Jacques Faton : Du coq à l’âme
Amok éditions, 104 pages, 95 francs

Un homme accueille chez lui un exilé et lui fait découvrir Erasme de Rotterdam, (auteur de l'Eloge de la folie, ouvrage dans lequel Erasme ironise sur les puissants de son siècle). Benjamin, l'exilé, lui raconte une pratique d'Afrique de l'Ouest où l'humour et l'ironie permettent de désamorcer les conflits entre ethnies rivales. Cette pratique ancestrale, appelée la parenté à plaisanterie, nous permet de suivre ces deux hommes, dans un livre où conte et documentaire se côtoient. Ponctué de témoignages aussi bien d'anthropologues que d'artistes, de pompistes ou d'enseignants du Sénégal et du Burkina Faso, le livre de Jacques Faton est un patchwork surprenant mais très réussi de croquis, d'images tirées d'une vidéo et de textes. On se laisse bercer par ces histoires où le tragique semble parfois être évité de justesse par un sens de l'absurde extrêmement maîtrisé. Occasion de dialogues mais aussi exutoire des frustrations quotidiennes, la parenté à plaisanterie est la surenchère dans l'humour : le premier qui se fâche a perdu. Au sein même d'un couple appartenant à deux ethnies différentes, la parenté à plaisanterie permet aussi d'éviter le conflit. Elle est "maasir", la manière d'affadir les choses lorsqu'elles sont trop pimentées, lorsque la colère guette. Ce beau livre au graphisme soigné et au papier agréable au touché, est une rencontre entre deux cultures ; un conte moral où l'humour, au nord comme au sud reste le meilleur moyen pour prendre du recul et comprendre les autres.
Il est aussi du point de vue éditorial un savoureux mélange de genres, de styles et d'écritures. Les éditions Amok revendiquent avec brio une esthétique de l'objet livre : ici, les dessins, photos ou textes forment un tout. Le dosage est précis pour une cohésion globale où aucun élément n'en annule un autre.