Rabaté : Ibicus
Vents d’ouest
Adaptant un livre d'Alexis (et non pas Léon) Tolstoï, qu'il a acheté trois francs aux puces, Pascal Rabaté nous transmet ici le plaisir qu'il a eu à le dévorer en une nuit, puis à le mettre en images.
Rabaté n'est pas un tâcheron laborieux ou alors il le cache bien. Car là où l'adaptation d'un roman, par souci du réalisme, du détail ou de la fidélité, pourrait sentir la sueur et les pénibles heures de travail penché sur la table à dessin, Rabaté nous raconte une histoire généreuse, mais sans fioritures. Si on peut pinailler en regrettant un lettrage un peu incertain, le découpage fluide des pages, servi par un lavis de gris gracieux, nous fait plonger dans un univers à la fois terrible et insouciant.
Nous sommes à Petrograd en février 1917. Alors que le bordel révolutionnaire est plus qu'ambiant et que l'armée ne va pas tarder à se ranger du côté du peuple, Siméon raconte à quelques amis comment, quatre années plus tôt, une tsigane a lu son avenir dans sa main : Siméon deviendra riche quand la guerre éclatera. Rapidement, Siméon s'emploie donc sans scrupules à se conformer à cette prédiction.
Mais c'est oublier qu'il est sous le signe d'Ibicus, le crâne qui parle...
Rabaté retranscrit à merveille une ambiance implacable, racontant d'un ton léger les situations les plus sordides et les personnages les plus âpres, entre sniff de cocaïne et profiteurs cyniques. Réaliser un premier tome aussi intéressant à lire qu'agréable à regarder à partir d'un livre russe acheté trois francs... Pascal Rabaté ne se moquerait-il pas du cours de la Bourse ?
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