Wilfred Thesiger : La Vie que j’ai choisie
1987, Terre humaine, Plon
Traduit de l’anglais par Sabine Boulougne.
Né en 1910 dans une famille d'aristocrates anglais, Wilfred Thesiger était une sorte de dinosaure, l'un des derniers grands aventuriers-explorateurs européens. De la génération de Théodore Monod, il symbolise par ses paradoxes le meilleur et le pire de l'Angleterre du début du siècle dernier : respectueux de la nature et chasseur, colonialiste mais humaniste, aristocrate plus à l'aise avec les nomades de l'Afrique du nord qu'avec la bonne société anglaise. Un homme loyal, un peu vieille école, et un exemple d'une marginalité de l'époque, bien entendu mise au service de l'Empire britannique (ses connaissances de l'Afrique du nord n'ont pas été négligeables pendant la deuxième guerre mondiale).
La Vie que j'ai choisie sont les mémoires d'un genre d'homme qui nous est donc plutôt étranger. Mais à travers ce récit, simple dans le style (minimaliste, évitant les effets et le lyrisme), mais peu banal par son sujet, on arrive à comprendre les motivations de Thesiger à confronter le danger et à se défier lui-même. Thesiger a découvert des régions du monde à une époque où le colonialisme était en perte de vitesse et où des nations nouvelles se formaient, une époque où il y avait encore à découvrir. Il a été le premier Européen à voyager dans le sultanat d'Aoussa en Abyssinie, le premier à ramener en Europe des images de l'oasis de Lioua et des sables mouvants de Umm as Samim. Ses récits de l'Ethiopie nous baladent à travers l'histoire et nous font part des souvenirs les plus extraordinaires. La cour du roi Hailé Sélassié, les rencontres avec le peuple danakil ont fait partie de sa vie ; cette vie qu'il a, comme il le dit, véritablement eu la chance de choisir.
Ce livre est aussi un hommage aux personnes avec lesquelles il a vécu : ces "sauvages" qui l'ont accepté et accompagné dans ses voyages. Des hommes nomades qui l'ont d'ailleurs si profondément touché qu'il semble ne rester plus aucune place pour les femmes, dont il parle rarement (à l'exception de sa mère). Avant tout, cet ouvrage est celui des souvenirs précieux d'un vieil homme qui regarde en arrière avec nostalgie, confronté à une ère nouvelle où chaque mètre-carré de la planète a déjà été scruté. "Quoi qu'il en soit, si tant est que nous survivions, l'avenir de l'exploration géographique se situe désormais dans l'espace et dans les profondeurs de l'océan. Elle exige le recours à la technologie moderne et à quels frais ! En définitive, seul un nombre fort limité sera appelé à participer aux aventures du futur. Maintenant que la surface du globe a été explorée de fond en comble, grâce à l'invention du moteur à combustion, elle n'offre plus guère de place aux intrépides amateurs d'inconnu."
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