Raphaële Vidaling : Plusieurs fois par moi
Grasset, 280 pages, 17 euros
"Si rien ne m'affectait profondément, ce n'était pas une preuve de solidité quelconque de ma part, mais seulement la conviction que cette vie-là n'était que la répétition générale de la vraie à venir."
Andréa Line a 28 ans et un colocataire arrivé de nulle part, qui finit par y repartir. Pour qu'il gagne son surnom d'hqmn, l'homme qui me nourrit, ils ont partagé pendant quelque temps glace de vin blanc givré pour lendemain de fête et pois chiches au gorgonzola pour se consoler l'âme - autant d'inventions incroyables pour se faire plaisir et faire de la nourriture un prétexte à jouer, à défaut de communiquer.
Sensible, lucide, curieuse, elle se sent un peu extra-terrestre au milieu des autres. A balancer entre la peur de trop leur ressembler, et celle de ne ressembler à personne, Andréa ne sait pas comment s'y prendre. Traverser la vie comme on attend le train, en sachant que ça va arriver, mais que tant que ce n'est pas arrivé, on se trouve dans un moment de latence où on n'est tenu à rien… Alors elle teste, elle accepte ce qui ne l'emprisonne pas, ne la touche pas trop, n'est pas complètement sérieux, en mimant le sérieux. Les sondages, avec leur capacité à forger des identités suivant des schémas, la fascinent. Période de tentatives, d'essais ratés pour les intéresser, pour faire partie de ceux dont on recherche l'avis. Puis traversée du tunnel de la faim, parenthèse anorexique au moment de la disparition/dissolution de l'hqmn, et remontée à la surface parce que l'anorexie c'est la maladie des autres…
Sa rencontre avec l'haqjj, l'homme avec qui je joue, marque la fin de cette période blanche. Retrouver le goût du jeu, le goût du miel et un camarade en prime, c'était inespéré. On n'imagine jamais à quoi mènent les jeux sérieux. A espérer l'hqmal ?
Claire Aubert.
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