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L'Oeil électrique #22 |

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Bouquinerie

Nosaka Akiyuki : Les Embaumeurs
Actes Sud, 206 pages, 99 francs

Les Embaumeurs est un conte drolatique qui évoque le parcours d'un jeune Japonais, Laface, spécialiste des masques mortuaires. Fils de fossoyeur, il goûte peu la manière moderne qu'ont les hommes d'ensevelir leurs morts. A ses yeux, l'enterrement devrait constituer l'accomplissement de la vie d'un homme et à ce titre, se présenter sous la forme d'une grande parade chatoyante, un dernier tour de piste flamboyant pour le défunt. Sa rencontre avec trois personnes (Echalotte, Un-tantinet, et "le doc" - un chirurgien esthétique "défroqué" ayant un vague passif anthropophage) va lui permettre d'envisager concrètement la mise en place de son projet. Les quatre compères sont en effet tous conscients qu'il y a potentiellement pas mal d'argent à se faire dans le domaine des pompes funèbres. Ils décident donc de créer leur propre compagnie, aux méthodes peu orthodoxes, pour ne pas dire farfelues. Les tribulations de cette fine équipe sont l'occasion de passages hilarants, comme lorsqu'on nous explique avec le sérieux d'une démonstration scientifique la méthode à suivre pour pratiquer la nécrophilie dans les meilleures conditions. Un autre moment grandiose est l'organisation d'une cérémonie funéraire à la mémoire des bébés avortés et dont la scénographie d'un goût douteux provoque plus d'une fois le rire. Mais Les Embaumeurs n'est pas qu'un petit roman comique. Comme à son habitude, en effet, Nosaka ne se départit pas d'un regard acerbe sur ses contemporains, en l'occurrence la société japonaise de la fin des années 60, à l'insouciance de laquelle il oppose les souvenirs encore chauds de la guerre et la mauvaise conscience qui en découle. Malgré une fin un peu prévisible, Les Embaumeurs est un livre enthousiasmant, qui confirme que l'auteur des Pornographes et de La Tombe des lucioles (que l'on découvre très tardivement en France) est un auteur majeur de la littérature japonaise.