Philippe Squarzoni : Garduno, en temps de paix Manichéisme, courte vue, propagande, démagogie, langue de bois… Les écueils sont nombreux à éviter pour qui affirme publiquement une position politique. C'est par le biais de la bande dessinée que Philippe Squarzoni parvient à exposer et défendre sa réflexion sans risquer au final de figurer parmi les entartables Guignols de l'info. Se basant sur son expérience humanitaire en Bosnie, son séjour aux Chiapas mais aussi sur sa vie quotidienne et ses lectures, l'auteur analyse, décrypte et dénonce les tenants et les aboutissants de la mondialisation néo-libérale. Au-delà d'une simple protestation (un peu convenue à gauche), constats, témoignages, arguments et exemples se superposent pour revenir à la délicate question de l'engagement et de la (ré)action individuelle - avant d'être, peut-être, collective. De prime abord, le dessin en noir et blanc et l'utilisation d'un texte off peuvent évoquer le Journal de Fabrice Neaud (cf. l'œil électrique #22) ; la base photographique et la forme du récit (celle du journal de bord) n'y sont certainement pas pour rien. Mais alors que Fabrice Neaud explore l'autobiographie, Philippe Squarzoni débroussaille son chemin dans le champ du reportage et de l'Histoire. A travers l'accumulation d'archives journalistiques, d'images télévisuelles et personnelles, il réussit à rendre la démonstration vigoureuse mais pas indigeste. Une rage raisonnée mais certaine face au pouvoir des multinationales, à la politique du FMI, au discours des médias ou au manque d'arguments face à un père économiste, constitue le carburant de cet ouvrage éminemment politique (A ce titre d'ailleurs, la préface - un brin paternaliste - d'Ignacio Ramonet du Monde Diplomatique ne devra pas effrayer les gauchistes non pratiquants). Plongez un corps en colère dans un système assez tordu, il risque bien de remonter à la surface. |