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L'Oeil électrique #14 | C’est arrivé près de maintenant / Atom Heart

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Par Gilbert Rochard.

Atom Heart, de son vrai nom Uwe Schmidt, est apparu sur la scène électronique allemande en 1987, lorsqu’il fonda Lassigue Bendthaus (un concept plus qu’un nom de scène). Son projet solo sous ce nom se caractérise déjà par sa complexité rythmique et son goût pour la déconstruction/déstructuration : un univers mouvant, imaginatif et maîtrisé. Il se fit remarquer assez vite avec The Enginers Love (1988), K7 demo qui circule beaucoup dans le milieu électro. Son premier vinyle Automotif (1989/Parade Amoureuse) est un succès commercial et un hit dans les clubs branchés. En 1991 paraît Matter (KK REC), le premier album, rythmé, toujours techno/dance mais bien loin des stéréotypes habituels. Suivra une suite interminable de LP’s jusqu’en 1993, sous d’étranges pseudonymes : Slot, I, Dr Mueller, Bi-Face, Ongaku... et Atom Heart ! Son obsession persistante pour la technologie et son intérêt pour la sociologie, l’influence de Jean Baudrillard (écrivain, philosophe, auteur d’ une vingtaine d’essais d’ une grande liberté de ton) notamment, donneront naissance en 1992 à Cloned (KK REC), manipulations technologiques du son faites de démontages, duplications, remontages sur le thème du clonage. De là, aboutira un concept basé sur l’idée que le pillage de sons est actuellement la base essentielle de la méthode de composition de la musique électronique. Ceci donnera lieu à la création, par A.H. et Victor Sol, d’une association à but non lucratif : la Musicians Against Copyright Of Sample qui demande à ses adhérents de faire figurer son sigle sur la pochette et de fournir à d’éventuels demandeurs les sources des sons utilisés, permettant ainsi d’être débarrassé des problèmes de copyright. Les samples utilisés pour Cloned sont ainsi offerts en sus de l’album. Si Matter avait été réalisé à l’aide d’un moog, d’un sampler et d’une drum machine, Cloned bénéficia de plus d’équipements analogiques, et en ce qui concerne Rended (KK REC), sorti en 1994 (et que tout un chacun peut également sampler à sa guise puisqu’il est estampillé du sigle de la MACOS), on est totalement dans le sampling : l’album a nécessité plus de deux années de collectage et d’échantillonnage de sons, pour donner une tournure définitive à sa musique : beaucoup de changements et de couches de sons agencées, même si on est encore dans la "Techno Pop", Lassigue Bendthaus étant "le projet de la pop du futur"… La création de son label Rather Interesting (1994/5) va lui permettre de sortir de (très) nombreux albums qui traduisent ce besoin de transformation, d’être hors-contexte dans l’utilisation du son. Notre homme est, par nature, inclassable et inattendu dans ses choix musicaux : il nous livre sa vision d’un univers où humour et absurde font bon ménage : "J’essaie de comprendre chaque genre de musique. En dehors du fait que je puisse les aimer, ce que je préfère c’est "jouer" avec toutes les influences, les replacer dans un contexte différent en essayant d’en comprendre l’essence. Pour en revenir à l’ humour, cela tient à la façon dont j’utilise un son ici et là. Le résultat est alors plutôt drôle ou absurde, voire les deux." Ses principaux collaborateurs sont (très souvent) Victor Sol, avec un projet nommé +N, Tetsu Inoue (souvent), Bill Laswell sur Second Nature, ainsi que, régulièrement, Pete Namlock pour une musique ambient. Je terminerai cette série, non exhaustive, avec Haruomi Hosono, figure incontournable de la musique électronique japonaise et créateur du label novateur Daisyworld. A chaque fois, la création musicale, structurée ou non, ne s’envisage que par l’effort de compréhension, de respect, qu’elle nécessite de la part de chacun des intervenants, mais aussi par l’élaboration d’une architecture adaptée à sa destination finale… nos oreilles ! Depuis quelques années AH réside à Santiago du Chili, ce qui n’empêche nullement ses productions de se multiplier : elles dépassent au total largement la centaine. Ses incursions vont à la rencontre d’univers sonores hétéroclites, définis avec humour dans son catalogue : Future classic music suited for intergalactic cocktail bars 100 years from now (Lisa Carbon), Excursions into digital jazz (Pentatonic Surprise), Digital organics, cold and aseptic (Schnittstelle), etc.

Tout un langage qui nous laisse présager l’imprévisible... peut-être parce que l’homme sait allier ses convictions et ses désirs pour réaliser son propre univers.

Atom Heart nous a gratifiés dernièrement de plusieurs albums somptueux : l’un avec son compère Bernd (Burnt) Friedman, personnage aussi fêlé que lui, sous le nom de Flanger – Templates (Ntone/Pias). Elargissant constamment leur champ d’action, ils nous livrent une habile relecture de compositions proches du Cool Jazz. L’intérêt de ce disque repose notamment sur le traitement rythmique : décalages, effets électroniques (craquements, grésillements...) ; en contrepoint viennent se greffer, avec finesse, les sonorités de "vrais" instruments : percussions, piano rhodes, vibraphone, guitares… une réorganisation du rythme par les samples ; sobre, efficace et jubilatoire. Le second album, sous un énième pseudo, celui d’ Erik Satin – Light Music est lui carrément kitsch, représentation parodique de thèmes crazy, truffé de références musicales (baroque, country, latino…). Les thèmes sont délirants, et bizarreries rythmiques, décalages, répétitions se combinent… Les morceaux comportent de nombreuses sonorités de clavecin, de cuivres et des voix qui donnent à ces mélodies façon cocktail-music, transfigurées par une approche délicieusement décapante et loufoque, du charme et un groove à faire danser Etienne Mougeotte.

Enfin, Atom Heart nous revient en signant la production de Los Sampler’s – Descargas (équivalent cubain de "jam-session"). Qui sont ces Los Sampler’s ? Sont-ils aussi sages que voudrait nous le faire croire la pochette ? Existent-ils vraiment ? Une chose est certaine, AH impose un univers subtil, ludique, sur une musique totalement latino : rumba et mambo en sont les principaux ingrédients. L’originalité repose toujours sur le traitement rythmique, les titres de certains morceaux sont évocateurs : Algo ritmico, Estudio en ritmico (basé sur des temps rythmiques assez compliqués en 7/4-5/4, d’influence afro-cubaine). Les instruments sont bien réels et se combinent aux programmes électroniques, traitements percussifs et polyrythmiques qu’AH leur inflige. Comme quoi l’expérimentation peut être aussi amusante qu’inventive quand elle est si bien maîtrisée…

Ces deux derniers enregistrements, comme la plupart de ses productions, sont sortis sur son label : Rather Interesting (en import pour la France), où l’on retrouve le personnage sous de nombreux autres pseudos : The Roger Tubesound Ensemble, Señor Coconut... et aussi, le(s) même(s), sur une compilation : Real Intelligence 3, commode pour aborder son univers truffé de pieds de nez !

Ce sera peut-être le parcours du combattant pour vous procurer certains des disques. Ceux qui habitent Rennes trouveront ceux-ci chez Cyborg (25, rue Dupont des Loges), pour Paris et Nancy, chez Wave (respectivement au 36, rue Keller et 38, rue des Sœurs Macarons)…
Merci à Yacine de Cyborg pour son aide et à la revue Octopus pour l’utilisation des citations tirées de l’interview d’AH parue dans le n° 4.
Je tiens à signaler l’existence d’un disque, bien qu’il en existe d’autres, où AH nous livre une musique plus abstraite, une compilation sur Side Effects : Deepnet, en compagnie de Psychophysicist, Monte Cazazza…