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L'Oeil électrique #22 |

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4livres

Ray Bradbury : Fahrenheit 451
1953, Denoël
Traduit de l’américain par Henri Robillot.

A l'instar de 1984 de George Orwell ou du Meilleur des mondes de Aldous Huxley, le livre de Ray Bradbury, plus méconnu, s'est aussi inscrit au panthéon des grands classiques de la science-fiction. De la même manière que ses confrères, Bradbury y évoque un univers contre-utopique (dystopique diront les spécialistes) où la société gère de façon rationalisée les comportements des individus. A travers une écriture à la fois sobre et précise, l'auteur plaque ainsi le même argument libertaire simpliste mais toujours aussi vivace. Toutefois, contrairement à Orwell, c'est au capitalisme ou du moins au mode de vie américain qu'il s'attaque. Ici, la culture dans son ensemble est réduite à sa pure fonction de divertissement. La télévision, omniprésente, est devenue le pivot d'une population abrutie, sujette à un bonheur aussi forcé qu'artificiel. Les livres, recueils de la mémoire, de la réflexion et de l'expérience, sont bannis. La mise en ordre de la pensée est assurée par les pompiers, chargés, désormais de brûler toute trace de littérature. Montag est l'un d'entre eux. Ce personnage en proie croissante au doute et à la soif de connaissances représente un bel hommage à la fonction d'intellectuel. C'est en croisant un jour une jeune fille qui semble résister au monde qui l'environne que sa vie prend une tournure différente, plus "consciente". Accumulant quelques livres pris en douce chez ceux qu'il a la lourde tâche de remettre sur le droit chemin, Montag abandonne son activité pyromane. Dans sa fuite, il fait la connaissance de savants, exilés à la périphérie, qui l'accueillent au moment même où une bombe nucléaire réduit à néant sa cité d'origine. Pied de nez radical à ses contemporains alors en proie à la peur suscitée par la Guerre Froide, l'auteur suggère qu'une telle société - la sienne, en fin de compte - ne mérite même pas d'exister. Ce qui ne l'empêche pas d'être optimiste car les rescapés, ceux qui sont restés à la marge, portent tous ses espoirs. En bref, il s'agit du combat entre l'élite culturelle et l'élite politique.

EXTRAIT

"Si vous ne voulez pas qu'un homme se pose des problèmes d'ordre politique, ne lui donnez pas deux solutions à choisir ; ne lui en donnez qu'une. Mieux, ne lui en donnez pas du tout. Qu'il oublie jusqu'à l'existence de la guerre. Si le gouvernement est inefficace, tyrannique, vous écrase d'impôts, peu importe tant que les gens n'en savent rien. La paix, Montag. Instituez des concours dont les prix supposent la mémoire des paroles de chansons à la mode, des noms des capitales d'Etat ou du nombre de quintaux de maïs récoltés dans l'Iowa l'année précédente. Gavez les hommes de données inoffensives, incombustibles, qu'ils se sentent bourrés de "faits" à éclater, renseignés sur tout. Ensuite, ils s'imagineront qu'ils pensent, ils auront le sentiment du mouvement, tout en piétinant. Et ils seront heureux, parce que les connaissances de ce genre sont immuables. Ne les engagez pas sur des terrains glissants comme la philosophie ou la sociologie à quoi confronter leur expérience. C'est la source de tous les tourments. Tout homme capable de démonter un écran mural de télévision et de le remonter et, de nos jours ils le sont à peu près tous, est bien plus heureux que celui qui essaie de mesurer, d'étalonner, de mettre en équations l'univers, ce qui ne peut se faire sans que l'homme prenne conscience de son infériorité et de sa solitude. Je le sais. J'ai essayé. Foutaises ! Conclusion : tenons-nous-en aux clubs, aux réunions, aux acrobates, prestidigitateurs, casse-cou, bolides à réaction, motogyroplanes, au sexe et à l'héroïne, tout ce qui ne suppose que des réflexes automatiques. Si la pièce est mauvaise, si le film n'a pas de sens, collez-moi une dose massive de thérémine. Je me croirai sensible au spectacle alors qu'il s'agira seulement d'une réaction tactile aux vibrations. Mais je m'en fous, tout ce que je demande c'est un passe-temps solide."