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L'Oeil électrique #13 |

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4livres

Mikhaïl Boulgakof : Le Maître et Marguerite
1968, Robert Laffont (Pocket)

Ah ! Douleur... Douleur de terminer si belle œuvre. Comme toujours, lorsqu'un roman subordonne le quotidien à sa réalité propre, qu'il s'impose telle une stupéfiante tyrannie parmi les heures courantes et envahit les pensées… ô combien mélancoliques furent les minutes finales.
Le médecin de campagne M. Boulgakof vécut la fin de sa vie pour ce livre, pour sa femme aussi (le devine-t-on à la lecture) ; à tout le moins il donna l'essence même de la force vitale (il clôt son roman en mourant) à l'achèvement de cette épopée insoupçonnable, irréductible à quelques mots, si puissante que le souffle manque encore des heures après la fin. Tout entier, ce roman évoque, sur trois jours infernaux, la vocation de l'esprit à renouveler ou saborder son univers. D'une élaboration enchevêtrée, l'ouvrage décline, conjointement, un certain regard biographique (volontairement allusif) et une réflexion poétique, fantastique nouant à l'industrie du mal, les vanités et déboires humains que l'auteur put connaître, suite à telle ou telle publication, sous Staline : ère de planification littéraire. L'érudition de l'écrivain, déployée par une plume simple, fournie, ironique et dansante, subjugue mais n'assomme pas ; le talent de Boulgakof impitoyablement réprimé, censuré et critiqué (ce livre ne sera publié qu'après sa mort) renvoie aux plus grands littérateurs russes du XIXe, qu'il honore à chaque instant, comme autant de paternités ; l'exhortation qu'il s'adresse (au travers de cette œuvre, particulièrement), humble et subtile, provient de ce legs harassant.
L'histoire quant à elle, immensément humaine, quoique mythologique, suit l'activité du Malin, de sa suite goguenarde et de leurs victimes aussi effroyables ou splendides que la ténébreuse cohorte qui sème la zizanie dans Moscou. Le Maître doit rester un secret, Marguerite est, à jamais, Marguerite, enfin Ponce Pilate, Yeshoua ou Matthieu Levi deviennent les inventions, les formules de la recherche de tout homme, auprès de son âme, la recherche de l'affranchissement.
Il s'agit pour Boulgakof d'explorer le génie de l'immortalité.

EXTRAIT

ô Dieux, Dieux ! comme la terre est triste, le soir ! Que de mystères, dans les brouillards qui flottent sur les marais ! Celui qui a erré dans ces brouillards, celui qui a beaucoup souffert avant de mourir, celui qui a volé au-dessus de cette terre en portant un fardeau trop lourd, celui-là sait ! celui-là sait, qui est fatigué. Et c'est sans regret, alors, qu'il quitte les brumes de cette terre, ses rivières et ses étangs, qu'il s'abandonne d'un cœur léger entre les mains de la mort, sachant qu'elle - et elle seule - lui apportera la paix.
[...]
La nuit se fit plus dense, ses ténèbres roulèrent côte à côte avec les cavaliers, happèrent les manteaux, les arrachèrent des épaules, et révélèrent les déguisements. Et quand Marguerite, rafraîchie par le vent, ouvrit les yeux, elle put voir quels changements étaient survenus dans l'aspect de ceux qui volaient autour d'elle, chacun vers son but. Quand, par-delà la crête lointaine d'une forêt, le disque pourpre de la lune monta à leur rencontre, tous les faux-semblants avaient disparu, éparpillés dans les marais, les oripeaux fugaces de la sorcellerie s'étaient noyés dans le brouillard.