Hervé Prudon et Muzo : J’ai trois ans et pas toi (mémoires sans mémoire)
Verticales, 136 pages, 98 francs
C’est l’histoire d’un papa qui prend la plume pour écrire l’autobiographie de Juliette. " Ma petite fille qui a bientôt trois ans ne sait ni lire ni écrire ni se souvenir. Juste éclater de rire. Rarement pleurer. Parfois crier. Se révolter. " Nègre non homologué, il raconte les colères, les joies, les angoisses, les interrogations de Juliette pour lui donner une mémoire de son début de vie. Entre la crèche, les parents stressés, le frangin Léo pour qui c’est jamais grave, et puis la vie qui pousse toujours à grandir… ça cogite à fond les ballons dans la tête de Juliette : un tas de questions… un tas.
Evidemment, la description, à la fois simple et profonde, de cette vie intérieure déjà chargée, est le fruit de l’imagination d’un papa posant un regard de papa sur son p’tit bout d’fille. Ce regard tendre et aimant se mêle à sa mauvaise conscience d’écrivain attribué d’office : " Papa chéri, j’ai cette impression de viol mental incestueux, si je savais, pouvais, écrire, parler, me souvenir, ça serait une autre paire de manches. " Au viol mental s’ajoute le viol littéraire parce que, c’est plus fort que lui, le papa ne peut s’empêcher de faire des jeux de mots à tous les coins de page ! Savoureux pour le lecteur mais énervants pour Juliette à la longue ! " Ce n’était pas un de ces doudous sur commande et magazines qu’on trouve dans la boîte aux lettres, ou en vitrine, avec un mauvais genre qui sourit à tout le monde, petites annonces à l’avance, adoptez-moi, et peluche si affinités, non, mon doudou c’est comme un pacha de gouttière, non, Papa, arrête, j’ai dit pas de jeux de mots. " On goûte aussi avec bonheur les dessins de Muzo qui croquent les bouts de vie de Juliette. Au-delà de l’illustration, ils participent pleinement au récit. Dans tous les cas, on est emporté par la poésie et la tendresse qui donnent envie de faire des bisous aux bébés qui grandissent.
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