Blutch : Le Petit Christian
L’Association
On a déjà dit dans ces pages tout le bien qu'on pensait de l'album Péplum (éditions Cornélius) librement inspiré du Satiricon de Petrone. Le petit Christian, quant à lui, rassemble plusieurs récits autobiographiques courts parus dans Fluide Glacial et Lapin, ainsi que deux inédits.
Blutch y raconte son enfance, période de la vie où il faut lire Pif Gadget en cachette, période où l'on rêve d'être une Drôle de Dame pour prendre une douche avec celles de la série (hé hé), période encore où le nouveau à l'école n'est qu'une " pédette ".
Bref, tout l'art de Blutch réside dans le fait d'exposer des souvenirs qui lui sont propres mais qui sont renvoyés en écho à la mémoire de chaque lecteur. Fellini, exaspéré par les questions d'un journaliste voulant lui faire dire que ses histoires ne faisaient que raconter sa vie, répondit : " Plus un film est autobiographique, plus il devient objectif. " Quand le particulier rejoint l'universel…
Coup classique, murmurez-vous en faisant preuve d'une mauvaise foi et d'un snobisme à toute épreuve. Classique peut-être, encore faut-il posséder le discernement et la justesse de ton nécessaires à l'efficacité (redoutable) du procédé. Chez Blutch, donc, ça fonctionne. Le petit Christian s'identifie et côtoie à tour de rôle les personnages héroïques des séries, films ou lectures cultes, de James West et Artemus Gordon à docteur Justice en passant par John Wayne.
Blutch ne se réfugie cependant pas derrière son humour dévastateur, Le petit Christian n'étant pas un simple assemblage de gags quelque peu anecdotiques. Au contraire, l'humour, qu'il manie avec finesse, lui permet d'évoquer son enfance alsacienne et plus globalement son rapport au monde (son émoi face aux " fâmes ", la dure réalité des rapports humains, la domination du grand costaud ou l'autoritarisme imbécile de certains adultes… sans oublier les batailles au pistolet à eau).
Le tout servi par un dessin aussi habile qu'évocateur, on aurait tort de se priver de souvenirs.
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