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L'Oeil électrique #10 |

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4livres

Pétrone : Le Satiricon
1, Gallimard
Traduit du latin par Pierre Grimal.

Par Hercule, voilà un livre à "tenir la couille de Jupiter" ! Fi de la culture romaine ennuyeuse, inculquée avec son cortège de déclinaisons, d'histoires de Luculus au forum et autres Sinius au marché. Ici commencent les tribulations de deux étudiants, Encolpe et Ascylte, qui, au gré des rencontres, traînent de fêtes en orgies à l'entrée desquelles des pancartes menacent : "Attention, chien méchant !"
Pétrone, auteur romain du premier siècle (qui fut un temps organisateur des fêtes de l'empereur Néron et sa Cour) nous entraîne dans un monde sens dessus dessous. Le désordre progresse à mesure que des convives se goinfrent des mets les plus délicats et monstrueux à la fois : œufs de paon couvés par des poules, vulves de truies stériles, mottes de gazon détachées sur rayon de miel, lièvres emplumés. Le monde se détraque !
Car derrière le délire grotesque se cache une critique acérée de l'humain. De grands enfants en pleine régression (anale, alimentaire, sexuelle et verbale) se disputent à coups de jurons débiles : "oignons frisés", "chair à corbeaux", "renard mouillé", "truffe"… On passe des larmes aux rires, de la cruauté à un attendrissement puéril, le temps d'un claquement de doigts ou de la chute d'un malheureux. Ces hommes et ces femmes "se démènent comme des souris dans des pots de chambre", à la merci les uns des autres qu'ils soient maîtres, esclaves ou lettrés. Courant toujours après leurs désirs, c'est à leur propre finitude qu'ils mordent la queue. La mort rôde sous forme de squelette d'argent, de duels, de tortures ou de simulacres de funérailles. Au bord de l'ennui, cette société de notables et de parvenus se dissout dans l'excès jusqu'à sa perte.
C'est là le génie de Pétrone qui, à partir d'une farce colorée, touche la misère de la condition humaine. Ce texte ne vieillit pas d'un pouce, donne à voir, à rire et à penser. Et par Vulcain, avec cette description assassine des self-made-men de l'époque, il y a de quoi se délecter. Ça croustille sous la dent !

Lise Pinoit.

EXTRAIT

Cela dura jusqu'au moment où entrèrent des serviteurs qui disposèrent sur les coussins des lits de housses sur lesquelles étaient brodés des filets et des chasseurs à l'affût, avec leurs épieux, ainsi que tout l'appareil de la chasse. Nous ne savions pas encore qu'en penser lorsque, au dehors, s'élève un cri immense, et voici les chiens de Laconie qui, par-dessus le marché, se mettent à courir en tous sens autour de la table. Ils furent suivis par un surtout où était posé un sanglier de très grande taille, coiffé, de plus, d'un bonnet d'affranchi ; à ses défenses étaient accrochées deux petites corbeilles en palmes séchées, l'une pleine de dattes fraîches, l'autre de dattes sèches. Tout autour des marcassins de pâtisserie semblaient suspendus à ses tétines, indiquant que l'on nous servait une laie. On nous les donna en présents à emporter. Toutefois, pour découper le sanglier, on ne vit pas venir le "Découpe" qui avait mis en pièces les volailles, mais un immense barbu avec des bandes molletières, vêtu d'une veste de chasse damassée ; il sortit son couteau de chasse et frappa fortement le ventre du sanglier : de l'ouverture s'envolèrent des grives. Il y avait là des oiseleurs tout prêts avec leurs roseaux, qui eurent vite fait d'attraper les oiseaux voltigeant à travers la salle à manger.

* L'œuvre de Pétrone a connu une seconde vie grâce à la sublime adaptation de Fellini en 1969, sous le titre Fellini Satyricon.