Munoz et Charyn : Panna Maria
Casterman
Après avoir emmené leurs personnages crapahuter au Chili contre une société secrète de camés dans Le croc du serpent, Munoz et Charyn poursuivent leur collaboration en adaptant Panna Maria, roman de ce dernier paru en 1986 au Seuil.
Ici c'est Stefan Wilde, concierge d'un immeuble du West Side de New York, le Panna Maria, qui, à défaut d'en être le héros, est le personnage principal de l'histoire. Nous sommes au début du siècle et les immigrants européens, polonais notamment, affluent, pleins d'espoir, vers ce Nouveau Monde. Les propriétaires du Panna Maria, pontes du parti démocrate, s'emploient à faire travailler quelques-unes des arrivantes : le cinquième étage de l'immeuble n'est autre qu'un bordel.
Alors que la jalousie et le pouvoir ne jouent déjà pas en sa faveur, Stefan Wilde le sous-fifre commet l'erreur de tomber amoureux de Kitty Matlock, fille du big boss du parti républicain, venue soigner les enfants du quartier...
Jérôme Charyn, auteur américain né dans le Bronx en 1937, s'est fait connaître en France par le biais d'ouvrages publiés à la Série Noire, avant d'écrire pour des auteurs de bande dessinée tels que Boucq, Loustal puis Munoz.
Ce dernier, né à Buenos Aires en 1942, fut l'élève de l'énorme Alberto Breccia (qui, au demeurant, est méconnu du grand public). Il fut également marqué par sa rencontre avec Hugo Pratt. On peut d'ores et déjà être admiratif de son travail à plus d'un titre : création d'un univers et de personnages sombres et complexes à la fois (notamment Alack Sinner, mis sur pieds avec Carlos Sampayo), virtuosité du dessin, jeu subtil du noir et blanc, etc. Ce nouvel album nous donne une nouvelle raison de l'aimer. Apprécié et renommé pour les qualités précitées, Munoz pourrait se contenter de ronronner en refaisant du Munoz. Or il n'en est rien.
Si, bien sûr, sa patte et son utilisation des masses de noir demeurent aisément reconnaissables, le dessin évolue, change et bouge encore, laissant une part grandissante au blanc et au trait.
Quel bonheur de lire une histoire rude servie par un talent qui n'est pas figé !
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