Thomas Mc Guane : L’homme qui avait perdu son nom
1989, 10/18
Deadrock, Montana… De vastes étendues sans enclos, du bétail épars, quelques villes fantômes et des ranches : c'est le stéréotype même du Middle-West certes, mais cela n'en reste pas moins authentique. Et c'est là, dans le Midwest, que Joe Starling décide de lever le masque sur son existence. Las de n'être plus qu'une ombre, de n'avoir ni repère ni attache dans une réalité qui l'étourdit, Joe se jette à corps perdu dans des paysages tout aussi étourdissants. Si son retour au ranch répond à certaines de ses questions, il en soulève bien d'autres : Joe est un personnage tourmenté et contradictoire, pour qui retrouver une identité et un nom ne suffisent pas…
L'œuvre littéraire de McGuane est souvent associée aux grands noms de la littérature américaine : Hemingway, Kerouac ou encore Jim Harrisson, son fidèle acolyte. Ce qui est sûr, c'est que Thomas McGuane fait partie de ces auteurs qui abordent, de façon crue, l'homme, dans ses angoisses, ses pulsions, sa bonté… Dans L'homme qui avait perdu son nom l'ironie et l'ambiguïté des propos donnent lieu à des dialogues durs, tendres, mais toujours justes et les situations y émeuvent autant qu'elles écœurent.
Marie Brazilier.
EXTRAIT
" - Dans ton cher Montana, dit-elle, on te servirait sans doute un gros cuissot de gibier, et tu serais content.
- Exactement.
Ils furent pris dans un furieux tourbillon quand Ivan se mit à manger.
- Joe, dit Astrid, j'ai passé toute ma vie ici, et tu es un gars du nord typique. Voilà deux ans que tu te dores la pilule, et maintenant, tout provoque ton ironie.
- Il a le mal du pays, intervint Yvan, la bouche pleine. Quand on a le mal du pays, que ce pays est à cinq mille kilomètres, qu'on est sans le sou, qu'il y a un problème de communication entre le serveur pédé et vous, et que votre assiette est déjà à moitié vide avant même qu'on ait commencé de manger, il y a de quoi en faire une maladie.
-Merci, Yvan, dit Joe.
- Dans l'existence, tu aimes le raffinement et la qualité, Joe. Moi, j'aime que la vie ça pète de partout, dit Yvan.
- Et moi, ajouta Astrid, j'aime la vie avec de la musique forte et de la sauce piquante.
- Parce que tu es cubaine, ajouta Joe.
- Voilà bien une remarque raciste, fit Astrid.
- Je parle sérieusement, Joe, reprit Ivan. Ne sois pas aussi tatillon. Cesse donc de peser sans arrêt le pour et le contre. C'est un réflexe névrotique. L'homme a été créé pour consommer. Tu ferais mieux de dire oui au monde, bordel. "
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