. Un type nous branche : il dit connaître un bon hôtel et nous propose un prix intéressant. Nous le suivons pendant une demi-heure à pied avant d’arriver à bon port. Enfin, nous pouvons manger, prendre une douche et nous mettre au lit (après avoir passé treize heures dans le train, ça fait du bien). Coup de bol, il y a une télé. On en profite pour s’imprégner de culture indienne : un bon film bien typique et un concert Qawaali. La télé indienne n’est pas si différente de la nôtre : des films, des clips, des débats, des feuilletons et des émissions de cuisine. La musique est vraiment présente : il y a des tonnes de concerts et les films sont pratiquement tous des comédies musicales. On est aussi agréablement surpris de la prédominance de la musique indienne : la culture américaine n’a pas véritablement réussi à s’imposer. Même MTV, après plusieurs années de forcing, s’est vue obligée de s’aligner sur son équivalente indienne ZEE TV. Désormais, MTV passe énormément d’hindipop (avec malgré tout quelques tubes planétaires à la Céline Dion, All Saints, etc.). Cette résistance n’est pourtant en rien agressive ; elle est en fait assez rafraîchissante. Seuls les énormes blockbusters comme Titanic parviennent à s’imposer, et partout où la culture occidentale est effectivement présente, c’est toujours à la sauce indienne.

En nous promenant dans Shimla, nous apprenons que c’était autrefois un point d’ancrage de la colonisation… vraiment bizarre ce mélange de maisons indiennes et de bâtiments qu’on pourrait retrouver dans l’Angleterre la plus profonde. L’influence coloniale se fait sentir un peu partout où nous passons, mais personne ne semble aigri à ce sujet. On pourrait pourtant s’y attendre, en particulier à Shimla, où les "indigènes" n’étaient pas admis à l’époque coloniale. Au contraire, nous sommes toujours chaleureusement accueillis, et tout le monde veut savoir ce que tu fais dans la vie, où tu as été, où tu vas, si tu aimes le pays… J’ai du mal à imaginer le même type d’attitude envers des touristes indiens dans un pays d’Europe… Autre particularité : tout le monde veut que tu le prennes en photo, être pris en photo avec toi, toi avec son pote, l’autre pote avec toi et le premier, les deux sans toi, toi tout seul… C’est un peu le rêve au début, les contacts sont très faciles, et on a l’impression d’être une énorme vedette, mais au bout d’un moment, on a un peu le sentiment de gaspiller de la pellicule.

En fin de journée, nous montons au temple de Jakhu (45 minutes avec pause respiration toutes les trois minutes). Nous rencontrons un jeune couple de Jaipur avec leur petite fille, et nous restons ensemble pendant toute la montée. Pendant une pause, un singe saute sur Stéphane pour lui piquer son sandwich… Le couple nous explique qu’il suffit de menacer un singe avec une pierre pour qu’il te laisse tranquille. Mais il ne faut surtout pas la lui lancer, sinon, il la reprend et te la rebalance dessus ! Il y a des singes un peu partout dans la ville, et encore plus aux alentours du temple. Ils ont trouvé un moyen facile de se procurer de la nourriture en la piquant aux gens grâce à leur rapidité. Les touristes, peu habitués, sont des cibles faciles.

Après quelques jours à Shimla, nous prenons le bus pour Manikaran. C’est une petite ville de pélerinage pour les Sikhs, située assez haut dans les montagnes. En arrivant, nous trouvons un gîte vraiment pas cher, avec en prime une piscine d’eau chaude, car des sources naturellement chaudes coulent par ici ! C’est un petit paradis.

Quand nous reprenons le bus de Manikaran, pour redescendre la montagne, il est presque plein. Après quelques secondes, nous constatons que le chauffeur est cinglé : à chaque fois que la route s’élargit un tant soit peu, il écrase la pédale d’accélérateur et fait dévaler le bus à grande vitesse, tout en tapant la discute avec son copain. Son t-shirt de Nirvana et son air vaguement psychopathe auraient dû nous mettre la puce à l’oreille. Trop tard ! Nous nous accrochons au siège en tentant désespérément de garder l’air désinvolte, persuadés que nous allons périr projetés dans un ravin de 600 mètres. Au contraire, les passagers indiens vaquent tranquillement à leurs occupations : nourrir le bébé, discuter ou dormir. A la descente du bus, je remercie le ciel d’avoir été épargnée.


A Jari, nous descendons dans le but de marcher jusqu’au village de Malana, situé 15 km plus haut et seulement accessible à pied (car les chemins sont aussi étroits qu’escarpés). D’après le guide, c’est un village où le système des castes est si strict que les individus de caste inférieure n’ont pas le droit de toucher les personnes de caste supérieure. Et comme les Occidentaux ne sont d’aucune caste, ils n’ont le droit de toucher personne dans le village, ni de toucher leurs possessions. Dans la pratique, ça se traduit par le fait qu’on ne peut pas s’appuyer contre un mur ou s’asseoir n’importe où. ça veut aussi dire que chez les commerçants, il faut poser le billet sur le comptoir, sans toucher, pour que le commerçant puisse le prendre : aucun contact physique. Comme ça attire pas mal de routards curieux, le village a mis en place un système d’amende pour quiconque toucherait quelque chose dans le village : un bon moyen de faire rentrer de l’argent sans se fatiguer ! Nous décidons donc d’aller voir ça de nos yeux.

Au bout de quelques kilomètres de marche sous le soleil, je m’écroule de fatigue au bord du petit chemin de montagne. Un homme jeune passe devant nous et engage la conversation. Nathu parle bien l’anglais et il est très amical. ça a l’air de beaucoup le faire rire de nous voir escalader la montagne avec nos énormes sacs à dos. Il nous propose de rester la nuit chez lui dans le petit village de Chowki, à mi-chemin. Nous finissons en fait par rester plusieurs jours. Nathu et Alia ont trois enfants. A l’évidence, ils sont d’une caste assez élevée, et la famille de Nathu et très respectée dans le village. Quand sa mère leur rend visite, tout le monde est très respectueux et lui touche les pieds comme le veut la tradition. Rapidement, Nathu est obligé de partir avec les autres hommes du village car deux jeunes sont récemment tombés dans la fleuve. Il ne revient que tard le soir, après une longue journée de recherche. Entre Kullu et Manikaran, la rivière passe effectivement près de Chowki. Le courant est extrêmement puissant et si on tombe à l’eau, on n’a aucune chance d’en réchapper. Nous restons donc seuls avec Alia et les enfants qui doivent aller à l’école puis travailler à la ferme. Ils sont pleins d’une joie de vivre qui donne la pêche. Alia est très timide au début, et elle met un point d’honneur à nous amener une tasse de thé toutes les heures. Nous passons la journée à boire du thé, à sortir les vaches, à trier les haricots avec les gosses, à faire la sieste, à discuter et à manger. La cuisine indienne est assez sophistiquée dans les villes, et plus simple à la campagne. Dans les deux cas, elle est souvent excellente et toujours épicée ! Il y a une grande diversité de produits et de modes de préparation, mais au début, les subtilités sont difficiles à remarquer vu la quantité d’épices utilisées. A la campagne, on mange beaucoup de riz et de haricots avec des chapatis (galettes). On mange avec les doigts, ce qui est un réel plaisir, et de retour en France, je regrette un peu de retrouver les couverts…

Les soirées sont tranquilles à Chowki. La maison de Nathu est très grande (même si toute la famille dort dans la même chambre), avec un balcon sur toute la partie supérieure. On mange dehors, en écoutant le vent et les insectes. Nathu est charmant, et il a toujours plein de blagues et d’histoires à raconter. Un soir, il nous explique qu’il pense prendre une deuxième femme, parce qu’Alia n’arrête pas de le lui demander. Elle dit que ce serait bien mieux : elles pourraient se partager le travail et elle n’aurait pas à supporter Nathu toute seule. C’est une logique…

Nathu nous parle de son service militaire au Cachemire (où les problèmes ethnico-religieux et les velléités d’indépendance rendent la situation très explosive – le Cachemire est d’ailleurs particulièrement déconseillé aux touristes), de "babas" (sortes de religieux errants) qui gagnent leur vie en démontrant leur capacité à soulever des pierres à la force de la bistouquette, du système des castes…

Stéphane décide finalement de monter à Malana, mais je préfère rester chez Nathu. Il part donc escalader pour deux jours. A son retour, épuisé, il me fait une petite description : les villageois ont tous l’air un peu éteints, un peu consanguins, et en tout cas pas très accueillants. Tout le monde semble passer son temps à fumer de la marijuana, y compris les enfants… La ganja pousse naturellement et il y en a partout. Du coup, la région pullule de hippies européens, bien décidés à passer le reste de leur vie à fumer. Tout en roulant une cigarette améliorée avec une huile particulièrement concentrée, Nathu dit que les gens de Malana sont "mauvais". Stéphane tire une bouffée de la cigarette et s’endort immédiatement. Lorsqu’il se réveille, il est temps de bouger. C’est avec le coeur serré et une petite (toute petite) larme à l’oeil qu’on descend la vallée pour prendre notre bus.

Nous prenons la route pour Haridwar dans l’état de l’Uttar Pradesh, et nous rencontrons quelques Occidentaux à différents endroits. Tout le monde voyage à sa façon. Il y a des voyageurs de luxe, des voyageurs petit budget, des voyageurs en groupe, des voyageurs solitaires. Des voyageurs qui vont en Inde pour la drogue, parce que tout est bon marché, pour glander, ou pour trouver la paix intérieure. Dans l’ensemble, tout le monde est très amical.

Haridwar est située au bord du Gange : c’est l’une des cités sacrées de l’Inde. Nous suivons une sorte de circuit de temples hindous qui fait un peu penser à un parc d’attraction. C’est le kitsch à l’indienne : les icônes religieuses sont des automates aux bras et aux jambes mobiles, et des scènes animées représentent différents événements de la mythologie. Il y a un temple pour chaque dieu, et nous suivons le mouvement à travers de multiples petits couloirs et tunnels spécialement aménagés pour ce parcours initiatique.

L’expérience est amusante, mais nous ne comprenons pas bien le fil de l’histoire… Une famille entreprend de nous expliquer chaque scène à mesure que nous progressons. Comme nous parlons très mal l’hindi et qu’eux ne parlent pas très bien l’anglais, la conversation est un peu laborieuse, mais on finit par y arriver.

Le plus beau spectacle reste à venir. Tous les soirs de l’année, des dizaines de milliers de pèlerins se réunissent sur les berges du Gange pour la fête du Har-ki-pairi : la ville est considérée comme "la porte des dieux", et se baigner ici est un moment important dans la vie d’un Hindou. La quantité de monde est impressionnante et il y a des centaines de "sadhu" avec leurs vêtements oranges. Nous sommes à peu près les seuls étrangers. Des milliers de torches illuminent la nuit. Les gens font des offrandes au fleuve sacré : une grosse feuille fait office de coquille de noix ; elle contient des fleurs et une petite bougie, et des centaines de flammes descendent le fleuve. L’ambiance est très agréable, il y a de la musique, les gens chantent et se baignent dans les eaux du Gange. Le courant est si fort que les baigneurs sont obligés de s’attacher à la rive avec une corde pour ne pas être emportés. Ils vivent ce moment avec bonheur. C’est la fête. La religion dans ce contexte est vraiment joyeuse : les Indiens savent s’y prendre pour vous faire aimer leurs dieux !

C’est plus où moins comme ça que notre voyage se termine. Un dernier trajet en bus vers la chaleur étouffante de Delhi. On se réconcilie avec la ville en trouvant des petites rues pleines de vie, très loin de l’image qu’on s’en était faite au début. Comme nous y sommes entrés, nous quittons maintenant l’Inde, chargés d’objets et de souvenirs, de rencontres diverses et variées. En rickshaw cette fois-ci. Les ronds-points nous font encore fermer les yeux et prier, les panneaux de signalisation " Relax " nous font rire… nous repartons pour la France, et j’ai déjà envie de retourner en Inde.