Alexandar Zograf : Bons Baisers de Serbie Opuscule au titre "jamesbondesque", Bon Baisers de Serbie est une œuvre graphique édifiante, riche, sombre et bien plus encore… qui fait singulièrement écho au témoignage livré par l'auteur dans un précédent recueil (intitulé E-mails de Pancevo ; voir l'œil électrique #9) concernant le conflit balkanique de 1999. Dans ce second volet, également en forme de témoignage sur "cette guerre très controversée", Alexandar Zograf dépeint avec dérision, sarcasme et peut-être l'énergie du désespoir, son quotidien durant neuf mois. "Tout ça semblait si irréel… comme si j'étais dans un film, que je me rende compte que je me suis trompé de film, sans même savoir comment je me suis retrouvé là." La folie est alors de toutes les pages de ce livret. On pénètre lentement, au fil de la trentaine de strips, dans un dédale d'hérésies et d'aberrations pouvant conduire n'importe lequel d'entre nous à devenir parano-schizo-hystérique. L'ironie est d'ailleurs portée à son comble lorsque l'auteur relate comment, entre bombardements, tremblements de terre et inondations, il se casse le bras lors d'un accident de vélo. D'un conflit à un autre, il met également en exergue les absurdités d'après-guerre, comme les affrontements entre opposants et partisans du régime ou les matchs de foot servant la propagande de celui-ci. De même qu'il porte un regard acéré sur cette atmosphère de compétition médiatique, à l'ère informationnelle où manipulation et désinformation firent de cette région du globe "le centre du monde". Et rappelle que "n'importe quel endroit pourrait devenir le centre du monde". L'idée du dessin de guerre comme moyen de notifier un événement me paraissait révolue puisque remplacée par la photo ou la télévision (quelle étroitesse d'esprit ! !). Mais avec Regards From Serbia (titre original), où il participe du travail de mémoire, Alexandar Zograf a sans nul doute rejoint, dans la lignée de Spiegelman ou de Khélif et Farès, la dimension du récit d'Histoire. |