Liam Davison : L’occupation selon Judith-Marie Ce livre conte le retour à la mémoire d'une femme vieillissante et pourtant l'amnésie guette le lecteur : les détails de l'histoire se noient dans le flou ; reste le goût des rencontres et d'une atmosphère qui vous colle à la peau. Le récit, porté par la métaphore omniprésente de l'eau, étouffe. L'eau visqueuse des sécrétions des corps et des âmes qui souffrent, pénètre partout. Nous croisons Judith-Marie, une lettre dans la poche, les yeux rivés sur le lac artificiel d'une station thermale alors que son histoire remonte à la surface. Cette cure est l'ultime pilule pour faire passer une souffrance lancinante, sous laquelle son corps plie ; voulue et entretenue, cette souffrance est une identité, la seule trace qu'elle tolère de son passé. La nier serait se trahir. Alors elle s'en accommode et se choisit volontairement un charlatan pour médecin. La force de ce roman réside dans ces jeux de cache-cache entre le conscient et l'inconscient qui, inexorablement, nous ramènent à nos propres expériences. Mais L'occupation selon Judith-Marie n'est pas qu'un roman pour psychanalyste en herbe. Bien ficelé, il présente en toile de fond les traces que laisse dans la vie d'un village et d'une immigrée australienne, l'époque des femmes tondues et de la honte. Cette excursion au pays confiné des lâchetés et des silences a ricoché sans cesse sur le sort de cette femme piégée. Avant qu'elle ne sorte la tête de l'eau… Lise Pinoit.
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