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L'Oeil électrique #12 |

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4livres

Andorra : Max Frisch
1961, NRF Gallimard
Traduit de l’allemand par Armand Jacob.

Attention, ici, Max Frisch, montagne de la littérature suisse et "patriote critique résidant volontiers à l'étranger", démonte pièce par pièce le mécanisme de l'exclusion : Andorra ou l'univers passionnant du quotidien, des petites lâchetés et compromissions, qui font, en des temps extraordinaires, les grands crimes. Andorra est un petit pays tranquille, entouré de puissants Etats. A la veille de la Saint-Georges, les braves gens y blanchissent les murs de leurs façades. Peine perdue vus l'orage et la pluie de sang qui se préparent. Car Andorra est aussi le théâtre d'une tragédie. Dès les premières lignes, la corde se noue autour du cou d'un jeune homme que la bêtise désigne comme victime. Un poteau se dresse dans l'indifférence et, à mesure que les fantasmes d'une menace extérieure gonflent, le nœud se resserre. Dans ce pays, où commerçants fanfarons et autres quidams prononcent "Andoraaaaaaa" quand ils se font tâter du dos de la cuiller la gorge par leur médecin, Andri, amoureux de la musique et de Barbeline sa sœur, fait tache. D'autant plus que la population le croit israélite. Dans cette pièce, Max Frisch présente une "maquette" de l'humanité. Par leurs insinuations et autres préjugés du même acabit, les gens contraignent Andri à endosser une identité qui n'est pas la sienne. Ils lui taillent un rôle sur mesure, qui, quelle que soit son attitude, le rattrape, le déchire et enfin le tue. Dans cette pièce désespérée et désespérante, on constate avec effroi que tout se répète. L'introspection des protagonistes, conviés à s'expliquer sur le devant de la scène, se limite à la reconnaissance de la responsabilité… de la victime. Bel effort ! Pour autant, Andorra n'est pas le théâtre de la résignation : c'est une condamnation de l'ordre établi et une invitation au soulèvement. C'est de l'abandon des idéaux qu'est né le drame. Si les parents d'Andri avaient résisté, peut-être… Voilà la force lumineuse de cette histoire, qui redonne aux êtres humains toute leur place dans les événements qui les secouent. Alors en dévorant ces pages émouvantes, on ne désire qu'une chose : qu'un jour Andorra se joue près de chez nous !

Lise Pinoit.

EXTRAIT

Cet extrait se situe dans le 1er tableau de cette pièce qui en compte 12. Les Andorriens se préparent pour la fête de Saint-Georges, qui est leur fête nationale.

Entre un prêtre poussant une bicyclette

Le prêtre
Voilà qui est bien, Barbeline, voilà qui est vraiment bien. Nous aurons une Andorra toute blanche, oui, vierges sages, une Andorra blanche comme neige, pourvu qu'il ne pleuve pas cette nuit. (rire du soldat.) Ton père n'est pas chez lui ?

Le soldat
Pourvu qu'il ne pleuve pas cette nuit ! Faut dire que son église est pas si blanche qu'elle voudrait s'en donner l'air, on s'en est bien aperçu. Faut dire qu'elle n'a que des murs de terre toute rouge, et sitôt qu'il arrive une pluie, ça te fait dégouliner la peinture comme si on venait d'y saigner un cochon, sur la belle peinture toute blanche de leur église blanche comme neige. (Il étend la main comme pour voir s'il ne pleut pas.) Pourvu qu'il ne pleuve pas cette nuit.

Il rit et s'éclipse.

Le prêtre
Qu'est-ce qu'il venait faire ici ?

Barbeline
C'est vrai, monsieur le curé, ce que les gens racontent ? Qu'ils vont nous attaquer, les Casaques Noires de là-bas, parce qu'ils sont jaloux de nos maisons toutes blanches ? Un matin, sur le coup de quatre heures, ils viendront avec mille tanks noirs qui rouleront à travers nos champs, et ils descendront du ciel avec des parachutes, comme un vol de sauterelles grises.