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L'Oeil électrique #28 |

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4livres

Rachid Boudjedra : La Répudiation
1969, Folio

L'Algérie de Rachid Boudjedra est crue, âcre et truculente ; crue, âcre et truculente aussi, cette chronique familiale dans laquelle nous sommes jetés. Le narrateur, que l'on devine adolescent, cherche à exister, entre Ma, mère adorante et goitreuse, Zaïr, le grand frère marginal et dédaigneux, amoureux de son professeur de physique juif et homosexuel, et qui mourra à 25 ans, et les sœurs belles et surveillées. Surtout, il faut tenter de vivre malgré Si Zoubir, le père, caricature méditerranéenne de paternité tyrannique et capricieuse, odieuse et concupiscente, ayant répudié son épouse âgée au physique ingrat pour convoler bruyamment avec Zoubida, très jeune et très belle vierge.
L'auteur livre de l'Algérie une image névrosée et violente : il raconte son pays dans une langue bouillonnante, baroque, sarcastique jusqu'à la satire. Ne comptons pas sur lui pour encenser sa patrie ; il la met à nu au contraire, en dénonce les rites - superbe description de l'Aïd infligé aux enfants terrifiés - et les scandales : les "vierges emmurées" qui attendent d'être menées à l'époux. Quant à Alger, ville portuaire solaire et chaude, elle est la ville de toutes les initiations. Affleure alors chez Boudjedra cette déchirure, cette souffrance d'une culture parfois haïe et pourtant adorée, cette fascination et cette détestation mêlées.
La langue, lourde d'adjectifs innombrables et parfois précieux, semble s'acharner à décrire : les lieux, les êtres, les odeurs - pas les parfums, car dans La Répudiation, le monde semble soûlé par les pestilences : corporelles et surtout sexuelles, celles des femmes condamnées par leur existence cloîtrée à une hystérie à tous les niveaux. Hystérique, Ma, abandonnée, déjetée. Hystérique, la belle Zoubida, avide de plaisirs et qui se jette avec joie dans la liaison avec son beau-fils. Hystériques, les sœurs cloîtrées mais libres dans leurs jeux avec les nombreux cousins. Cette folie des femmes, c'est l'homme qui la génère, c'est encore une fois la figure honnie et dérisoire de Si Zoubir, masculinité menaçante et faible, grotesque en sa toute-puissance.
De quelle répudiation s'agit-il alors pour Boudjedra ? Répudier sa culture par l'écriture, c'est en même temps lui rendre un magnifique hommage, c'est faire entendre un cri d'amour déçu. Cette rage satirique, burlesque même, rend notre lecture jubilatoire. Les êtres prennent corps, le port d'Alger naît à nos yeux séduits. Critique, sans concession, La Répudiation offre une voix et un regard sur l'existence, elle est pour l'auteur autant que pour les lecteurs une libération et l'exploration d'un monde douloureux et complexe, autant chéri que rejeté : le sien.