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L'Oeil électrique #18 |

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4livres

Hubert Selby Jr : La Geôle
1972, Albin Michel (10/18)
Traduit de l’américain par J. Lanturle.

Quelqu'un, quelque part, en prison. Comment connaître les raisons de son arrestation et raconter son histoire alors qu'il ne se passe rien entre ces quatre murs qui l'entourent, qu'il n'a personne à qui parler ? Suivre ses pensées et ses rêves éveillés. C'est exactement de cette façon que le lecteur tente de retracer ce qui est arrivé au personnage, en apprenant des détails sur son passé, grâce à des flash-back, et en découvrant la personnalité du détenu au gré des fantasmes de celui-ci : s'imaginant d'abord grand défenseur de milliers d'opprimés en utilisant son cas personnel pour faire jurisprudence et mettre un terme aux abus policiers, puis laissant libre cours à sa haine, devenant le bourreau des agents qui l'ont arrêté, inventant pour eux les pires supplices, se faisant ensuite son propre avocat, se défendant avec brio et mettant à mal cette arrestation pour suspicion. Et puis, il y a la prison, le présent, avec ce bouton qui lui fait mal et le ramène sans cesse à la réalité : cette cellule trop étroite sans jour ni nuit, dont est éradiquée toute notion de temps ; un truc à devenir dingue. La seule protection que trouve le prisonnier, ce sont ses rêves, mais il a tellement peu de contrôle sur le flot de ses pensées, que rapidement, tout part en vrille.
Selby frappe un grand coup avec La geôle et parfait sa description de l'horreur et de la violence ordinaire. Son choix de coller les dialogues, les pensées et les descriptions bout à bout, casse les standards narratifs : retour au simple, au cru, au vivant, autant sur le fond que dans la forme. Toute l'œuvre, bien qu'il ne soit pas très prolifique, demeure l'une des plus puissantes et virulentes de la littérature contemporaine : jamais, même au comble de l'indicible, Selby ne se permet de juger ses personnages.

EXTRAIT

Il avait conscience de l'obscurité et du silence qui régnaient dans le corridor. Il savait qu'il n'y verrait rien d'intéressant, pourtant il s'obstinait à regarder à travers le reflet de son visage dans la petite vitre. Le couloir n'avait guère plus de deux mètres de large mais il distinguait à peine le mur d'en face. Il lut les inscriptions sur les paniers de linge sale : chemises bleues, pantalons bleus, couvertures, serviettes de bain, essuie-mains. Pour lire les deux dernières il lui fallut se pencher de côté et appuyer son front à la vitre. Il lut de nouveau, de gauche à droite, d'abord du milieu de la vitre, puis en s'inclinant sur la gauche et en plissant les paupières pour la dernière inscription. Chemises, pantalons... Il aurait pu réciter sans peine. Il ferma les yeux. Essuie-mains, couvertures, serviettes de bain... Il ne se soucia pas de vérifier l'exactitude de l'énumération. Il était sûr de la connaître par cœur.
Il se détourna de la lourde porte fermée au verrou et se regarda dans le miroir au-dessus du lavabo. Parce que ses yeux étaient accoutumés à l'éclairage nocturne, il vit clairement son visage et distingua même une petite rougeur sur sa joue. Il se pencha en avant et la toucha du bout du doigt. Le début d'un bouton. Il le pinça légèrement puis abaissa sa main. A quoi bon s'en soucier ? Ce serait endolorir et marquer la peau. J'attendrai qu'il mûrisse... à moins qu'il ne disparaisse tout seul. Ça se pourrait, qui sait ? Il le toucha de nouveau du bout du doigt, puis cessa de tripoter ce bouton, recula un peu et considéra son visage en abaissant les paupières pour mieux ajuster son regard, et des rides froncèrent sa figure.