Céline : Anthologie 1894-1961 Si le fait de lire Céline fut pour moi un choc (je parle ici du Voyage au bout de la nuit – 1932), entendre sa voix en fut un autre. A la fois tremblante et affirmative. Le souffle court, les mots sortant de sa bouche comme bousculés, il confirme s’il le fallait cette idée que le personnage est torturé, malheureux ; on l’entend affirmer sur l’une des quatre interviews gravées sur le disque, quant à savoir quelle fut sa plus grande joie : "Je n’en ai pas beaucoup [de joie], je ne suis pas un être de joie [...] j’avoue que je serai content quand je mourrai..." Outre ces entretiens, des lectures du Voyage… sont également proposées – interprétées par Michel Simon, puis par Pierre Brasseur, tandis qu’Arletty s’occupe de donner vie à trois textes tirés de Mort à Crédit (1936). Deux chansons (A nœud coulant et Règlement) écrites et interprétées par Céline lui-même, sont aussi jointes à l’enregistrement. Le tout formant ce superbe document sonore, indispensable et poignant : fascinant. Rien de ce qui concerne le personnage n’a été laissé de côté : son œuvre, son style, sa technique d’écriture, son cynisme ("Je travaille et les autres ne foutent rien."), son enfance, mais aussi son antisémitisme ; le disque aurait été incomplet si cette question n’avait pas été traitée. Céline tente de s’en expliquer, ne convainc pas, et conclut sur le sujet par un "Je n’avais qu’à me taire... mais je ne renie rien du tout." Le personnage fascine et insupporte à la fois… |