Michel Chaumet : MAIF - L'histoire d'un défi
Le Cherche midi
Un livre sur une assurance ? A priori, on fait plus fascinant comme sujet. Détrompez-vous, ce bouquin sur la Mutuelle Assurance des Instituteurs de France est une jouissance de tous les instants. Car il retrace un exemple concret de réussite admirable à l'encontre du capitalisme. Comme le rappelle Roger Belot en préface : " Le système libéral n'est pas une fatalité. " Pour peu qu'on veuille le croire.
Dès la fin du XIXe siècle, de nombreuses corporations, se mettent à tenter des expériences de protection mutuelle : quelques centaines de marchands de bestiaux ou d'agriculteurs cotisent pour constituer un fonds, qui sera utilisé en cas de coup dur pour l'un d'entre eux. Une notion de solidarité corporatiste existe donc, qui crée un terreau favorable à ce genre d'initiative. Dans les années 30, nombre d'instituteurs sont activement engagés à gauche. Par ailleurs, beaucoup en ont assez d'être les vaches à lait d'assureurs automobiles privés abusant de leur position de force (primes élevées, remboursements faibles et tardifs, contrats liant les assurés pour 10 ans). Ainsi, en 1934, dans un contexte particulièrement défavorable, une poignée d'instituteurs militants (301 exactement) créent la Mutuelle Assurance Automobile des Instituteurs de France. Contrairement aux précédents projets mutualistes, il s'agit là d'un véritable geste politique anticapitaliste : suppression des profits, redistribution des bénéfices par la ristourne, suppression des intermédiaires et fonctionnement 100% mutualiste (pas de réassurance) - en cas de coup dur, la solidarité devra jouer et les assurés (qui sont leurs propres assureurs) paieront des suppléments de cotisations. Pas d'actionnaires à rémunérer, l'organisation appartenant à l'ensemble des sociétaires.
Bien qu'elle ait dû faire face aux difficultés habituelles pour toute entreprise humaine (concurrence, luttes pour le pouvoir, dérive gestionnaire), la MAIF, après de nombreuses mutations, suit aujourd'hui les mêmes principes humanistes, avec deux millions de sociétaires. Et à l'heure de l'ultralibéralisme, une entreprise où les conceptions politiques déterminent les choix techniques et économiques, ça fait quand même du bien. Un livre qui se lit pratiquement comme un roman, et dont la principale qualité est qu'il vous laisse penser que tout n'est pas désespéré.
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