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L'Oeil électrique #14 | Société / Michael Palin, python voyageur

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Par Kate Fletcher.
Photos : David Balicki.

Michael Palin est un des six Monty Python, véritables dieux de la comédie, faisant l'objet d'un culte quasi-religieux plus de trente ans après leurs premiers sketches sur la BBC. Après 20 ans de travail en commun, les Pythons se séparent et Palin tente différentes expériences (auteur, metteur en scène…) avant de "trouver sa voie" en 1985 avec une série de documentaires de voyage (toujours avec la BBC) qui casse les habitudes lisses et impersonnelles du genre. Enorme succès, notamment en Grande-Bretagne, la série a donné suite à d'autres films tout aussi fascinants : Le Tour du Pacifique (qui a regroupé une fois par semaine 10 millions de téléspectateurs en Angleterre), D'un pôle à l'autre, ou encore Sur les traces d'Hemingway, qui ont tous été diffusés sur Arte en France. Mais Palin ne se contente pas de voyager, il réfléchit aussi, en tant que président de Transport 2000, une ONG qui agit depuis 15 ans pour la mise en place d'un véritable service de transports publics et l'arrêt de la construction des routes en Grande Bretagne : "Le rail a vraiment été négligé ces vingt ou trente dernières années, mais c'est le seul moyen véritable dont nous disposons pour résoudre notre problème de transport actuel, aussi bien en termes écologiques que pratiques…"
La semaine où je me retrouve à Londres, le gouvernement Blair annonce la première privatisation d'une prison. Palin, lui, se trouve impliqué dans plusieurs initiatives sociales, notamment pour la réforme des prisons : "La manière dont nous traitons les délinquants laisse vraiment à désirer, en particulier pour ce qui est des jeunes. J'ai visité quelques endroits où des gens sont en détention, et ce sont des lieux vraiment sinistres. A quoi cela sert-il de punir les gens de manière inhumaine ? Le fait d'être coupé de sa famille et d'avoir un casier judiciaire qui vous suit toute votre vie est plus que suffisant. Les conditions déplorables et les mauvais traitements ne vont aider personne, et il est avéré qu'on ferait mieux d'utiliser le temps de la prison pour éduquer et former les gens. C'est pour ça que je trouve important de soutenir des organismes progressifs sur le sujet et de soutenir les familles de détenus. Et puis je ne pense pas qu'il y ait vraiment de différence entre la plupart des gens qui se trouvent en prison et les autres."
Au-delà de toutes ses casquettes, pour moi, Michael Palin est quelqu'un avec qui j'ai grandi : je suis née pendant la deuxième série du Monty Python's Flying Circus. Et depuis, Palin est devenu (tout comme John Cleese) une espèce d'institution britannique. Alors, je suis un peu nerveuse en arrivant dans ses bureaux de Covent Garden ; mais je suis surprise par le côté relax, et par la longue liste de sociétés à l'entrée des bureaux (Gumby Corporation, des boîtes de production, des boîtes de merchandising, Monty Python plc…). Je suis aussi surprise par l'âge de Palin. C'est un homme mûr, bien habillé qui a bien vieilli, mais l'image que j'ai en tête, c'est celle de l'homme de 20 ans qui saute partout dans des sketches…

Quelle était la situation en Angleterre vis-à-vis de la comédie au moment de la création de Monty Python ?
Nos influences étaient le Goon Show, Spike Milligan et Peter Sellers… Plus près de l'époque où nous avons véritablement commencé à écrire et à jouer, c'étaient plus des gens comme Peter Cooke ou Dudley Moore et l'équipe de Beyond The Fringe… ce qu'on appelait le boom de la satire des années 60 : tout à coup, on avait la possibilité de faire des blagues sur le Premier Ministre, sur l'armée, sur l'Eglise… et toutes les choses auxquelles on ne pouvait pas toucher depuis mon enfance. Des comiques de farces américains comme Jerry Lewis. Ou encore des sit-coms anglaises comme Steptoe and son qui avaient des personnages très bien conçus.

En regardant les sketches de Monty Python, on pense tout de suite à certain surréalistes, par exemple Luis Buñuel,(1) pour ce qui est de la construction, des thèmes abordés (classes, religion)… y avait-il une influence ?
Oui, je suppose qu'il y a beaucoup de similarités, mais lorsqu'il a fait des choses comme Le charme discret de la bourgoisie (1972) ou les films légèrement plus comiques du début des années 70, ce n'était pas une influence directe : j'admirais ce qu'il faisait et j'avais l'impression d'une certaine communauté d'esprit. J'étais vraiment fasciné par ces idées de transformer des choses totalement inconséquentes en événements de la plus haute importance, les inversions de situations, par exemple des gens assis autour de la table pour aller au toilettes, puis qui vont manger chacune dans une toute petite pièce, ou des gens qui font la fête dans la même pièce qu'un cadavre…

Mais y avait-il, comme chez Buñuel, une dimension politique dans les Monty Python ?
Non. Monty Python n'était pas politique du tout. Nous nous attaquions simplement à toutes les formes d'autorité. Et puis, à l'époque, il n'y avait pas vraiment d'alternative à ceux dont on voulait se débarrasser ! Mais d'une certaine manière, cet establishment britannique autoritaire était nécessaire pour que Monty Python puisse être ce qu'il a été. Aujourd'hui, c'est bien plus difficile pour les humoristes : la société est devenue globalement bien plus consciente d'elle-même : elle se connaît mieux, elle accepte ses défauts et ses échecs avec plus d'honnêteté. Mais quand j'étais plus jeune, ce genre d'autodérision n'existait pas : juste après la guerre, les temps étaient durs et ç'aurait presque été une trahison que de dire que tout n'allait pas se passer pour le mieux, que les gens au pouvoir n'étaient pas les bons et que tout le système allait de travers. Maintenant, c'est plus difficile de trouver des cibles. L'Eglise n'a plus vraiment grande importance dans la vie des gens par rapport à mon enfance, pas plus que la famille royale (à une époque, tout ce que la famille royale pouvait faire était perçu comme étant bon et généreux, ce n'est que récemment qu'on s'est aperçu qu'il s'agissait d'une famille à problèmes). Un humoriste qui fait des blagues sur la famille royale, ça n'est plus vraiment radical.

Est-ce que ça veut dire que tout a été fait en matière d'humour ?
On peut dire ça, mais il y a toujours des choses à trouver. Il y a des humoristes à l'heure actuelle qui font de très bonnes choses. Chris Morris par exemple…

Qui ?
Il a fait une série qui s'appelle Brass Eye and Jam. C'est très choquant. Et horriblement drôle ! Des sketches sur le viol, la pédophilie… en face de cette nouvelle orthodoxie du politiquement correct où il y a des sujets sur lesquels on n'a pas le droit de plaisanter, il le fait et il y va à fond.

Et vous êtes d'accord avec ça ?
Complètement. On devrait pouvoir faire de l'humour sur tous les sujets. Le comique est vraiment un moyen très constructif et efficace pour définir ce qui intéresse vraiment une société. Parfois, faire rire les gens constitue un meilleur moyen de régler les problèmes que de se mettre en colère ou de mettre en place une législation ridicule comme obliger les hooligans à aller au distributeur de billets.(2) Je dis ça mais, en fait, c'est une idée assez pythonesque de la part de Blair ! D'un autre côté, l'une des choses que je trouve les plus méprisables en Angleterre à l'heure actuelle, ce sont les agressions racistes, ça me semble vraiment incompréhensible. C'est peut-être parce que je suis privilégié socialement, mais bon… quoi qu'il en soit on ne laisse pas les gens faire d'humour sur ce sujet et nous sommes vraiment coincés là-dessus : pourquoi interdire de faire des blagues sur l'aspect des gens ! C'est très dangereux de dire : "Sur ce sujet, on ne peut pas faire d'humour."

Est-ce que Monty Python est vraiment apprécié partout dans le monde ?
Tout ce que je sais, c'est qu'il y a beaucoup de pays où je ne m'attendais pas du tout à ce qu'il y ait une réaction pour Monty Python, ce qui est vraiment agréable : l'Allemagne, la Yougoslavie… j'avais toujours pensé que c'était très anglais. Croyez-le ou non pourtant, mais il y a de vastes parties du monde où on ne sait rien de Monty Python : l'Asie, l'Afrique… mais au Brésil, nous sommes très connus. Je crois que les points communs des pays où Monty Python est apprécié sont la présence d'une bourgeoisie importante et d'une télévision assez libre.

Est-il essentiel que le spectateur ait une idée de ce que peut être un stéréotype de la bourgeoisie britannique ?
Il est possible qu'on surestime l'importance de la dimension anglaise. Monty Python est très populaire sur la côte ouest des Etats-Unis où les gens en savent très peu sur le reste de l'Amérique, alors l'Angleterre… De manière générale, on trouve partout dans le monde des gens qui font tous les efforts pour se comporter de manière très digne et formelle, qui prennent tout ça très au sérieux, et qui se prennent les pieds dans les tapis. Ou tout simplement des institutions ridicules ou des rituels stupides. C'est étrange parce que beaucoup de gens pensent encore que nous sommes subversifs… Mais nous n'avons jamais vu ça de cette manière : dans les années 60, les choses se sont vraiment ouvertes en Grande-Bretagne et on avait une grande liberté d'expression (notamment par rapport aux USA qui étaient empêtrés dans la guerre du Viêt-Nam à l'époque). Je crois que c'est pour ça que Monty Python est très populaire en Espagne. Une fois que Franco a disparu de la scène, tout le monde a voulu profiter de cette liberté qui arrivait tout à coup. Quand La vie de Brian est sorti en Espagne, ils ont adoré ça. En fait, il y a un cinéma à Madrid où La vie de Brian a battu le record à l'affiche : deux ans et demi.

Avez-vous déjà eu des réactions extrêmes sur votre travail ?
Pas vraiment non, juste deux ou trois personnes comme Mary Whitehouse(3) qui était contre tout, en particulier les mots grossiers et la nudité… pathétique en fait. La vie de Brian a dérangé un certain nombre de groupes religieux qui ont ensuite influencé beaucoup de monde. Dans certaines municipalités, La vie de Brian était perçu comme l'antéchrist et a été interdit. A l'époque, certaines localités ont trouvé le moyen de faire interdire la diffusion du film dans leur propre ville (malgré le fait qu'il avait obtenu un visa général) et pour une raison que j'ignore, c'était par le biais d'une loi sur la santé ! Globalement, l'opposition était plus insidieuse qu'ouvertement agressive. Dans le livre que nous avons publié sur le sujet, nous avons mis une lettre que le producteur m'avait envoyée au sujet de ses discussions avec les censeurs. Une des causes était "oral sex".

Quoi, juste le fait de le dire ?
Oui, juste le fait de dire les mots "oral sex" : on ne voyait pas de relations de ce type dans le film… De toute façon, les gens du bureau de censure n'auraient pas su les reconnaître s'ils en avaient vu… Juste des petites choses avec des gens qui décidaient que nous étions irresponsables. Ce que nous étions, bien sûr. Mais qu'est-ce que c'est une comédie responsable ?!!! La comédie d'état ?…"Eeeeeeeeeet maintenant, l'heure de l'humour, décrétée par le ministère du rire !"

Aviez-vous conscience à un moment quelconque que Monty Python aurait une telle importance, que ce serait un tournant dans l'histoire du comique ?
Non. Je n'ai jamais considéré que ce que nous faisions était important en tant que tel. Mais il s'est avéré que c'est resté. En 1980, après deux films et les rediffusions constantes des sketches, nous avons compris que nous avions passé une sorte de test : au bout de dix ans, les gens trouvaient toujours ça drôle. Dans les années soixante, de nombreux comiques sont apparus, et nous pensions tous que nous en avions pour deux ans avant que notre boulot ne devienne daté. Mais après ces dix années, nous avons réalisé que certaines personnes respectaient beaucoup ce que nous avions fait, et c'est là que j'ai pris conscience que nous avions peut-être créé quelque chose qui sortait de l'ordinaire, que ça n'allait pas tout simplement disparaître. Mais ce truc de "tournant dans l'histoire du comique", on ne parle de ça que depuis quelques années, quand des gens se sont mis à nous attribuer des pouvoirs religieux… toutes les choses dont on se moquait depuis si longtemps, on le disait désormais de nous ! En Amérique, les gens nous disent des trucs du genre "vous êtes les dieux du rire" ! En fait, on est juste une bande d'irresponsables.

Comment vous gérez ce genre de choses ?
On l'exploite autant qu'on peut : bière Monty Python, t-shirts Monty Python, poupées Monty Python, et on essaie de se faire un maximum de profit ! Non, sérieusement, ça nous dépasse un peu, mais on essaie de maintenir les programmes en vie et on accepte le fait que ça appartient au passé : la période créative est terminée. Nous avons eu des discussions sur le fait de faire un autre film, mais elles n'ont pas vraiment donné de résultat. Je crois qu'il y a un cycle de vie naturel pour la créativité et que Monty Python a dépassé ce point. Nous avons tous nos propres projets et on se réunit assez souvent (excepté Graham bien sûr), et on se fait encore rigoler… mais bon, on n'a plus la même motivation que pendant les treize premières années !

Donc pour vous, il n'y aura pas de nouveaux projets avec Monty Python ?
Je ne pense pas que nous puissions créer de nouvelles choses dans le cadre de Monty Python, tout simplement parce qu'il était si important que nous soyons tous les six. Et bien qu'il ait été dit que Graham n'était pas le plus indispensable des auteurs, son apport était malgré tout indispensable et c'est un acteur irremplaçable. Je pense donc que l'un des ingrédients vitaux n'est plus là, et qu'on ne peut plus travailler sans en tenir compte. Et puis il y a aussi l'énergie physique. Bien qu'aucun de nous ne soit encore totalement sénile ou impuissant, nous sommes tous plus vieux. Ensuite, je ne pense pas qu'on puisse faire les imbéciles à 57 ou 60 ans comme on le faisait autrefois ; et ça, ce sont de grosses différences. Nous pourrions probablement faire le tour du monde avec nos vieux sketches ; Eric Idle a tourné aux Etats-Unis et ça s'est très bien passé. Ce n'est pas du nouveau Python, mais c'est une autre manière de déconstruire ce que nous avons fait. Il y a eu une époque où nous n'aurions rien laissé déconstruire. Nous ne laissions même pas les gens doubler une voix sur les films.

La situation a été difficile quand vous avez décidé d'arrêter de travailler ensemble ?
Oui, parce qu'il n'y a jamais eu un moment précis où les Pythons se sont arrêtés. John Cleese commençait à avoir la bougeotte à partir du milieu de la seconde série, mais nous avons quand même fait la troisième avec lui, et il est parti. Puis, quand John est parti, Eric n'était pas sûr de vouloir continuer et il s'est mis à préparer sa propre série. A partir de là, nous savions que c'était terminé, mais il n'y a jamais vraiment eu de moment où nous nous sommes dit : "OK, à partir de maintenant, nous allons tous faire notre truc de notre côté." Bien que nous ayons arrêté les séries, nous avons réussi à faire The Holy Grail, ce qui prouve que nous étions encore capables de produire quelque chose de vivant. Et une fois que les Pythons sont devenus vraiment célèbres aux Etats-Unis, il était clair que, malgré le fait que nous pouvions faire ce que nous voulions chacun de notre côté, nous pouvions aussi nous réunir quand l'envie nous en prenait. Le public était là. Mais la coupure a été assez désagréable.

Comment en êtes-vous venu à faire des documentaires de voyage ?
La BBC m'a contacté sans vouloir me dire de quoi il s'agissait au téléphone. Ils étaient très mystérieux. L'idée en question était Le tour du monde en 80 jours. Les Pythons se sont arrêtés en 1983, et j'ai fait quelques films avec beaucoup de plaisir, comme Un Poisson nommé Wanda par exemple, mais le cœur n'y était pas vraiment quand il s'agissait de retourner dans les studios, se faire maquiller, apprendre des textes… C'est comme si Le Tour du monde en 80 jours était un cadeau du destin. Pourtant, je n'étais pas le premier à qui on l'ait proposé, trois autres personnes avaient refusé de le faire avant moi ! Mais ça me convenait parfaitement. Il n'y avait pas de précédent, mais ça a marché : j'ai été aussi honnête que possible devant la caméra et je me suis assez vite adapté, de sorte qu'il n'y avait pas besoin de faire plusieurs prises. Je ne suis pas très bon quand il s'agit de faire des dizaines de prises. Je préfère travailler à l'instinct, c'est vraiment effrayant parfois, mais au moins, c'est frais et efficace. Cette manière de voyager me plaisait beaucoup, mais je ne m'attendais pas à faire d'autres émissions de ce type. Comme avec les Monty Python, je me disais que ça ne durerait pas. Mais ça a beaucoup plu et du coup, on a pu en faire d'autres.

Comment faites-vous pour garder le côté spontané ?
Autant que possible, on utilise une seule caméra. Ça change tout de procéder ainsi. Si nous voulons une image de train de l'extérieur, nous devons négocier avec les responsables : ils doivent s'arrêter, nous laisser descendre et filmer, se remettre en route quelques mètres et nous laisser remonter. Quand je suis avec des gens dans un train, sur une plage ou dans une corrida par exemple, nous essayons de tout filmer en une seule prise. On recherche aussi les situations spontanées où il y a de la maladresse, des problèmes de compréhension… toutes les choses qui arrivent vraiment quand on voyage : on ne parle pas la langue, on se retrouve au mauvais endroit… C'est le fait de saisir tout ça qui nous a poussés à travailler différemment : montrer les côtés nuls ou désagréables aussi bien que le reste.

Avez-vous des gens qui reconnaissent les parcours pour vous ?
Oui, nous envoyons des gens qui vont par exemple vérifier que le train pour Kartoum existe toujours ou pour obtenir les autorisations de filmer dans certains endroits.

Est-ce qu'il vous arrive de vouloir partir seul avec une caméra ?
Oui, j'adore voyager seul. Le voyage en solitaire n'est pas vraiment comparable au déplacement avec une équipe entière, mais j'aime les deux en fait. C'est une petite équipe, nous sommes tous bons amis et nous sommes tous passionnés par le voyage. Personne parmi nous ne fait ça comme un boulot. La vraie différence est que quand vous filmez, vous avez certains privilèges et vous pouvez accéder à des endroits qui restent inaccessibles quand on voyage seul. Mais quand on est seul, c'est vraiment une énorme satisfaction de pouvoir se trouver dans un pays au milieu des gens - simplement d'en profiter.

Ayant fait plusieurs séries, est-ce que vous pensez consciemment à votre public dans la préparation ou le tournage des documentaires ?
On ne peut pas vraiment éviter de savoir qu'il y a des gens qui regardent, mais avec la première série, on n'avait vraiment aucune idée de qui allait regarder, puisqu'il n'y avait rien eu de tel avant. De mon côté, je préfère découvrir des choses en voyageant et en rigolant, alors j'imagine que ce sont des gens qui aiment voyager et rire un peu ! Mais je ne sais pas vraiment s'il y a des groupes d'âges ou des catégories spécifiques… ce n'est pas très important de toute façon, mais quand je rencontre des gens, ce sont toujours des personnes qui aiment l'idée du voyage, certaines ne le feraient jamais elles-mêmes tout en appréciant l'idée de le faire, et les autres sont généralement des gens qui aiment voyager en sortant un peu des sentiers battus. Certains regardent aussi parce qu'ils aiment bien ma compagnie, peut-être parce que je n'ai pas peur de montrer mes défauts…

La BBC vous impose-t-elle des règles à suivre ?
Non, pas vraiment. Et c'est vraiment super d'ailleurs. Généralement, les interférences arrivent vite quand ce qu'on fait est populaire. Avec les Monty Python, au début, personne ne nous disait rien, mais au bout de la troisième série, les gens commençaient à s'intéresser à ce que nous disions et ce que nous faisions.

Pour finir, j'ai entendu dire que vous travaillez pour l'Association britannique contre le bégaiement. C'est une blague ?
Non, mais c'est vrai que ça fait tout de suite penser à mon rôle de Ken dans Un poisson nommé Wanda. En fait, John Cleese m'a demandé de jouer dans ce film parce qu'un des personnages bégayait. Comme il savait que mon père souffrait de cette affliction, il m'a demandé comment ça se manifestait. Je lui ai montré et au final, j'ai joué le rôle. Après le film, des gens qui souffraient de bégaiement m'ont contacté. Et dès qu'ils savaient que mon père étaient dans le même cas qu'eux, ils se mettaient à m'expliquer : "S'il avait fait ceci ou cela, il aurait pu être guéri…" Je suis donc allé voir les gens du centre contre le bégaiement qui avaient mis au point une nouvelle thérapie pour les enfants. Je me suis beaucoup intéressé à ce qu'ils faisaient et je leur ai demandé s'ils pensaient que mon père aurait pu soigner son bégaiement. On ne "soigne" pas un bégaiement, mais ces techniques auraient pu le réduire et auraient probablement fait de lui un homme bien mieux dans sa peau. Donc c'était assez personnel pour moi. Et comme le centre manquait de fonds, je les ai un peu aidés à récupérer de l'argent, en faisant des spectacles. Mais c'est difficile pour eux : ce n'est pas vraiment très porteur comme maladie !

(1) Louis Bunuel (1900-1983), réalisateur espagnol, notamment de films critiques sur l'hypocrisie sociale (L'âge d'or en 1930, Viridiana en 1961, La Voie lactée en 1969).
(2) En été 2000, le gouvernement du
New Labour propose une loi qui donne à la police la possibilité de donner des amendes à payer sur le champ pour le gens trouvés ivres et semant le trouble sur la voie publique. La loi propose également de permettre aux policiers d'escorter le "hooligan" jusqu'à un distributeur automatique s'il n'a pas d'argent en poche. Dans la semaine qui a suivi le débat, Ewan Blair, le fils de Tony a été amené au commissariat pour avoir été trouvé ivre mort, ce qui a bien sûr fait la une de tous les journaux pendant une semaine.
(3) Mary Whitehouse, moraliste chrétienne critique télévisuelle. Particulièrement virulente contre tout ce qui a trait à la nudité, au sexe, à l'argot et à la violence.



And Now for Something Completely Different

Cette phrase d'enchaînement du Monty Python's Flying Circus a rythmé la vie des téléspectateurs britanniques du 5 Octobre 1969 au 5 décembre 1974. En cinq années de non sens absolu et de délire incontrôlé, les six Pythons ont redéfini les limites de la comédie. Depuis, diffusés et rediffusés internationalement, les émissions et les films du sextuor comique le plus crucial de la seconde moitié du vingtième siècle ont conquis un public mondial de fans transis : il suffit pour s'en convaincre de faire un tour sur le Web et de consulter les dizaines de sites retranscrivant l'ensemble des dialogues des films, référençant tous les sketches par ordre alphabétique, et proposant d'immenses bibliothèques de sons et d'images. On trouve même la traduction d'une émission collector diffusée en Allemagne et des extrait sonores de The Holy Grail en japonais !
Michael Palin, Graham Chapman, John Cleese, Terry Jones, Eric Idle, et Terry Gilliam se sont rencontrés à la BBC. Ils y travaillaient tous, chacun dans son coin, écrivant pour d'autres séries comiques. Tous issus de familles de la bourgeoisie et passés par les universités de Cambridge et d'Oxford (hormis Gilliam, l'Américain), ils portent un regard décapant sur la classe sociale dont ils sont issus. Est-ce que Monty Python aurait pu exister ailleurs que dans cette société anglaise ? J'en doute.
La première série du Monty Python's Flying Circus, programmée à une heure particulièrement tardive, et pas dans toutes les régions, date de 1969. A cette époque, l'Angleterre arrivait à la fin d'une décennie qui l'a libérée d'un conservatisme aigu. 1969 en Angleterre, c'est l'année de l'abolition de la peine de mort, c'est l'année de l'aggravation des relations en Irlande du nord… c'est aussi l'année de la couleur à la télévision. Même si des libertés ont été acquises, les figures de l'autorité sont restées les mêmes et c'est cette face de la Grande Bretagne qui se fait ridiculiser, frapper avec des poissons et plier en deux par notre joyeuse équipe. Les cibles récurrentes incluent notamment des hommes politiques, des hommes d'affaire, des militaires… mais aussi très souvent leur propre milieu, la télévision.
Dès le départ, les sketches sont basés sur le principe de la performance live, et au fur et à mesure que les budgets augmentent, ils intègrent plus de tournages extérieurs. Les Pythons déconstruisent les règles traditionnelles de l'enchaînement, découpant et arrêtant les sketches là où ça leur chante, ignorant les conventions en vigueur à l'époque comme l'intégration de chansons-interludes. Mais ils se débarrassent aussi totalement du concept de "chute" à la fin d'un sketch. Les séquences de cinéma d'animation de Terry Gilliam jouent un rôle important en apportant décalage et surréalisme : lui-même affirme qu'il arrivait souvent qu'aucun des membres de l'équipe ne comprenne le sens de ses animations - lui compris. Toujours est-il qu'aujourd'hui, l'élément le plus reconnu du Monty Python's Flying Circus n'est pas un des personnages ou un des sketches (quoi que les silly walks de John Cleese soient assez populaires…), mais l'énorme pied qui écrase les titres au début des sketches.
Avant que les six membres ne soient effectivement réunis dans le cadre de Monty Python, des groupes d'écriture se sont déjà établis, qui vont persister pour les séries : Cleese et Chapman travaillent sur des sketches "rationnels", basés sur une certaine réalité détournée, avec une construction méticuleuse et logique dans son absurdité. Jones et Palin produisent des sketches plus surréalistes (par exemple, le très déjanté Spam, où les personnages répètent sans arrêt ce mot avec une insupportable voix de fausset). Idle et Gilliam travaillent seuls : Gilliam est le spécialiste des animations et Idle s'occupe de la musique. Les rôles aussi se partagent : Terry Jones joue quasiment toujours la femme quand il y en a une, Cleese joue souvent les rôles de maniaco-dépressifs (ce qu'il était d'ailleurs réellement à une époque de sa vie). Eric Idle revient souvent en prolo vulgaire ou en naïf total, Graham Chapman en militaire ou en médecin (sa véritable "profession"). On voit beaucoup moins Terry Gilliam dans les sketches, mais il joue aussi des rôles décalés (qui correspondent certainement à une partie de sa personnalité si on en juge par ses créations en général). Enfin, Michael Palin est celui qui joue les rôles les plus variés : c'est l'acteur le plus versatile du groupe.
A l'image de leur succès, le qualificatif de "pythonesque" est désormais rentré dans le dictionnaire anglais. Mais, cette reconnaissance dépasse largement la Grande-Bretagne. Leur succès aux Etats-Unis est tel que plusieurs hommages leur ont été rendus ces dernières années et qu'ils ont fait diverses apparitions à la télévision - des apparitions toujours mises en scène dans la plus pure tradition Python : lors de l'hommage de l'American Film Institue où Graham Chapman (mort en 1989) est amené dans une urne funéraire portant sa photo, ou encore dans Saturday Night Live où Palin et Cleese rejouent le Parrot Sketch au ralenti et sous-titré, "pour que les Américains puissent comprendre".
Il faut dire aussi que les Python savent gérer leurs affaires : le culte est nourri par une sélection impressionnante de merchandising, un site web officiel (sans parler des milliers de sites non officiels) et bien sûr les projets personnels des divers membres, que ce soit Terry Gilliam réalisateur à succès à Hollywood (Brazil, L'Armée des 12 singes), John Cleese cinéaste et habitué de la pub, ou Michael Palin avec ses documentaires de voyage.



Les films

Si pour les "spécialistes", la série télé reste la référence absolue, les films des Monty Python, un peu moins surréalistes, ont conquis un public plus large.
The Holy Grail (titre piteusement traduit par Monty Python, sacré Graal) - conçu juste après la fin de la série en 1974, c'est le film qui a permis aux membres du groupe de se retrouver après avoir développé leurs différents projets personnels. Arthur, roi des Britons, et les chevaliers de la table ronde sont à la quête du Graal. Manque de moyens oblige, il y a peu de figurants, pas d'effets spéciaux et, comme l'utilisation de chevaux aurait fait exploser le budget du film, les personnages se déplacent en faisant claquer des noix de coco. Arthur (Chapman) dispose bien sûr de son écuyer Patsy (Gilliam) pour les faire claquer à sa place. Plus fantaisiste que La vie de Brian ou Le sens de la vie, le film fonctionne comme une série de sketches, ponctuée d'énigmes improbables et d'épreuves insurmontables. Les pérégrinations d'Arthur nous amènent même à faire connaissance avec des Français, l'unique raison étant probablement que Cleese les caricature à la perfection. Conformément à une certaine tradition, les ennemis héréditaires s'affrontent, et les Anglais prennent une raclée quand les Français leur catapultent des vaches sur la tête.
La Vie de Brian - Ceux qui cherchent sans arrêt un chemin à suivre se trompent et passent à côté de Jésus en choisissant Brian qui lui, n'a rien de spécial. Datant de 1979, La vie de Brian (dont le générique est chanté par Shirley Bassey, l'interprète James Bondesque de Goldfinger), qui est peut-être le film le plus abouti des Monty Python, se moque gentiment du christianisme. Il a d'ailleurs fait l'objet de nombreuses protestations et a été censuré notamment en Norvège jusqu'en 1980, en Italie jusqu'en 1991, jusqu'à aujourd'hui en Irlande.
On retrouve Brian (Chapman), sa mère (Terry Jones), Ponce Pilate (affligé d'un ridicule défaut d'élocution) interprété par un Palin en très grande forme et, bien sûr, la scène finale des crucifiés en train de chanter Always look on the bright side of life.
Le Sens de la Vie - Le dernier film des Monty Python (1983) est peut-être le plus caustique. Tout y passe : la religion, le sexe, la médecine, l'école, les vieux… Bénéficiant d'un budget plus conséquent, ce film contient des scènes extravagantes, de danse par exemple (parodie d'un style bien particulier de comédie musicale des années 70) avec des centaines de figurants pour la chanson Every sperm is sacred.
Les Pythons y reprennent la formule des sketches en divisant le film en plusieurs séquences, pour chaque étape de la vie. Les moments forts comprennent notamment la scène où Cleese donne des cours d'éducation sexuelle à ses élèves en couchant avec sa femme pour illustrer ses démonstrations, ou encore l'explosion de l'énorme Mr. Creosote après avoir un peu trop mangé dans un restaurant français.



La comédie anglophone pré-Python

Les années 60, époque formatrice pour les Monty Python, montrent avec quel décalage leurs sketches sont apparus sur la scène télévisuelle. La comédie britannique avait déjà sa place à la télévision, de même qu'à la radio et au théâtre. C'est d'ailleurs sur ces deux derniers supports que l'inventivité est la plus débridée. Citant ses influences, Palin fait référence au grand classique britannique de la radio The Goon Show, série comique qui date de 1951 avec des comédiens (Spike Milligan, Peter Sellers, Harry Secombe et Michael Bentine) dont l'influence a par la suite été énorme sur pratiquement tous les humoristes anglais et qui ont été parmi les premiers à appliquer au comique le concept de stream-of-consciousness (une technique littéraire notamment utilisée par Woolf et Faulkner pour retranscrire pensées ou sentiments sans prendre en compte leur séquence logique ou narrative). L'influence des Etats-Unis est évidente : la moitié des séries diffusées sont produites aux USA. Très peu d'émissions font la traversée dans l'autre sens, et même lorsque c'est le cas, seule l'idée est reprise : le nom, les acteurs et le contexte culturel sont américanisés. Par exemple, une vieille série anglaise Steptoe and Son devient Stanford and Son aux Etats-Unis. Aujourd'hui encore, lorsqu'une sit-com anglaise s'exporte, elle est américanisée de la même manière (la série Absolutely Fabulous par exemple). Monty Python est d'ailleurs à ce jour une des seules séries comiques à s'être exportée sans modification.
Dans les années 60, qu'il s'agisse des Anglais ou des Américains, le ton reste bon enfant, sans critique ni traitement de l'actualité : histoires d'amour, vie de famille, situations de guerre et bien sûr les bons rêves capitalistes, illustrés à la perfection par The Beverly Hillbillies (USA), une famille d'agriculteurs incultes qui deviennent millionnaires en trouvant une source de pétrole sur leur terrain. Même les séries les plus "décalées" sont quand même basées sur une harmonie familiale classique homme-femme-enfants (La famille Addams 1964, The Munsters 1965, Ma sorcière bien aimée 1964). Dans chaque formule, on trouve les mêmes éléments : décors filmés en studio avec rires en boîtes, "pauses musicales" et bien sûr les fameuses "chutes" à la fin des gags. Les Monty Python parodient d'ailleurs ces formules dans The Attila the Hun Show, en s'attaquant également aux résultats des lois pour la discriminations positive imposant des quotas d'acteurs des minorités. Les lois ne changeant pas nécessairement les mentalités, cela donne des noirs qui se trouvent systématiquement dans les rôles les plus cliché de majordomes tendance bon nègre.



Voyage

Avec Le Tour du monde en 80 jours, Palin traverse la planète d'est en ouest en reprenant le concept du livre de Jules Verne : il voyage avec les moyens de l'époque (en gros sans prendre l'avion) et parvient in extremis à relever le défi - tout en redéfinissant le genre des documentaires de voyage. Dans un style qu'on retrouve souvent aujourd'hui, il s'adresse à la caméra, montre les situations difficiles et inconfortables, filme son équipe technique et, bien sûr, utilise au mieux son sens de l'humour et son naturel un peu maladroit…
Le Tour du Pacifique raconte un voyage de 50.000 miles dans lequel Palin et son équipe traversent les 18 pays qui entourent l'océan Pacifique : la Russie, le Japon, la Chine et toute l'Asie du sud-est, l'Australie et l'Amérique du sud. Les moments les plus marquants sont par exemple un repas à base d'insectes, une soirée mémorable où il termine ivre mort "forcé" à boire par des marins russes, chantant avec la chorale d'un grand bateau à Vladivostock, ou encore un épisode où il devient berger pour chameaux en Australie.
Pour D'un pôle à l'autre, Palin s'embarque, après son parcours est-ouest, dans un voyage de cinq mois du Pôle nord au Pôle sud. C'est un voyage extraordinaire de par les paysages des 17 pays qu'il traverse : Groenland, URSS, Kenya, Afrique du sud, Chili, Turquie, Egypte, Soudan, Ethiopie, Zimbabwe... Tout cela sans pouvoir prendre l'avion, sauf en dernier recours (changement de règles de dernière minute peut-être !). Grâce aux observations toujours pertinentes de Palin, cette série est sans doute la meilleure, d'autant plus qu'il y rencontre le père noël, achète un chameau, tout ceci dans une période marquée d'événements : l'équipe est en Afrique du Sud au moment de l'abolition de l'apartheid et en URSS pour la fin du communisme !
Ayant épuisé pas mal de possibilités en matière de distances et de contraintes, Palin se lance Sur les traces d'Hemingway, et suit de manière extensive le parcours d'Ernest Hemingway, au fil de ses voyages, de ses diverses aventures et de ses œuvres. On découvre ainsi les contextes dans lesquels il a pu écrire ses différents ouvrages, la manière dont la chasse et la séduction ont influencé sa vie et, bien entendu, les pays qu'il a parcourus.



Un extrait de sketch de et avec Michael Palin…

[…]
Graham Chapman : Une MAISON ? T'avais de la chance d'avoir une maison ! Nous, on habitait dans une petite chambre, TOUS LES CENT VINGT-SIX, sans meubles. Il manquait la moitié du sol ; on était tous recroquevillés dans un coin parce qu'on avait peur de tomber…
Terry Gilliam : T'avais de la chance d'avoir une chambre ! Nous, on habitait dans un couloir !
Michael Palin : Ohhhh, mais c'était notre rêve ça, vivre dans un couloir ! Ç'aurait été un palace pour nous ! Parce qu'on habitait dans une vieille citerne dans une décharge publique. Tous les matins, on était réveillés par le poisson pourri que les gens nous nous déversaient dessus ! Une maison !? Hmph.
Eric Idle : Quand je dis "maison", en fait, c'était juste un trou dans la terre recouvert avec un morceau de plastique, mais pour nous, c'était notre maison…
GC : Nous, on a été expulsés de notre trou ; on a dû aller habiter dans un étang…
TG : UN ETANG ? Vous pouviez vous estimer heureux ! Nous, on était cent vingt-six à vivre dans une boîte à chaussures au milieu de la rue.
MP : Une boîte en carton ? TG : Ouais.
MP : Ça, c'était de la chance. Parce que nous, on a dû vivre six mois dans un sac en papier au fond d'une fosse sceptique. On devait se lever à six heures tous les matins, nettoyer le sac, manger une croûte de pain rassis, descendre à la mine quatorze heures par jour, tous les jours de l'année. Et quand on rentrait à la maison, mon père nous berçait à coups de ceinturon !
GC : Le grand luxe ! Nous, on devait sortir de l'étang à trois heures du matin, nettoyer l'étang, manger une poignée de gravier brûlant, aller travailler à la mine pour vingt centimes par mois, rentrer à la maison, et mon père nous frappait sur la tête et sur la nuque à coups de tesson de bouteille, et ça, c'était les bons jours !
TG : C'est rien à côté de nous. On devait sortir de la boîte à chaussures à minuit et nettoyer la rue en léchant le sol. On avait droit à une demi-poignée de gravier froid, on travaillait vingt-quatre heures par jour à la mine pour vingt centimes tous les six ans, et quand on rentrait, mon père nous coupait en deux avec un couteau à pain.
EI : Moi, je me levais tous les matins à dix heures du soir, une demi-heure avant d'aller me coucher, je mangeais un peu d'arsenic froid, je travaillais vingt-neuf heures par jour à la mine, et je payais le propriétaire de la mine pour avoir le droit de venir travailler. Et quand on rentrait chez nous, notre père nous tuait avant de danser sur notre tombe en chantant "alléluia." […]


Le son des Monty Python :

Retrouvez deux sketchs des Monty Python en MP3 :