" Dire le monde " : Gulliver N°1
Librio
" Se retrouver dans un état d'extrême secousse, éclaircie d'irréalité, avec dans un coin de soi-même des morceaux de monde réel. "
A. Artaud
La revue Gulliver, fondée entre autres par Michel Le Brie, renaît de ses cendres avec ce nouveau n°1 sous-titré " Dire le monde ", sous la jaquette de la collection Librio.
Le Bris nous narre le parcours de sa revue dans la préface avant de nous entraîner sur un terrain prétendument polémique, à savoir la légitimité littéraire des auteurs qui ont le " souci du réel " et n'envisagent pas " la contemplation de [leur] nombril comme finalité de l'art ", débat d'éditorialiste parisien un peu trop caricatural pour qui aime la littérature.
Gulliver propose un entretien avec Jim Harrison et un texte sur le roman noir de Vautrin vu par lui-même.
Et pour l'essentiel, six nouvelles de très bonne qualité. Comme celle de Martine Laval, ancrée dans un quotidien gris et ritualisé où, au détour d'un simple geste, il est possible d'agir. Ou celle de pascal Dessaint, une longue histoire d'amour qui s'achève, forcément mélancolique, à l'image d'une vieille photo de vacances.
Et pour finir, une mention spéciale au récit de Gérard Mordillat, cinéaste et écrivain, qui nous livre un " cahier de visites " d'une trentaine de pages, écrites à l'occasion de la préparation d'un documentaire sur Antonin Artaud. Il décrit chronologiquement, avec sobriété, pudeur, et finalement un grande force littéraire, ses rencontres successives avec les personnes qui ont côtoyé le poète écorché. Quotidien effleuré, blancs générant du mystère, le texte attise notre curiosité pour ces gens de l'ombre d'Artaud, véritables " personnages principaux ".
Il est vraiment regrettable que cette revue soit anonymement empilée dans les grandes surfaces avec les autres titres de cette collection quand, bénéficiant d'un tirage important (40 000 exemplaires) et d'un prix dérisoire (10 francs), elle mérite largement d'être diffusée et lue. Gulliver ne se jette pas, ne se prête pas. Elle s'achète.
Denis Leroux.
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