Jean Genet : Miracle de la rose Jean Genet : voleur et écrivain ; engagé aux côtés des Palestiniens dans leur lutte durant les années 70 ou dans celle des Black Panthers à la même époque. Véritable rebelle à la société, "votre monde", comme il le jette au
lecteur de manière provocante dans Miracle de la rose ou dans Journal d'un voleur. Enfant de l'Assistance publique, très tôt incarcéré en maison de correction, dans la légendaire Mettray qu'il évoque à la fois comme Enfer et Paradis perdu, Genet se définit peut-être avant tout comme celui qui est toujours "l'autre", ce qui explique ses engagements précédemment évoqués. Lorsqu'il se fait à nouveau incarcérer à la Prison de la Santé, il retrouve finalement un univers qui lui est familier, et même cher. Miracle de la rose raconte ce séjour : cellules, barreaux, latrines, matons, règlements de comptes ; tout l'univers carcéral est là, mais sublimé, transfiguré, car il est d'abord le lieu des amours, nombreuses et enivrantes, rituels masculins dont l'auteur exalte les grâces. Harcamone, Bulkaen, Divers : délinquants ou criminels, auréolés de sombre gloire, élevés au rang de mythes. Genet aime l'un puis l'autre, avec toujours, il le confesse, cet attrait pour la beauté qu'il décrit en ces termes : "l'extraordinaire évidence de ce qui avait lieu, la force de ce bonheur d'être se nomme aussi la beauté." Ainsi, le lieu de l'enfermement est prétexte à fantasmes précieusement entretenus. EXTRAIT
A l'un des bouts du couloir central du quartier, il y avait une grande verrière dépolie, protégée par des barreaux, et qui ne s'ouvrait jamais, sauf un vasistas, ménagé dans la partie supérieure. C'est derrière elle que je vis Divers pour la dernière fois à Mettray. Il était grimpé, grâce à je ne sais quoi, jusqu'au vasistas où il se tenait pendu par les mains. Sa tête dépassait seule, et le corps s'agitait lourdement derrière les vitres, puissant et mystérieux au fond de cette eau, plus troublant encore du mystère du matin. Ses mains délicates étaient agrippées de chaque côté de son visage. Il me dit au revoir dans cette position. La Santé, Prison des Tourelles, 1943.
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