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L'Oeil électrique #12 |

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4livres

Maurice G. Dantec : Babylon Babies
1999, Gallimard/ La Noire

Le métier et la condition de Toorop n'ont rien de facile dans cette deuxième décennie du 21e siècle. Mercenaire, convoyeur de personnes et de biens, intermédiaire, Toorop migre à travers le globe depuis presque 30 ans au gré des conflits et des missions. Combattant spectateur d'un monde qui mute, au deux sens du terme, ce personnage témoin (à défaut d'être un Héros) du roman de Maurice G. Dantec s'évertue à suivre le fil d'une planète qui va vite et plutôt mal. Il est loin le temps où, muni d'un AK47, L'art de la guerre de Sun Tzu en poche, on pouvait encore se frayer un chemin dans ce deuxième millénaire finissant, au cours de rencontres, guerres, putschs et autres "événements" mondiaux. De Sarajevo à Pékin, de Mostar au Kazakhstan, de Grosny aux plaines sibériennes, Toorop, avec de plus en plus de difficultés, s'efforce d'assumer son statut d'étranger planétaire. En 2013, on ne vient pas d'un pays, on a des origines, derniers sémaphores vacillants. Dans ce monde, l'exil, involontaire ou choisi, est l'unique moyen, au pire, de survivre, au mieux, de travailler. L'émigré migrateur Toorop se voit confier un ultime convoyage jusqu'à Montréal. Ce séjour apocalyptique confirmera Toorop dans ses réflexions géographiques : où que l'on aille, le meilleur n'est ni derrière ni devant nous, il faut le saisir quand il passe.
A la différence de bon nombre d'écrivains issus du roman noir, Dantec revendique le refus d'un militantisme de gauche démonstratif. Son écriture fournie décrit le monde, constate les connexions interplanétaires de l'underground mafieux, raconte le présent et prospecte un futur déjà si familier sans prendre directement parti. Le lecteur se retrouve dans la position déstabilisante mais salubre, de ne plus laisser l'auteur lui dicter une quelconque vérité. C'est aussi le statut de Toorop dans ce livre, qui comprend que plus rien, ni les gens ni les choses, dans ce futur-là, n'ont de place attitrée sur la terre. Telle est l'une des nombreuses et foisonnantes pistes de ce livre de politique-fiction : il ne suffira bientôt plus de se dire étranger ou autochtone ; l'être humain, s'il veut le rester, se doit d'être un migrateur à la recherche d'une terre hospitalière.
Dantec a quitté la France pour vivre et écrire au Québec.

EXTRAIT

Il faisait une putain de chaleur, le bordel régnait dans toute la région, et le colonel Romanenko contemplait son nouveau problème. Un problème qui n'avait pas eu le tact d'attendre que les cendres de l'armée de Shabbazz soient refroidies. Le matin même, Moscou lui avait fait connaître sèchement son désappointement concernant la situation chez les Ouïgours, et depuis il avait l'impression de danser sur la lave toute chaude sortie d'un volcan. Tout imprévu menaçait de l'y précipiter tout vif.
Romanenko jeta un coup d'œil aussi glacial que possible en direction de la masse enfoncée dans un fauteuil au fond de la pièce et qui s'épongeait le front en continu, poussa un soupir puis détailla le problème avec méthode.
Il attrapa machinalement un gros stylo Cartier posé sur le bureau impeccable, le tripota un instant entre ses mains, les deux coudes posés sur son sous-main de cuir. Le cylindre de platine vint se superposer à un sweat-shirt informe qui recouvrait une charpente menue en cachant des formes qu'il devinait agréablement féminines. Il étalonna un visage en triangle ouvert sur un front haut, soulignant d'une flèche métallique les yeux d'un bleu sombre, ouverts sur des abysses insondables.
Occidentale, se dit Romanenko en reposant le stylo, mais elle aurait presque pu passer pour une Sibérienne de souche. Quelque chose… Bizarre, comme de lointaines racines arctiques.
Romanenko jeta un coup d'œil vers l'homme au fond de la pièce, fondant sur place comme une motte de beurre au soleil, et réprima un mauvais sourire. La transpiration était pour lui un phénomène quasiment inconnu. La mauvaise clim chinoise fonctionnait mal depuis son installation, ça remontait à l'époque de la rétrocession de Hong Kong, il était le seul à n'avoir jamais fait la moindre remarque à ce sujet.
Le bilan de la situation était d'une simplicité déconcertante : Gorsky le tenait solidement par les burnes.