Dupain : L’Usina La formule "tradition + modernité" donne facilement lieu à d'innommables bouillies. L'association du "terroir" et de l'électronique ressemble en effet bien trop souvent à un fétide recette de maison de disques pour ratisser le plus large possible et toucher le jackpot chez "les jeunes et les moins jeunes". Aussi, à lire la biographie de Dupain, c'est avec une certaine perplexité qu'on peut mettre le disque dans le lecteur : un chanteur qui apprend spécialement l'occitan pour faire un groupe, un "brassage des rythmes traditionnels et des machines d'aujourd'hui", "roots electronica" (plus en option, les jeux de mots à trois francs : "Dupain sur les planches", "Dupain pour tous")… et pourquoi pas les "rythmes-du-soleil-fusionnent-avec-la-puissance-électronique-sur-les-bords-de-la-méditérannée" tant qu'on y est ? Au moment d'appuyer sur Play, disais-je, on est donc vraiment sur le point de hurler sa haine en suppliant tous les communicants d'arrêter les frais. Mais, non : L'Usina envoie la purée sans sourciller grâce à la musique concentrique de la vielle à roue. La rythmique à la structure basique et aux multiples subtilités, la voix habitée, et cette langue occitane qu'on comprend vaguement sans tout saisir complètement… tout s'emboîte et provoque une sorte de fascination mêlée de tension et d'ivresse. Et, comme on ne comprend pas toutes les paroles, on ouvre le livret pour lire les traductions de textes d'auteurs occitans du début du siècle qui racontent la situation de la classe ouvrière. En 1895, Felip Mabilly écrit Uech Oras (Huit heures) : "Dien : Volètz rebondar la jornada, sensa que de la setmanada, l'argent siegue roigat d'un quart." ("Ils disent : Vous voulez raccourcir la journée, sans que de la semaine, l'argent soit rongé d'un quart.") - le Medef n'est décidément qu'une triste étiquette neuve pour cacher la même vieille escroquerie. Dupain, par contre, n'est pas une escroquerie. Dupain fait de la musique avec son cerveau, avec ses tripes et avec classe. |