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L'Oeil électrique #15 |

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Nosaka Akiyuki : La Tombe des lucioles
1967, Picquier poche
Traduit du japonais par Patrick De Vos.

En publiant, en 1967, La Tombe des lucioles, le jeune Nosaka Akiyuki acquiert la célébrité en se voyant décerner le plus prestigieux prix littéraire japonais : le prix Naoki. Trois ans plus tôt, l'écrivain Mishima Yukio avait loué son premier roman, Les Pornographes, révélant ainsi le nom de Nosaka au grand public japonais. Avec La Tombe des lucioles, Nosaka choisit de revenir sur un événement marquant de son existence, que le livre relate d'une manière autobiographique teintée de romanesque. Il conte en effet l'histoire d'un jeune garçon de quatorze ans, Seita, et de sa petite sœur Setsuko, devenus orphelins à la suite d'un bombardement sur Kôbe, en 1945, qui fut fatal à leur mère. Nous suivons ces deux enfants, tandis que leur situation se dégrade inexorablement et qu'ils s'éloignent de plus en plus de la société humaine pour se réfugier dans un univers imaginaire moins cruel… jusqu'à leur fin tragique. La véritable histoire de Nosaka est sensiblement différente : ce n'est pas sa mère qu'il a perdue au cours du bombardement de Kôbe mais sa mère adoptive. Et la petite sœur est dans la réalité une sœur adoptive. Mais le traumatisme provoqué par cette perte n'est pas moins grand, de même que la culpabilité d'avoir survécu sans avoir pu sauver sa sœur. Il est à ce titre fort éloquent que Nosaka, bien qu'ayant survécu à la guerre, tue le personnage de Seita qui le représente, comme pour se reprocher de n'avoir pas su sauver sa propre sœur. Mais en tentant d'exorciser son propre passé, c'est également celui de son pays qu'il met en cause, s'adressant à la mauvaise conscience du Japon des années 60 - celui des survivants - avec lequel il se montre intraitable. En racontant d'une manière très crue le martyre puis la mort de deux enfants innocents, Nosaka réalise un saisissant pamphlet contre la guerre, en même temps qu'une critique sans concession d'une société perdue. La mort de la petite sœur survient en effet symboliquement au moment où l'électricité revient dans la ville après des mois d'interruption et que la vie normale commence déjà à reprendre son cours - un détail absolument pas anodin comme le soulignera un jour l'auteur lui-même lors d'une interview. Nosaka rappelle ainsi aux mémoires défaillantes le prix qu'il a fallu payer pour signer le retour à la paix. Livre bouleversant, doté d'un style flamboyant martyrisant la syntaxe et la ponctuation avec bonheur, La Tombe des lucioles ne raconte finalement pas autre chose que la perte de l'innocence d'une société et le deuil impossible de cette perte.

Note : La tombe des lucioles s'est vu adapté au cinéma en 1988, sous la forme d'un dessin animé intitulé en français Le Tombeau des lucioles et réalisé par le grand cinéaste japonais Takahata Isao.

EXTRAIT

Mais déjà la faim n'était plus, la soif n'était plus, la tête pendait lourdement sur la poitrine, "Pouah, c'est dégueulasse", "P'têt ben qu'il est mort", "Quelle honte, laisser traîner ça dans la gare, alors qu'les Américains peuvent arriver d'une minute à l'autre", ses oreilles qui seules tenaient encore à la vie pouvaient distinguer toute une variété de bruits, la nuit, quand tout retournait subitement au silence : des geta résonnant dans le hall, le grondement du train passant au-dessus de sa tête, des pas s'élançant soudainement, la voix d'un petit gosse : "Mamaaan !", ou celle d'un homme, là tout près de lui, qui parle entre ses dents, le bruit des seaux d'eau déversés à toute volée par les employés de la gare, "Quel jour qu'c'est aujourd'hui ?", oui, quel jour ça pouvait-y bien être, combien d'temps qu'il était là ? dans une lueur de conscience il vit le sol en béton juste sous ses yeux, sans pour autant s'apercevoir qu'il gisait sur le côté dans une posture identique à celle qu'il avait quand il était assis, le corps plié en deux, les yeux obstinément fixés sur la fine couche de poussière qui, à la surface du sol, frémissait au rythme de sa faible respiration, et se demandant seulement "quel jour qu'y peut être, quel jour qu'c'est ?", Seita expira...