Soazig Aaron : Le Non de Klara
Maurice Nadeau, 198 pages, 16 euros
Le Non de Klara : un titre qui claque. Immersion immédiate dans l'univers de ce premier roman, où Soazig Aaron nous propose le journal d'une femme, amie et belle-sœur de Klara. Banalité d'un journal ? Non. Ce format prend ici une réelle force, se faisant l'écho du retour de Klara d'Auschwitz. Première fiction sur ce thème, Le Non de Klara évite les pièges attendus : la pitié, le mélo, pour livrer une écriture simple et sans complaisance. Peu à peu, les gestes de la vie sont réappris. Klara entre à nouveau en communication avec ses proches. Elle est là, amaigrie mais bien là. Et pourtant plus rien n'est égal par ailleurs : ils ne reconnaissent pas Klara, ils ne la retrouvent pas.
La vie du camp la hante : les "aboiements" des gardes, l'ignominie. "Ceux qui sont revenus sauront à jamais ce que sont les extrêmes, toutes les possibilités des extrêmes." Mais la vie du camp, c'est aussi l'amitié qui fait tenir, "des moments brefs et rares qu'il serait dommage d'oublier". Lecture en apnée de certaines pages où la douleur affleure, d'autant plus glaçante que rien n'autorise à reléguer ces pages au rayon des seuls récits historiques.
Au terme de ce journal, un mois s'est écoulé. Klara est rentrée mais seulement pour préparer son départ vers un ailleurs américain. Elle vend tout : son appartement, les bijoux de famille… et laisse derrière elle sa fille. Besoin d'une "rupture totale" avec cette Europe - creuset de l'épreuve subie - et d'épargner à l'enfant les relents de la mort. Il fallait oser une fiction sur un tel thème. Pari réussi, qui ouvre de nouvelles voies au travail de mémoire.
Béatrice Viale.
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