Warning: mysql_num_rows(): supplied argument is not a valid MySQL result resource in /mnt/153/sda/7/9/oeil.electrique/php/en-tetes.php on line 170
L'Oeil électrique #30 |

> RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX
+ Les éditions électriques vous parlent

> C’EST BEAU LA VIE
+ Le zizi

> SOCIÉTÉ
+ Kan ar Bed : commerce équitable et autogestion
+ De la mort par la dot à la mort de la dot
+ Co-errances : pour une libre circulation des idées
+ Intérieur / Extérieur
+ Le mouvement alter-mondialiste et ses médias
+ Samizdat, média pour les luttes sociales

> BANDE DESSINÉE
+ l.a., auteur incasable

> LITTÉRATURE
+ Tim Willocks : accro à l'encre

> VOYAGE
+ Cutty Sark

> CINÉMA
+ Jackie Chan, burlesque des temps modernes

> 4 LIVRES : RÉCITS DE VOYAGE
+ Jack London : Histoires des îles
+ Nicolas Bouvier : L’usage du monde
+ Ferdynand Ossendowski : Bêtes, Hommes et Dieux
+ Wilfred Thesiger : La Vie que j’ai choisie

> BOUQUINERIE
+ Les Econoclastes (collectif) : Petit bréviaire des idées reçues en économie
+ Jean-Michel Thiriet : Mémoires courtes
+ Fondation Copernic : Les retraites au péril du libéralisme (troisième édition)
+ Eric Hazan : L’invention de Paris
+ Les Années douces : Hiromi Kawakami

> NOUVEAUX SONS
+ Xtatika : Tongue Bath
+ La Huasteca : Danses et Huapangos
+ Collection Troma :
+ Susi Hyldegaard : Home Sweet Home
+ N.Y. No Wave : The Ultimate East Village 80’s Soundtrack

> HTTP
+ peripheries.net

> REVUES
+ Quasimodo N° 7

4livres

Jack London : Histoires des îles
1910, 10/18
Traduit de l’américain par Louis et François Postif.

En 1904, profitant de l'aisance financière qui lui était (relativement) assurée par le succès de L'appel de la forêt, Jack London entreprend de réaliser son rêve d'adolescent : le tour de monde sur un bateau. Pourvu d'une courte expérience de la mer, notamment comme pilleur de parcs à huîtres dans la baie de San Francisco, il se met en tête de faire construire un yacht à la mesure de ses ambitions, le Snark, habitable par six personnes, et qui permettra de parcourir l'Océan Pacifique, l'Asie et l'Europe.
Bien conscient que ce voyage qui doit durer plus de sept ans risque de lui coûter cher, London propose à plusieurs magazines américains de financer ce projet démesuré, en échange de la publication de ses récits de voyage. C'est donc à un échange conclu avec Cosmopolitan que l'on doit ces Histoires des îles.
Dans ces nouvelles, London n'évoque pas du tout le voyage en lui-même : il ne dit pas que ce bateau, qui lui a coûté une fortune, est mal construit et tient mal sur l'eau ; ni que l'équipage, inexpérimenté, est renouvelé à chaque escale. Il raconte pêle-mêle ses rencontres sur les îles, principalement à Hawaï, et les vieilles histoires qu'il a recueillies sur place, en agrémentant le tout de quelques propositions politiques sur le traitement des lépreux, sans jamais mâcher ses mots. Il nous décrit ainsi comme il est difficile pour les immigrants chinois venus chercher fortune dans le Pacifique de renoncer à leur mode de vie, et comme il est drôle pour les natifs de voir un commerçant chinois de cinquante ans accepter de se faire battre par sa vieille mère. En s'appliquant à mettre par écrit les mythes fondateurs des îles, il n'oublie pas d'y ajouter une touche personnelle : "Maui força le soleil à s'arrêter en prenant au lacet ses seize pattes et enfin l'amena à parcourir son orbe plus lentement : le soleil évidemment syndiqué croyait en la journée de six heures, tandis que Maui tenait au régime des douze heures de travail." Il rapporte également des histoires passionnantes sur le culte des ossements des morts illustres, sur les pêcheurs de pieuvres, ou sur les conséquences de la christianisation sur les sociétés traditionnelles hawaïennes.
Ecrits au cours des années 1910, ces récits rapportés du Pacifique ne sont pas marqués par le ton politiquement correct que l'on observe souvent aujourd'hui lorsque l'on évoque les sociétés traditionnelles. S'il est souvent en admiration devant ces hommes et femmes qui vivent loin de l'industrialisation, et ne sont donc pas des aliénés à ses yeux de militant socialiste, London n'en reste pas moins souvent caustique, et n'hésite pas à dire à des journalistes hawaïens qui l'avaient violemment critiqué que leur comportement est bien celui de colonisés.
Cette aventure sur le Snark illustre à merveille la personnalité déroutante de l'auteur, qui avait pensé à tout. Il expliquera notamment l'utilité d'un moteur sur son bateau en écrivant à ses mécènes : "Je remonterai le Nil ou la Seine, la voilure repliée, tiré par le moteur. Il n'y a aucune raison pour que je ne monte pas ainsi à Paris et ne mouille le long du Quartier Latin.". Souffrant de graves problèmes nerveux causés par la lumière tropicale, ruiné et contraint de vendre son bateau, il n'ira pas plus loin que l'Australie, et rentrera en Californie par paquebot régulier. Mais pour se renflouer financièrement, il se lancera dans l'écriture de Martin Eden.

Sophie Rétif.