Anaïs Nin : Une espionne dans la maison de l’amour
Stock, 220 pages, 8,40 euros
Publié en 1954 dans une relative indifférence, ce court roman fait l'objet d'une jolie réédition qui permet de (re)découvrir l'œuvre d'Anaïs Nin.
Agir sans laisser de traces. Ne jamais laisser de marques de maquillage dans une salle de bains inconnue. Ne jamais laisser traîner de cheveux sur une brosse. S'inventer des alibis avec toujours cette crainte d'être démasquée et fusillée. Anaïs Nin associe fiévreusement les ruses des passions adultères avec l'art de la guerre et de l'espionnage.
A l'image de l'auteur, le personnage du récit est une jeune femme traumatisée par l'abandon de son père. Mais Sabina ne sera jamais le portrait de sa mère : l'épouse docile qui repasse la chemise de son mari avant qu'il ne rejoigne ses maîtresses. Au contraire.
Insatisfaite dans sa vie de couple, Sabina choisit de faire de son existence une quête passionnée pour un amant idéal. Elle s'efforce pourtant de trouver un juste balancement entre la sécurité conjugale et l'ivresse des rencontres clandestines. Comédienne, elle exerce une activité propice à se créer une myriade d'existences parallèles. Propice aussi à développer la schizophrénie. Et Sabina se révèle vite une femme fragmentée, engluée dans ses mensonges comme dans une toile.
Dans cette Amérique des années 40 que la guerre parcourt de ses vibrations, resurgissent des accents de Proust, mais également de Fitzgerald et de Dos Passos : poésie de la ville, découverte du jazz, regard émerveillé sur la montée en puissance de la technique et de l'industrie.
Indépendamment du narcissisme de l'auteur, ce sont pourtant la qualité de l'écriture et de l'introspection qui l'emportent : un appel vibrant à l'hédonisme et une confession marquée au fer rouge de la culpabilité. Poignante dans ses aveux, pathétique dans ses constats, précise quant à la description de ses sentiments, Anaïs Nin livre un récit chargé de résonances psychanalytiques. Avec son écriture majestueuse et ciselée, son roman se révèle d'une élégance bouleversante.
Gianni Ségalotti.
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